Duékoué : Depuis la disparition de Kouakou Béatrice et de sa structure humanitaire, les filles mères se prostituent
Le 16 août 2012 par Correspondance particulière - Installée depuis plusieurs décennies à Duékoué où ses parents - Baoulés venus du Centre - exploitent des plantations de Café et de Cacao, Kouakou Béatrice était propriétaire d’un salon de coiffure et d’un atelier de
Le 16 août 2012 par Correspondance particulière - Installée depuis plusieurs décennies à Duékoué où ses parents - Baoulés venus du Centre - exploitent des plantations de Café et de Cacao, Kouakou Béatrice était propriétaire d’un salon de coiffure et d’un atelier de
couture. Militante au Front populaire ivoirien (FPI), parti politique de l’ex-président Laurent Gbagbo, elle était Secrétaire à l’Organisation des Femmes de la section de ce parti à Duékoué. Avant sa nommination à cette responsabilité politique, Kouakou Béatrice communément appelée « Tantie Béa » organisait déjà des femmes en coopératives pour une meilleure vente de leurs productions agricoles (bananes plantins, ignames, taros, aubergines …etc.) et pour bénéficer d’aides financières des banques commerciales. Elle sensibilisait aussi des jeunes filles mères à l’apprentissage d’un métier. Je tiens à préciser que Tantie Béa faisait tout ce travail sans distinction ethnique, religieuse et politique. Toutes ces activités humanitaires étaient pour la plupart financées par Tantie Béa et par des dons de certaines personnalités politiques ou religieuses de passage dans la ville de Duékoué. Au plan politique, les populations allogènes, pour la plupart les Baoulé et les Malinké, de la région de Duékoué qui sont traditionnellement proches du PDCI et du RDR étaient mobilisées par Kouakou Béatrice pour la cause du FPI. Elle était aussi affectueusement appelée « Mère Teresa de Duékoué ».
Pour rappel, depuis le coup d’Etat militaire manqué du 18 septembre 2002 en Côte d’Ivoire contre le régime du FPI, la région de Duékoué est la plus sinistrée. La crise de 2002 a aussi vu la partition du pays en deux, ainsi donc Duékoué se trouvait pour une partie dans la zone de confiance sous contrôle des casques bleus de l’ONUCI, une autre dans la zone occupée par les rebelles des Forces nouvelles. Les nombreuses tueries et massacres perpétrés quotidiennement dans cette partie du pays ont occasionné l’augmentation du nombre des jeunes filles mères et des veuves qui sont sans soutien. Cette situation de crise militaro-politique a aussi multiplié par deux, trois voire même quatre fois la pauvreté des populations en générale et celle des jeunes filles mères et des veuves en particulier.
Devant une telle situation de précarité, Tantie Béa décida de transformer l’atelier de couture en un centre de formation, pour donner un peu plus de chance à ces jeunes filles mères et à ces veuves à se prendre en charge après deux ans d’apprentissage pour les plus assidues. Progressivement, le centre de formation a commencé à connaître un succès considérable dans la région à tel point que certains organismes chargés des réfugiés avaient commencés à prendre contact avec la promotrice pour étudier les conditions d’une extension du centre en vue de l’augmentation de ses effectifs. Parce que pour ces organisations internationales les œuvres de Kouakou Béatrice étaient plus humanitaires que politiques. Malheureusement les rebelles proches d’Alassane Ouattara ne voyaient pas les activités de Tantie Béa comme des œuvres humanitaires mais plutôt politiques allant contre les intérêts de leur champion ; donc le salon de coiffure et le centre de formation de couture de celle-ci seront leur première cible lors de la crise post-électorale entre décembre 2010 et avril 2011. Entre-temps les rebelles des Forces nouvelles (Fn) ont été rebaptisés Forces republicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) par Alassane Ouattara. Ce sont des éléments des Frci qui saccageront le salon de coifure, l’atelier de couture et le domicile de Kouakou Béatrice et également le campement de ses parents. Depuis nous sommes sans nouvelles de cette « Mère Teresa » Ivoirienne. A Duékoué comme à Toumodi, au Centre du pays, sa région d’origine personne ne sait où se trouve cette dame au grand cœur. A-t-elle été tué par les Frci ou les Dozo d’Alassane Ouattara ? Personne ne peut répondre à cette question dans l’entourage immédiat de dame Kouakou Béatrice. La seule réponse à cette question chez les pensionnaires de l’ex-centre de formation au métier de la couture sont des pleurs et des souvenirs. Les derniers massacres du camp des réfugiés de la même ville de Duékoué qui ont fait plusieurs morts, blessés et des sans abris nous rappellent Kouakou Béatrice, Tantie Béa notre « Mère Thérèsa ». Depuis plus d’un an déjà que les structures qu’elle a mis en place et qu’elle dirigeait ont été saccagées et que nous sommes sans nouvelles d’elles, les jeunes filles qu’elle encadrait se prostituent quotidiennement pour se nourrir et s’occuper de leurs enfants. Les jeunes filles de Duékoué sont ainsi exposées à des maladies sexuellement transmissibles y compris le VIH-Sida. C’est pourquoi nous souhaitons vivement que les nouvelles autorités prennent le relais de dame Kouakou Béatrice pour éviter à nos sœurs le pire.
Wapéagou Azoh