EXCLUSIF- Gbagbo dans son livre: "Villepin et Bourgi m'ont demandé de financer Chirac en 2002"
Par Politicomag.com - Gbagbo dans son livre "Villepin et Bourgi m'ont demandé de financer Chirac en 2002".
Dans le livre "Pour la vérité et la justice" co-signé avec le journaliste français François Mattei, l'ex-chef d'Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, affirme que l'ancien ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, et l'avocat franco-Libanais Robert Bourgi, lui ont "demandé de cracher au bassinet" pour financer la campagne électorale de Jacques Chirac.
Encore de nouvelles révélations sur les "mallettes franco-africaines". Cette fois-ci, les confidences ne viennent pas de n'importe qui. Ce sont celles d'un ex-président. En effet, dans l'ouvrage réalisé avec François Mattei, ancien directeur de la rédaction de France-Soir, Laurent Gbagbo raconte comment, en 2001, Dominique de Villepin et Robert Bourgi l'ont démarché afin qu'il contribue financièrement à la campagne de Jacques Chirac, alors candidat à sa propre succession à la présidentielle française de 2002.
"Il m’a raconté avoir été fortement sollicité par Villepin et Bourgi en 2001 pour financer la campagne électorale de Jacques Chirac lors des élections présidentielles de 2002", écrit François Mattei dans l'un des nombreux chapitres consacrés aux dossiers noirs des relations françafricaines. "Il savait que les protagonistes du coup d’État de la Mercedes noire s’étaient réfugiés au Burkina et pouvaient faire une nouvelle tentative à tout moment s’ils se savaient soutenus par des intérêts puissants. Surtout, il est difficile de dire non aux représentants des Autorités françaises lorsque ceux-ci sont militairement les patrons sur le terrain. Quand il y a un tel déséquilibre entre le puissant et le faible, quelle marge de manœuvre reste-t-il au faible ? C’est ce sur quoi compte les tenants de la Françafrique", rapporte le journaliste.
Laurent Gbagbo lui-même en fournit les détails à son interlocuteur : "C’était en 2001, je pense. Villepin et Robert Bourgi m’ont demandé de cracher au bassinet pour l’élection en 2002 en France. Nous étions au Voltaire, un restaurant qui est sur le quai du même nom, près de la Documentation française", se remémore l'ex-président. "C’était le prix pour avoir la paix, en Françafrique", concède-t-il. Puis M. Gbagbo ajoute : "J’ai eu une entrevue avec Chirac, tout s’est très bien passé, il m’a raccompagné, il était très amical, et il m’a dit en me tapant sur l’épaule, sur le perron : « Je ne suis pas un ingrat. » Je ne suis pas fier de cet épisode, mais je pensais y gagner la marge de manœuvre nécessaire pour avancer vers nos objectifs".
"On me l’a reproché en disant que c’était la preuve de mon double langage, que je m’appuyais sur le néo-colonialisme pour le critiquer. Comme si on pouvait toujours répondre à des partenaires aussi puissants, sans employer la ruse, et la diplomatie. On m’a mis dès le début en situation de crise et d’urgence permanentes", reconnait Laurent Gbagbo. Malgré tout, il n'aurait pas donné suite aux sollicitations des deux émissaires qui "ne sont jamais revenus à la charge". "Je n’aurais pas accepté. Ils le savaient. Cela n’a pas amélioré nos relations. Plus tard, Chirac a dit que je l’avais « manqué », je n’ai pas compris pourquoi. Il a prétendu que j’avais laissé filtrer l’information", révèle Laurent Gbagbo.
Les écrits de M. Gbagbo - aujourd'hui détenu à la prison de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, aux Pays-Bas -, contrastent avec ceux tenus par son proche entourage et plusieurs médias français sur ce feuilleton des valises. Est-ce par charité chrétienne qu'il épargne ainsi volontairement Jacques Chirac et Dominique de Villepin, ses anciens bourreaux ? En septembre 2011, Mamadou Koulibaly, ex-numéro 2 de son régime, avait déclaré à l'AFP que quelque trois millions d'euros (environ 2 milliards de francs CFA) en provenance de Côte d'Ivoire avaient contribué à financer la campagne électorale du président français Jacques Chirac en 2002. Les déclarations de l'ancien président de l'Assemblée nationale ivoirienne, corroborait ainsi les révélations explosives de l'avocat français Robert Bourgi, conseiller officieux pour l'Afrique du président français Nicolas Sarkozy après savoir servi... Dominique de Villepin !
"Robert Bourgi a parfaitement raison il y a eu un transfert d'argent entre Laurent Gbagbo et Jacques Chirac, en 2002", déclarait alors Mamadou Koulibaly, faisant état "d'environ deux milliards de FCFA (environ trois millions d'euros) transportés d'Abidjan vers Paris par valise". "J'ai dit au président (Gbagbo) que nous étions un pays pauvre et que nous n'avions pas d'argent pour financer des élections d'hommes politiques de pays riches", a-t-il expliqué.
Quelques années plus tôt, Toussaint Alain, alors conseiller en communication de Laurent Gbagbo pour l’Europe, avait déjà levé le lièvre. Dans l’édition du Figaro du 7 février 2003, il avait mis Villepin en garde, dans le "feu" de Linas-Marcoussis et de la conférence de Kléber [une allusion aux accords de Kléber, signés en janvier 2003 à Linas-Marcoussis ; les parties ivoiriennes avaient été invitées près de Paris pour négocier une issue à la guerre qui opposait alors les forces pro-Gbagbo et la rébellion]. "Villepin devrait se méfier. Les dessous des relations franco-ivoiriennes, notamment à l’époque où il était secrétaire général de l’Elysée, ne sont pas toujours très reluisants. Nous sommes un peu étonnés qu’après toutes les largesses dont la Côte d’Ivoire a fait preuve à l’égard de l’Elysée, Monsieur de Villepin se comporte ainsi. Nous aussi, nous avons des dossiers", avait-il lâché. Une déclaration qui avait provoqué le courroux du Quai d'Orsay et du Château (l'Elysée), qui s'en étaient plaints auprès du... défunt président Gabonais Omar Bongo. L'ex-porte-parole avait également précisé même s'être rendu en décembre 2001, janvier 2002 puis avril 2002 à l'Elysée avec un autre proche de Laurent Gbagbo pour une remise de fonds en présence de... Robert Bourgi !
Voilà qui va alimenter encore le débat sur les valises.
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