Exclusif/ Marchés publics en Côte d’Ivoire : Le scandale que veut camoufler Ouattara !• Une mauvaise gouvernance record• Les preuves d'une dérive
Par Le Nouveau Courrier - Comment le régime Ouattara camoufle sa mauvaise gouvernance.
La communication manipulatoire, encore et toujours. Pour ne donner aucune suite aux informations alarmistes qui faisaient état, il y a quelques mois, d'une explosion inédite du gré à gré dans la passation des marchés publics en Côte d'Ivoire, le régime ruse et manipule les chiffres.
Au lieu d'évaluer, comme le veut la nomenclature habituelle, les sommes engagées dans des marchés publics faisant suite à des appels d'offres ouverts, à des appels d'offres restreints et au gré à gré (porte ouverte à tous les abus), il se borne à produire des pourcentages de marchés publics approuvés en nombre. Des pourcentages inutiles qui puent la mystification.
Ainsi, les yeux peu attentifs, en parcourant le communiqué diffusé par le pouvoir, visualisent un chiffre : les marchés de gré à gré représenteraient « 10,7% des marchés approuvés en nombre » en Côte d'Ivoire. Rien de grave, donc, peut-on se dire. Il faut être un observateur plus avisé et se munir de sa calculatrice pour pouvoir déduire des données confuses mises à la disposition du grand public ce que les sommes engagées dans des procédures de gré à gré représentent par rapport à l'ensemble des marchés publics approuvés – c'est en effet ce
chiffre qui est le plus important. L'Etat de Côte d'Ivoire a attribué, en 2013, des marchés d'une valeur de 294,2 milliards de FCFA en passant par le gré à gré. Le coût global des marchés approuvés ayant été de 687,7 milliards de FCFA, le gré à gré a représenté environ 43% des sommes totales engagées. Les appels d'offres ouverts, qui plafonnaient à 245,1 milliards de
FCFA, représentaient 35% du budget global. Tandis que les appels d'offres restreints, d'un montant de 55,2 milliards de FCFA, représentaient 8% du coût global des marchés publics approuvés. Ces chiffres, les plus significatifs, ont disparu du communiqué officiel... De l'art de tromper le peuple !
Jamais depuis au moins 1995, les marchés de gré à gré n'ont représenté, en Côte d'Ivoire, une somme plus élevée que ce que représentent les appels d'offres ouverts. Le niveau des marchés de gré à gré que l'on observe aujourd'hui est inédit. Il représente 43% du portefeuille global en 2013, alors qu'il plafonnait à 23% en 2007, à 30 % en 2008, à 27% en 2009, à 31%
en 2010, à 29% en 2011... et à 39% en 2012, année où la dérive a commencé alors que la normalisation de la situation sociopolitique devait produire les effets contraires de ce qui a été
observé. Une dérive d'autant plus préoccupante que l'afflux des aides et des crédits extérieurs ainsi que le bouclage de l'initiative PPTE se sont conjugués pour créer un afflux d'argent vers le Trésor public ivoirien.
Cette année, l'argent « libéré » dans le cadre des marchés publics a représenté juste un peu moins que le cumul des sommes octroyées aux entreprises contractantes entre 2003 et 2007 ! Cela signifie que l'on endette de manière conséquente les générations qui viennent et que l'on dépense le fruit de cet endettement dans la plus grande opacité ! Cela signifie que
le risque que les infrastructures qui nous sont brandies à longueur de campagnes de propagande donnent lieu à des surfacturations gigantesques est grand, très grand !
Une autre zone d'ombre existe dans le communiqué officiel du gouvernement : quand on cumule les pourcentages des marchés passés sous forme d'appels d'offres ouverts, d'appels d'offres restreints et de gré à gré... on n'obtient pas 100% mais 96%. 4% des marchés ne relèvent-ils d'aucune de ces trois catégories habituelles ? L'on n'en aura le coeur net que lorsque le régime Ouattara se résoudra à publier l'intégralité des statistiques sur les marchés publics en Côte d'Ivoire, qui doivent également clarifier la composition des marchés de gré à gré. Il ne suffit pas de dire que ce sont les « aides liées » d'un certain nombre de gouvernements qui expliquent la dérive observée ces deux dernières années. Il est urgent de fournir à l'opinion nationale et internationale des chiffres exhaustifs et significatifs, loin des données outrageusement manipulées pour camoufler des scandales de gestion. Et complaire à Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) qui –pour « faire semblant » ?– avait mis en garde récemment contre l'inflation du gré à gré dans la Côte d'Ivoire de Ouattara.
Philippe Brou