France: Les dernières conversations entre Mohamed Merah et la police diffusées
Le Monde.fr avec AFP | 09.07.2012 - Pour la première fois, des extraits audio des négociations entre Mohamed Merah et les policiers pendant les 32 heures du siège de son appartement toulousain ont été diffusés, dimanche 8 juillet.
Le Monde.fr avec AFP | 09.07.2012 - Pour la première fois, des extraits audio des négociations entre Mohamed Merah et les policiers pendant les 32 heures du siège de son appartement toulousain ont été diffusés, dimanche 8 juillet.
L'émission de TF1 Sept à Huit a diffusé des bribes de conversations entre Merah et les policiers dans lesquelles le forcené affirme être prêt à poursuivre ses meurtres, assure être en lien avec Al-Qaida et le grand banditisme, et explique comment il a trompé la vigilance de la DCRI qui le surveillait. TF1 assure détenir pas moins de quatre heures et demie de négociations entre la police et le tueur, abattu le 22 mars par une unité d'intervention.
Le ministre de l'intérieur Manuel Valls a regretté la diffusion de ces enregistrements "au moment même où la justice est saisie". "Aucune précaution n'a été prise pour respecter les familles des victimes. Il convient donc de s'interroger sur les moyens par lesquels le diffuseur a pu se procurer ledit enregistrement", dit-il. Dans la soirée, le ministère a annoncé que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices", va mener une enquête administrative.
Son plan pendant le siège. Les échanges commencent après le premier assaut des policiers, le 21 mars vers 3 heures du matin, lorsqu'ils sont accueillis par un feu nourri. "Je suis quelqu'un de déterminé, je n'ai pas fait ça pour me laisser faire attraper, t'as vu. Là, on négocie tu vois, on est en train de négocier, après, en dehors des négociations, n'oublie pas que j'ai les armes à la main, je sais ce qui va se passer, je sais comment vous opérez pour intervenir", dit-il au négociateur.
Il dit vouloir se rendre, éventuellement, mais "c'est flou". "Je connais le système français. Là je sais ce que je risque, je vais prendre la peine maximale, 30 ans de réclusion criminelle. Avec sûrement 22 ans de sûreté. Voilà, je peux me dire aussi que je n'ai rien à perdre. (...) Si je me rends, ça aura servi à quoi tout ce que j'ai fait ?".
"Je sais que vous risquez de m'abattre, c'est un risque que je prends, poursuit-il. Donc voilà, sachez qu'en face de vous, vous avez un homme qui n'a pas peur de la mort, moi la mort, je l'aime comme vous, vous aimez la vie".
" QUI T'AS VU FAIRE DU TOURISME EN AFGHANISTAN ?"
Les liens avec la DCRI. Provocateur, Merah interpelle directement l'agent de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qu'il avait connu par le passé. "Tu crois que je vais faire du tourisme au Pakistan et en Afghanistan ? Qui t'as vu faire du tourisme là-bas? (...)'Al Harb Khoudaa', tu sais ce que ça veut dire? ça veut dire, la guerre est une ruse. Quand tu m'as convoqué, quand j'étais dans vos bureaux, j'étais en contact avec eux, je les avais trouvés (...) Je crois que c'est une des plus grandes erreurs de ta carrière".
Les liens avec Al-Qaida. Il fait part de ses contacts avec "ses frères" d'Al-Qaida au Pakistan, assurant avoir passé "deux mois, jour pour jour" dans un camp d'entraînement avec "des Français, des Chinois, des Tadjiks, des Afghans, des Pakistanais, des Américains, des Allemands, des Espagnols". "On m'a proposé des attaques en Amérique, au Canada, etc. Et moi je leur ai dit que comme j'étais Français, c'est plus facile pour moi et plus simple d'attaquer la France." Parmi les cibles envisagées, "des personnes connues". "C'était des personnes importantes, tuer certains diplomates (...) Comme l'ambassadeur de l'Inde, ou l'ambassadrice (...) ou encore des chefs de presse de certains pays", a-t-il dit.
Le père de Merah, qui a porté plainte en estimant que son fils avait été victime d'une exécution au motif qu'il risquait de révéler qu'il avait travaillé pour les services de renseignement français, dit être en possession d'autres enregistrements. Mais ils n'ont jamais été remis au parquet de Paris, qui a donc mis en doute leur existence, en soulignant que Mohamed Merah, à la différence des policiers, n'a pas pu matériellement faire d'enregistrements sonores ou vidéo lors du siège, car aucun moyen d'enregistrement n'a été retrouvé en sa possession.
Même si elle rejette la théorie d'un complot contre lui, la justice française enquête toujours sur l'appréhension par le renseignement de Mohamed Merah, 15 fois condamné dans sa jeunesse.
>> Lire notre enquête Affaire Merah, voyage au pays des conspirationnistes
"TUER EN PRIORITÉ DES MILITAIRES"
Ses meurtres. Merah explique que ses cibles étaient les militaires, les policiers et les gendarmes. "Mon but dans ces attentats, c'était de tuer en priorité des militaires, parce que ces militaires-là sont engagés en Afghanistan, et tous leurs alliés, que ce soit de la police, de la gendarmerie, de la police nationale, de tout." Son interlocuteur de la DCRI lui demande s'il était visé. "Si, crois-moi que je t'avais ciblé Hassan. Mon but c'était de t'appeler (...), te faire un travail pour que tu viennes à moi, et t'en aurais pris une en pleine tête".
Il explique ensuite calmement que l'école juive qu'il a pris pour cible était une action improvisée. "J'étais en guet-apens, il devait sortir, je devais moi apparaître devant lui et le tuer à travers le pare-brise (...) j'ai raté ma cible (...) et à partir de là j'ai repris le scooter et je suis passé comme ça. Ce n'était pas prémédité, enfin si, je comptais le faire, mais le matin en me réveillant c'était pas mon objectif."
S'il n'avait pas été identifié, Merah comptait bien poursuivre ses meurtres. "J'avais plusieurs personnes dont je savais ou ils habitaient (...) Et à partir de là, je savais que ça allait être vraiment chaud pour moi, qu'il y allait avoir des barrages, tout ça, et à ce moment-là, dès que j'aurais fait toutes ces opérations, j'aurais tout fait au culot, je serais entré dans les commissariats, j'aurais abattu le policier qui est à l'accueil, j'aurais abattu des gens dans la rue, des gendarmes qui circulent en voiture, aux feux rouges, j'aurais mis des guet-apens. J'allais faire tout au hasard et sans aucune préparation."
Son apparence. Il explique aux policiers que son look "faisait partie de la ruse". "Oui, je vais en boîte (...), je m'habillais d'une certaine façon, qui montre que j'ai pas le profil de quelqu'un qui fait partie d'Al-Qaida (...) J'avais fait une vraie coupe fashion, j'avais fait la crête, les cheveux longs, en arrière, dégradé espagnol sur le côté, tribal. J'ai fait tout ça, j'avais fait blond. Ca fait partie de la ruse, tu vois."
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