Dothy Z (artiste musicienne, auteure-compositrice) : « Ma vie est une succession de miracles... »

Par Fraternité.info - Dothy Z (artiste musicienne, auteure-compositrice) « Ma vie est une succession de miracles... ».

C’est sous le pseudonyme de Dothy Z que Zebro Dorothée Lydie Aubierge fait son entrée sur la scène musicale en 1984 avec Binta,son premier album. Si la vie n’a pas été tendre pour l’artiste originaire de Gagnoa, Dothy Z n’a jamais baissé les bras pour vivre sa passion : la musique. Avant la sortie en janvier 2023 de ‘’Christal’’, son 7e album, Doty Z s’est confiée à Fraternité Matin.
Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas de vos nouvelles Dothy Z. Où étiez-vous ?
J’étais là (rires). Vous avez raison, j’ai été quelque peu absente de la scène pour des raisons familiales. J’ai mon frère aîné qui avait des ennuis de santé et je l’assistais.
Malheureusement, il a rendu l’âme. Après lui, ma mère est tombée malade. Tous les deux mois, je faisais la navette entre l’Europe où je vis et la Côte d’Ivoire pour veiller sur elle. Hélas, elle aussi a rendu l’âme. J’ai donc dû mettre une pause à ma carrière musicale pour gérer mes problèmes familiaux.

Revenons à votre carrière musicale. Comment tout a débuté ?

Je suis venue à la musique un peu par hasard. C’est l’artiste musicien et arrangeur Bamba Young qui, un jour, m’a repérée et qui m’a demandé si j’étais une star. Sans doute à cause de mon look qui dé- tonnait. Je lui ai répondu que non. J’étais étudiante à l’université de Paris. Après cette première rencontre, je suis devenue familière avec Bamba Young qui a insisté pour que je fasse de la musique parce que, selon lui, j’avais un truc en moi qui pouvait me permettre de faire une belle carrière musicale. C’est lui qui, la première fois, m’a conduite dans un studio d’enregistrement où j’ai découvert tout dans la conception d’un disque. J’ai trimé pour enregistrer mon premier album. Et à la fin, j’ai eu la chance de signer dans une grande maison de disques (Ndlr : Safari ambiance) qui avait un grand artiste comme feu Papa Wemba dans son écurie. Par la suite, en 1984, lorsque l’album est sorti, je suis venue à Abidjan pour la promotion. Et c’est ici que j’ai rencontré Paul Dokui,à la radio, qui m’a donné mon nom d’artiste Dothy Z. il estimait que mon nom à l’état civil : ‘‘Dorothée Zebro’’, n’était pas artistique (Rire). Et depuis lors, j’ai cravaché pour avoir aujourd’hui dans ma discographie 6 albums. Le 7e est prêt et il sera d’ailleurs lancé officiellement au cours d’une conférence au mois de janvier 2023.

Quelle est la coloration de ce nouvel album ?

L’album est prêt depuis 2020 mais la pandémie de la Covid-19 nous a contraints de reporter la sortie. C’est un album de 7 titres. J’ai remixé ‘’Chromosome’’, un titre à succès qui figurait sur mon précédent album du même nom. Dans ce nouvel album baptisé ‘’Christal’’, je suis restée fidèle à mon style qui est la musique de recherche. J’ai ouvert mon art à des rythmes musicaux tels que le digba, le zoblazo, zahouli, le goli et bien d’autres. C’est un album coloré qui, j’espère, plaira au public. ‘’Christal’’, c’est un peu moi. Comme cette pierre, je suis solide. Ma vie est une succession de miracles. Je suis née handicapée physique, aujourd’hui c’est une grâce de Dieu si je marche car personne ne pouvait penser que je marcherai un jour.

Ma carrière a été bouleversée par beaucoup d’épreuves. Mais par la prière et grâce au soutien de mes proches dont ma regrettée mère et aussi la passion et l’amour de ce que je fais, je continue de de scintiller comme le Christal, malgré mes 62 ans et les nom breux obstacles qui se sont dressés sur mon chemin.

N’avez-vous pas d’appréhension quant à l’accueil de ce nouvel album ?

Je vais tout doucement. Je propose l’album. Ensuite, il y aura des clips vidéo pour le soutenir et on verra la réaction du public. En fonction de cela on pourra programmer un concert. Quand on a mis du temps hors de la scène, il faut prendre le temps de regagner le cœur des mélomanes.

Cette année cela fait 38 ans que Dothy Z a entamé sa carrière. Aujourd’hui, il y a des artistes qui ont pignon sur rue, n’avez-vous pas le sentiment d’être has been ?

Ah non pas du tout. Il y a quelque temps, j’ai assisté au concert de la chanteuse française Shella qui a 77 ans aujourd’hui et elle a fait salle comble. Pourquoi en Côte d’Ivoire, certains veulent jeter les anciens artistes musiciens aux orties ? Récemment encore, Antoinette Konan a rempli le Palais de la culture. Avant elle, il y a eu Aïcha Koné, Luckson Padaud, Bailly Spinto, etc. C’est dire qu’il ya encore un public pour nous. Il est vrai que la jeune génération a du talent mais nous aussi avons de beaux restes et nous n’avons pas à être complexés. Si aujourd’hui, on parle plus des jeunes artistes, c’est parce que les médias les suivent alors que ce n’est pas le cas pour nous autres.

Je suis consciente que du fait d’une relative longue absence de la scène musicale, le public a sans doute fixé son attention sur d’autres chanteurs mais il ne faut pas donner l’impression que nous sommes moins bons chanteurs que les jeunes d’aujourd’hui.

Comment expliquez-vous le fait que de nombreux chanteurs de votre génération soient tous installés en Europe sans produire pendant longtemps des œuvres musicales pour conserver le lien avec leurs mélomanes ?

L’une des raisons, ce sont les nombreuses crises politico-militaires qui ont secoué la Côte d’ivoire. Quand le pays est divisé et que les clivages sont exacerbés, il est difficile pour les artistes que nous sommes d’exprimer notre art. Personnellement, ce sont les problèmes d’ordre personnel et familial qui m’ont tenue loin de la scène. Et puis chacun à sa vision et donne à sa carrière l’orientation qu’il veut.

Vous disiez tantôt que dans la jeune génération, vous trouvez certains talentueux. Peut-on s’attendre à une collaboration avec certains ?

Ah oui. J’aime beaucoup Serge Beynaud, les Garagistes, les Leaders, Atito kpata et bien d’autres. Oui, cela est possible qu’un jour, Dothy Z chante avec l’un de ceux-là. Je suis prête pour un featuring qu’on me propose, pour vu que cela entre dans mon registre. Car moi je ne suis pas disposée à dénaturer ma musique au profit de la mode musicale du moment.

On vous a souvent présentée comme une artiste sexy qui malgré le temps qui passe le demeure. Que répondez-vous à cela ?

Je n’ai pas attendu de devenir chanteuse pour être sexy. Je vis en Europe depuis 46 ans et je suis complètement décomplexée à ce niveau-là. Et la nature m’a fait cadeau de belles jambes, donc je ne me prive pas de les montrer et les mettre en valeur. Mais attention, je suis sexy mais pas extravagante ni vulgaire.

En plus de la musique, on vous connaît aussi pour des actions caritatives. Qu’en est-il de vos activités dans ce domaine ?

J’ai initié depuis quelques années un programme de partage et de distribution de repas aux familles défavorisées. Au mois d’avril dernier, j’ai fait une opération à Agboville mais pour être honnête avec vous, sans de soutiens, c’est difficile. Avec mes maigres moyens, je fais ce que je peux. Nous continuons mais pas au rythme que j’aurai souhaité. Pour l’heure, j’ai décidé de mettre l’accent sur ma carrière musicale. Et j’espère que ce retour sera apprécié par les mélomanes. Je voudrais saisir cette occasion pour adresser aux Ivoiriens un message de paix et d’amour. À mes mélomanes, je voudrais dire que j’ai pris mon temps pour travailler afin de leur offrir un album de belle facture qui, j’espère, leur fera plaisir.

INTERVIEW REALISEE PAR SERGES N’GUESSANT ET MORIBA SANOGO