Economie: Soupçonné d’avoir détourné 1,4 milliard de Fcfa. Le DG de la Sicogi séquestré pour rien
Le 14 juin 2011 par Notre voie - En ce début de l’ère Ouattara, un ministre a procédé lui-même et en main propre à l’arrestation du directeurs général d’une société sous sa tutelle, sans passer par la police ou la gendarmerie. La victime
Le 14 juin 2011 par Notre voie - En ce début de l’ère Ouattara, un ministre a procédé lui-même et en main propre à l’arrestation du directeurs général d’une société sous sa tutelle, sans passer par la police ou la gendarmerie. La victime
s’appelle Vincent Libi Koita, DG « suspendu » de ses fonctions par Alassane Ouattara à la SICOGI. Il a été blanchi par les enquêtes.
Vincent Libi Koita respire à nouveau l’air frais du dehors depuis le 8 juin 2011. Pendant 16 jours, le directeur général de la Société ivoirienne de Construction et de Gestion immobilière (SICOGI), a été enfermé dans les locaux de la Police économique au Plateau, centre des affaires de la capitale économique de la Côte d’Ivoire. M. Libi Koita a été « arrêté », le 24 mai 2011, par le ministre d’Etat, ministre de la Justice lui-même, au cabinet ministériel. Puis, il a été confié par le ministre au directeur de cabinet du ministère. Ce dernier l’a embarqué à bord du véhicule de fonction ministériel et conduit, tranquillement, à la Police économique. Les policiers chargés de la répression des crimes économiques ont reçu le DG de la SICOGI avec étonnement. Ils n’avaient jamais été associés à l’ « arrestation » de leur nouveau pensionnaire. De plus, aucune plainte n’a précédé l’homme qu’on leur confiait…
Dehors, pour ses collaborateurs, le directeur général de la SICOGI, Vincent Libi Koita, maire de Sassandra (Sud-ouest de la Côte d’Ivoire), a disparu des écrans de la société dès le 24 mai 2011. Ces agents ne savaient pas qu’il avait été arrêté en mains propres par le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Jeannot Ahoussou Kouadio qui, avant la formation du gouvernement du 2 juin, gérait par intérim le ministère de la Construction et de l’Urbanisme, tutelle de la SICOGI. Pour arriver à ses fins, M. Jeannot Ahoussou Kouadio a attiré Libi Koita dans un guet-apens très inélégant. Puis, il a sûrement et facilement convaincu Alassane Ouattara que le DG de la SICOGI, cadre du Front populaire ivoirien, « a détourné à son propre profit » la bagatelle somme de 1,4 milliards de FCFA dans les comptes de la société. Sans réclamer la moindre enquête, donc sans aucun début de preuve, le nouveau président ivoirien s’est apparemment énervé. Chasseur déclaré « de délits impunis », avide de mordre dans du « pro-Gbagbo », M. Ouattara a bondi sur la première occasion de sévir. Avant de s’envoler pour Deauville (France), au sommet des chefs d’Etat membres du G8 sur « invitation spéciale » du président français Sarkozy, M. Ouattara a signé un décret scélérat pour « suspendre » Libi Koita de ses fonctions de DG de la SICOGI. Dans son dos, Jeannot Ahoussou Kouadio a pris un arrêté tout aussi scélérat pour nommer un DG intérimaire à la SICOGI. Mais moins d’une semaine après ces coups donnés les yeux fermés et à la hâte, le dossier a coincé. Le ministre d’Etat, devenu super flic, a sûrement été mis en difficulté : Les recherches sur les comptes bancaires de la SICOGI et sur ceux de Vincent Libi Koita ont abouti à l’évidence : Il n’y a jamais eu de détournement. Libi Koita devait être libéré mais sa libération rapide aurait prouvé à Alassane Ouattara que Jeannot Ahoussou a exploité sa rancœur contre les partisans de Laurent Gbagbo pour lui arracher un décret proprement arbitraire.
A la SICOGI, dans le cercle de ses amitiés politiques et dans sa famille biologique, l’information de l’arrestation et de la détention arbitraires de Libi Koita était gardée secrète. Personne n’osait en parler. Tous affirmaient ainsi éviter d’« effaroucher » son ravisseur, Ahoussou Kouadio. Tous cachaient le scandale pour éviter de « mettre en danger l’intégrité physique de Libi ». Tous espéraient que Libi Koita n’ayant commis aucun crime, allait très vite recouvrer sa liberté. Or, les jours passaient sans un quelconque signe d’espoir. Alors, les lignes ont bougé quand des sources à la Police économique, qui déclaraient ne plus supporter ce qui se passait, ont décidé de nous interpeller : « Moi, je vous appelle de la Police économique au Plateau. Le DG de la SICOGI est détenu ici. Je ne sais pas pourquoi on le maintient ici. Quelque chose peut lui arriver et ce n’est pas normal. Informez-vous et vous verrez ! ». L’interlocuteur a coupé son téléphone. Il nous a appelés à partir d’un numéro masqué. Nous étions le 3 juin. Au bout de 72 heures, le tour de ses amis et collaborateurs nous a permis d’établir que Libi Koita séjournait effectivement à la Police économique. Après son arrestation le 24 mai, il a passé la première nuit au camp de gendarmerie d’Agban avant d’atterrir chez les policiers chargés des crimes économiques. Il y dormait à même le sol, dans un bureau, sur un petit matelas. Il a fini par être libéré le 8 juin. Il est ressorti de la Police économique et a rejoint les siens. Il n’a jamais volé mais son ministre l’a accusé, humilié et remplacé à son poste.
César Etou