Don MELLO à propos du PPTE: Bédié l’initiateur, Gbagbo le maître d’oeuvre, Ouattara le finaliste! Le PPTE, l'autre face de la guerre

Le 29 août 2012 par IVOIREBUSINESS - Washington, le 26 juin 2012, le Fonds Monétaire International (FMI) et l’Association Internationale de

Ahoua Don Mello.

Le 29 août 2012 par IVOIREBUSINESS - Washington, le 26 juin 2012, le Fonds Monétaire International (FMI) et l’Association Internationale de

Développement (IDA) de la Banque Mondiale ont activé l’ardoise magique de l’initiative PPTE en vue d’un super cadeau par un allègement de 3,1 milliards de dollars US de la dette de la Côte d'Ivoire au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), plus un allègement de 1,3 milliard de dollars US au titre de l'initiative d'allègement de la dette multilatérale. L'application intégrale de l'allègement de la dette permettra de passer d'environ 6000 milliards de FCFA de dette à un stock résiduel de 2 500 milliards de FCFA environ. Toutefois, il est à remarquer que ce stock résiduel de 2 500 milliards de FCFA aurait été de 1 100 milliards de FCFA si l’accord avait été obtenu en 2010 sous la présidence Gbagbo. En l’absence de données sur la situation actuelle des finances publiques, l’hypothèse la plus probable est qu’en
moins d’un an, près de 1 400 milliards de FCFA de dettes nouvelles se sont ajoutés au stock résiduel. L’emprunt obligataire, lancé trois mois après le point d’achèvement, démontre le peu d’influence du PPTE sur l’état de santé financière du pays et prouve que la pluie de milliards n’a été qu’une tornade ayant emporté tout sur son passage.
La Côte d’Ivoire doit donc continuer de tendre la main pour survivre. Le récent voyage au pays de la Mecque avec tam-tam et bol en main, faisant suite aux nombreux autres voyages, démontre le retour de la politique de la main tendue. À ce rythme, la dette de la Côte d'Ivoire atteindra très rapidement le même niveau qu’avant l’allègement sans effet sur la réduction de la pauvreté. En considérant cette ardoise magique comme ayant permis un «super cadeau», comme de coutume, commençons d’abord par dire merci à ceux qui ont oeuvré pour l'avoir : les bailleurs de fonds, Bédié l’initiateur, Gbagbo le maître d’oeuvre, Ouattara le finaliste; mais comme nous évoluons dans une économie de marché et non dans une économie de pitié, nous savons tous que les cadeaux n’existent pas ! Combien ce «cadeau» a-t-il véritablement coûté aux Ivoiriens? Pour répondre à cette question, nous allons examiner l’origine des sommes prêtées à la Côte
d’Ivoire, les principaux bénéficiaires des investissements effectués avec cet argent, les conséquences et aussi les perspectives. De l’origine de la dette Le 19 septembre 1946, le député Houphouët- Boigny, affirmait, lors des premières discussions sur la constitution de la communauté franco-africaine au palais Bourbon en France : «La France n’a aucun intérêt à nous laisser dans les bras de la misère et de la pauvreté». Le 28 septembre 1958, Félix Houphouët-Boigny, ministre d’Etat de la République française, vote la constitution de la Communauté franco-africaine instituant une fédération entre la France et ses colonies. En 1959, les pays d’Afrique de l’Ouest s’associent au sein de la BCEAO (Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest). Les quatre (4) principes de la coopération monétaire entre la France et les États membres de la zone Franc ont épousé l’esprit de la fédération, à savoir la mise en commun des ressources financières depuis cette date jusqu’à ce jour : •la garantie du Trésor français à la convertibilité en euros des monnaies émises par les trois instituts d´émission de la zone ; •la fixité des parités entre l’euro et le franc CFA; •la liberté des transferts au sein de chaque sous-ensemble ; •la centralisation des réserves de change. Les indépendances de 1960 ont conservé l’esprit et la lettre de la communauté franco-africaine avec la ferme conviction que «la France n’a aucun intérêt à nous laisser dans les bras de la misère et de la pauvreté». Toutefois, la foi du Père de la nation avait un prix. Car, en contrepartie de ces principes et de cette profession de foi, les banques centrales de la zone Franc sont tenues de déposer une partie de leurs réserves de change (65%, révisée à 50% en 1999) auprès du Trésor français sur un compte d’opérations. Le fonctionnement du compte d’opérations a été formalisé par des conventions successives entre les autorités françaises et les représentants des banques centrales de la Zone franc. Le compte reçoit des dépôts à vue ou à terme en provenance des pays de la zone. La France place ces ressources qui rapportent des intérêts par des opérations de crédit (en partie à l’Afrique). Une partie des intérêts sert à rémunérer le compte d’opérations et l’autre partie est à la discrétion du pouvoir français que l’on retrouvera sous forme d’aides diverses (Ministère de la coopération, assistance militaire au pouvoir ou aux rebelles, Banque Mondiale, FMI, AFD, UE-ACP, UA, BAD, CEDEAO etc.). Par rapport au compte d’opérations, le trésor français fonctionne donc comme une banque d’investissement et de commerce pour l’Afrique. Il aurait été plus simple de créer une telle banque dans la zone UEMOA pour disposer de ces énormes ressources en toute indépendance. Mais la France a su sans aucun doute user des arguments tels que les bases militaires pour protéger les États, l’aide, le déficit de cadre au moment des indépendances. Une telle banque aurait eu l’avantage d’être présente partout où le besoin de commercer se ferait sentir notamment dans les pays émergeants. La confiscation systématique de 50% des avoirs extérieurs de la Côte d’Ivoire par le Trésor français et le libre transfert des avoirs des opérateurs économiques de la Côte d’Ivoire vers la France favorisé par le code d’investissement, qui exonère d'impôts les bénéfices des multinationales, réduisent de manière drastique l’épargne publique et privée. Cette confiscation institutionnelle et systématique de l’épargne oblige la Côte d’Ivoire à emprunter ses propres ressources ainsi confisquées. A titre d’exemple, le rapport annuel de la Banque de France sur les comptes de la BCEAO indique pour l’année 2010 (en milliards de FCFA) :
- Compte d’opérations : 3 048. 978 FCFA
- Créances sur les banques : 335.184 FCFA
- Créances sur les trésors : 887. 886 FCFA.
Ces chiffres démontrent avec éloquence que depuis toujours, l'apport fait par la zone Franc au trésor français par l’intermédiaire du compte d’opérations est trois fois plus important que le concours fait aux banques et aux trésors de la zone UEMOA. Il faut ajouter à cela la balance au titre des revenus transférés qui est de 735,6 milliards de FCFA favorisée par les codes d’investissement. Par contre, le financement extérieur net de l’économie de la zone UEMOA pour la même année s’élève à 868.6 milliards de FCFA selon la même source. Le montant total des dons est de 870.5 milliards de FCFA soit au total (financement + aide) 1738 milliards de FCFA. Cela constitue à peine 50% des sommes séquestrées au titre des accords de l’UEMOA. Il apparaît clairement que, par la BCEAO et le code d’investissement, le FCFA est exporté en France et nous revient en euro ou en dollar sous forme de dettes et d’aide. A l’heure de cette mondialisation où tous les pays cherchent à améliorer leurs leviers économiques pour éviter à leurs peuples de subir la crise, continuer à entretenir un pacte qui coûte si cher n’a plus de sens. En tout état de cause, les peuples souverains de la zone UEMOA n’ont jamais donné leur avis sur ces accords qui engagent leur destin après les indépendances, à l’instar des Européens qui se sont prononcés par référendum sur l’adhésion à l’Euro. Ces montagnes de fonds séquestrés par la France depuis les indépendances sont donc frappées d’illégitimité. Cela s’apparente à un bien mal acquis par la France sur ses anciennes colonies dans le cadre d’une fédération qui a disparu depuis 1960 et dont les fondements sont devenus obsolètes. La dette contractée par la Côte d’Ivoire auprès de la France est donc une partie de l’argent pris dans les caisses de la Côte d’Ivoire, dans l’obscurité des accords signés dans le cadre de la fédération franco-africaine, pour lui faire crédit sous le «soleil des indépendances». Il en est de même des aides directes et indirectes aux travers des institutions communautaires (Banque mondiale, FMI, UE-ACP, UA, BAD, CEDEAO, etc.). Chaque année, la Côte d’Ivoire indépendante consacre, pour le remboursement de cette «dette» prise dans ses poches, près de la moitié de ses recettes budgétaires, faisant progressivement obstacle à toute possibilité d’investissements publics. L’augmentation des charges de l’État due au service de la dette, combinée à la baisse des recettes d’exportation du cacao, ont fini par rendre l’Etat insolvable. L’impossibilité de l’Etat à faire face au service de la dette a engendré, depuis 1982 jusqu’en 2002, neuf (9) plans d’ajustement structurel pour trouver une solution au fardeau de la dette. Le caractère drastique des mesures prises a engendré des crises sociales et une crise politique en 1990. La Côte d’Ivoire est donc mise sous tutelle directe des bailleurs de fonds qui dépêchent en 1990 M. Alassane Dramane Ouattara auprès du Président Houphouët-Boigny dont l'état de santé ne lui permettait pas le suivi de la gestion quotidienne du pays. La tornade des mesures prises par les bailleurs de fonds sous la houlette de M. Ouattara Dramane a eu des conséquences dramatiques dans tous les secteurs économiques et a abouti à l’expropriation économique de l’Etat. Examinons dans un premier temps le contenu de
la solution Ouattara et ensuite, à travers l’examen de certains secteurs clés de l’économie, nous allons mettre en évidence les faiblesses et les conséquences de cette solution. La solution Ouattara Modifier la structure de l’économie ivoirienne était l’objectif affiché des plans d’ajustement structurel. Les années 90 ont accéléré la modification de la structure de l’économie pour faire du secteur privé, entendez des investissements étrangers, le moteur de la croissance, là où la Chine et plus généralement des pays d’Asie et d’Amérique du Sud faisaient le choix de la stratégie combinée «un pays deux systèmes». Le programme de privatisation a été la solution Ouattara. Le diagnostic effectué à l'époque par M. Alassane Ouattara pour proposer ce remède miracle qui a été exposé le 28 novembre 1990 au journal gouvernemental Fraternité-Matin suite à un conseil des ministres est le suivant : «Actuellement, le secteur parapublic compte 140
entreprises et établissements dans lesquels l'État a investi plus de 1.300 milliards de FCFA dans les années 80. Ce chiffre représente aujourd'hui près de 50% du Produit Intérieur Brut, c'est-à-dire la moitié de la production nationale. Les résultats d'exploitation de certaines de ces entreprises n'ont pas été à la mesure de l'effort d'investissement exceptionnel qui a été consenti par le Gouvernement pour constituer cet important patrimoine. Les entreprises dans lesquelles l'État détient au moins 51% du capital ont dégagé des pertes nettes cumulées de 10 milliards de FCFA au cours de la même période. Par contre, les entreprises du secteur parapublic dans lesquelles l'État est minoritaire ont globalement dégagé un bénéfice net cumulé de 144 milliards entre 1982 et 1988, soit plus de 20 milliards en moyenne par an.» L’erreur de diagnostic réside dans la non-prise en compte de la réalité des rapports non mercantiles entre les sociétés d’État et l’État central à cette époque. En se contentant des données purement comptables sans rentrer dans les mécanismes de gouvernance des entreprises, l’erreur devenait alors inévitable pour un fonctionnaire international non au fait des réalités nationales. Prenons, pour illustrer l’erreur, cet exemple simple tiré de mon expérience de Directeur Général du BNETD (Société d’État au capital de 2 milliards de FCFA) et de membre du comité de privatisation de 2000 à 2010. Le BNETD, en charge de l’étude et du contrôle des grands travaux de l’État, réalisait pour le compte de l’État des études et contrôles pour 7 milliards de FCFA environ et l’État décidait, en fonction de ses ressources financières, de ne payer que 2 milliards de FCFA sous forme de subvention. Ce qui avait un impact sur les résultats financiers de l’entreprise qui affichait un déficit cumulé de plus de 9 milliards de FCFA en 2000 et un découvert bancaire de 9 milliards de FCFA cette même année. Au lieu de liquider le BNETD ou de réduire de moitié l’effectif comme le recommandait les bailleurs de fonds, l’État sous le régime du Président Gbagbo, ayant pris la décision d’éviter la privatisation des secteurs stratégiques, a opté pour une restructuration en contractualisant les prestations du
BNETD avec l’État et en accroissant son autonomie sur le marché privé et à l’international. En 10 ans, le BNETD est passé d’un déficit cumulé de plus de 9 milliards de FCFA et d’un chiffre d’affaires de 5 milliards, à un chiffre d’affaires de 39 milliards
de FCFA, un report à nouveau positif et a augmenté son effectif tout en doublant les salaires pour freiner l’exode de l’expertise. La situation du BNETD est pratiquement la même que celle de toutes les sociétés d’État. Cette décision courageuse de restructurer les entités de l'État que de les privatiser a permis de sauver plusieurs entreprises d’État (44 environ). Celles qui attendent d’être restructurées (34), ne le seront certainement jamais compte tenu de la nouvelle orientation de la politique économique actuelle qui a opté pour le bradage ou la liquidation des entreprises publiques. Le constat de la réussite de cette restructuration a été fait incidemment par l’actuel gouvernement de M.
Alassane Ouattara à travers le communiqué du conseil des ministres du 29 juin 2011 relatif à ce sujet. En effet, un rapport établi par les soins du ministère de l’Économie et des Finances, sur la base des états financiers de fin décembre 2009, révèle que l’État de Côte d’Ivoire détient dans son portefeuille 82 sociétés, dont 30 sociétés d’État et 52 entreprises à participation financière publique. Selon ce rapport, «44 sociétés ont réalisé
des résultats nets bénéficiaires d’un montant global de 153,57 milliards de FCFA, 4 sociétés présentent un résultat nul, 14 sociétés ont réalisé un résultat net déficitaire de 113,21 milliards de FCFA, et 20 sociétés n’ont pas produit d’états financiers pour diverses raisons (redressement judiciaire, administration provisoire, arrêt des activités, restructuration, problèmes de gouvernance, etc.)». Au lieu de continuer dans la logique de la restructuration, hélas, Monsieur Alassane Ouattara, fidèle à sa mission de fonctionnaire international malgré ses habits de Chef de l’Etat, fait remarquer, lors de ce même conseil des ministres, «le nombre élevé de sociétés à participation financière publique» et demande que le nombre de sociétés d’État ou à participation financière publique soit baissé de 25% au cours des 12 prochains mois». L’erreur sincère ou intentionnelle (c’est selon) de M. Ouattara n’a pas permis de guérir le mal, contrairement à la Chine ou aux pays d’Asie ; mais a permis non seulement de dépouiller le pays de son économie ainsi que de sa souveraineté mais aussi a contribué à son immersion dans un océan de pauvreté et de dette. La politique de privatisation avait donc un objectif idéologique, économique et politique. Poussée par le vent libéral des années 1980, la françafrique a caché son visage sous le masque de la bonne gouvernance et de la lutte contre la pauvreté pour faire main basse sur les économies naissantes par un contrôle direct des entreprises et des États et un dépouillement économique, politique et militaire des pays ciblés. Le secteur privé, érigé en panacée et moteur de la croissance, s’est révélé le moteur des inégalités, de la dette et du chômage qui minent les États. Les solutions classiques de pillages économiques telles que pratiquées à l’époque de l’esclavage et de la colonisation et qui reviennent avec de nouveaux prétextes avec les guerres de conquête économique (Afghanistan, Irak, Libye, Côte d’Ivoire, Syrie bientôt, etc.) ne donnent aucun résultat face à la concurrence des pays émergeants. Elles enrichissent les multinationales et appauvrissent les États et les peuples occidentaux qui votent périodiquement le changement pour se donner l’espoir d’un lendemain meilleur. C’est cette politique, dont on connaît tous les méfaits et limites, que M. Ouattara nous sert encore aujourd’hui. Comme hier, il va s’employer à brader le patrimoine de la Côte d’Ivoire. Comme hier, on sait qui vend mais sait-on vraiment qui achète ou rachète ? Les conséquences dans le secteur électrique Le secteur électrique était géré de 1952 à 1990 par une société d’État, l’EECI (Énergie, Électrique de Côte d’Ivoire). La Côte d’Ivoire s’est dotée, sous l’impulsion de l’EECI, d’un parc impressionnant de 6 barrages hydroélectriques fournissant en 90 une puissance installée de 600 mégawatts, avec un réseau interconnecté. En 1990, le secteur est en crise avec une dette qui s’élève à 120 milliards de FCFA et des arriérés de consommation de 37 milliards de FCFA, soit trois ans de consommation d’électricité par l’État de Côte d’Ivoire qui, soit dit en passant, consommait presque gratuitement l’électricité. En 1990, l’État de Côte d’Ivoire confie – par concession sur 15 ans - la gestion de l’électricité à une société privée française : la CIE. Le contrat de concession oblige la CIE à verser des redevances à l’État de Côte d’Ivoire et à prendre en charge les entretiens courants, tandis que la dette revenait à l’État ainsi que les investissements
lourds. La CIE met fin à la gratuité avec l’État de Côte d’Ivoire et équilibre les finances. L’opérateur français, actionnaire principal et bénéficiaire de la CIE, investit dans la production de gaz et des centrales thermiques selon des contrats de type BOT. Aujourd’hui, la CIE fait un chiffre d’affaires de 300 milliards de FCFA avec les 2/3 affectés au payement du gaz dont la production est contrôlée à plus de 50% par l’operateur privé français, selon un contrat de type «take or pay» indexant le prix du gaz tiré du sol ivoirien sur le cours mondial du pétrole. Par conséquent, le prix du gaz payé à l’opérateur augmente de pair avec la hausse du prix du pétrole sur le marché international. Tout se passe comme si le gaz tiré gratuitement du sol ivoirien était payé sur le marché international et revendu à la Côte d’Ivoire. Ainsi le gaz qui constituait 12% du coût de l’électricité en 1996 coûte aujourd’hui presque 70%, soit les 2/3 du revenu du secteur ; ce qui assure une,montagne de bénéfices aux opérateurs gaziers au détriment de l’ensemble du secteur. Le paiement de la redevance et des taxes est devenu impossible et le secteur est encore déficitaire à la fin des 15 ans de contrat de concession. En 2005, le secteur enregistrait un endettement de 112 milliards de FCFA, soit exactement 112 540 254 795 FCFA, non loin de la situation de 1990. Le mode de paiement du secteur privilégie d’abord les opérateurs gaziers, les producteurs indépendants, ensuite la CIE et en dernier ressort l’État. La crise touche donc directement la CIE et l’État tout en protégeant les gaziers et les producteurs indépendants. En 2005, alors que le pays est sous occupation de l’armée française et de l’ONUCI et que les cabinets ministériels sont repartis entre les loyalistes et les rebelles à Linas Marcoussis et Kléber, le contrat est par la force des choses renouvelé pour 15 ans et l’opérateur français allège sa présence à la CIE pour se mettre à l’abri du déficit du secteur, en se concentrant sur le secteur gazier et la production indépendante d’électricité. «Le Fonds Monétaire International a appelé, le vendredi 11 mai 2012, à des réformes dans le secteur de l'énergie en Côte d'Ivoire, à l'occasion du versement des 100 millions de dollars d'un prêt au pays, soit environ 50 milliards de FCFA. Le FMI a appelé à assurer l'avenir de la Compagnie Ivoirienne d`Electricité (CIE) par "de nouvelles mesures, y compris des hausses des tarifs"», rapporte le quotidien Notre Voie dans sa livraison du 14 mai 2012. Sans faire le constat amer de l’échec de la réforme, la population est sollicitée pour plus de sacrifices en vue de continuer à enrichir les gaziers. La solution à court terme ne consiste pas à augmenter le prix de l’électricité mais à réduire la part gaz dans le secteur de l’électricité comme le voulait le dernier gouvernement Aké N’Gbo en déconnectant le prix du gaz du prix international du pétrole et en optant pour un contrat de type «cost plus» qui prend en compte uniquement le coût de production du gaz et une marge bénéficiaire acceptable. A long terme, pour faire face à la dette du secteur, au vieillissement du réseau et des transformateurs électriques, il sera nécessaire de déclarer le secteur électricité comme secteur stratégique et opérer les reformes correspondantes. L’accroissement de la production de gaz et de l’électricité ne servira à rien si le réseau de transport et de distribution s’effondre. Les conséquences dans le secteur agro industriel et chimique Les sociétés expropriées à la Côte d’Ivoire, du fait de monsieur Ouattara, sont légions. Plusieurs entreprises du secteur agro- industriel sont passées à la casserole de la privatisation malgré les performances de ces entreprises partiellement ou totalement gérées par l’État qui, pour certaines étaient dans des difficultés conjoncturelles réversibles. Ce sont entre autres
:
COSMIVOIRE, NOVALIM/NESTLE, CAPRAL/NESTLE,
FILTISAC, SAPH, SICOR, SODESUCRE, SOGB,
PFCI (conserve de thon), SACO, SODERIZ, CHOCODI,
COCOTERAIE (Fresco, Grand-Lahou,
Jacqueville, Assinie), TRITURAF, CIDT, RANCH
(Marahoué, Sipilou, Badikaha), etc. Le calcul des valeurs nettes des entreprises à privatiser prenait en compte la dette, ce qui permettait de sous-évaluer ces entreprises. À la vente de ces entreprises, la dette revenait à l’État et les actifs au Privé (socialiser la dette et privatiser le profit) généralement à une multinationale sous divers prétextes. Souvent le paiement de la valeur nette est directement puisé dans la trésorerie de l’entreprise et l’opération est ainsi bouclée. Le chiffre d’affaires moyen de ces entreprises depuis 1990 oscille autour de 20 milliards de FCFA pour la plupart. Pour la trentaine d’entreprises du secteur agro industriel, c’est donc pas moins de 10 000 milliards de chiffres d’affaires cumulés pendant plus de 20 ans ! Comparés au «cadeau du PPTE», c’est la mer qui se débarrasse de quelques gouttes d’eau par évaporation, formant des nuages et revenant sous forme de… pluie de milliards. Il apparait clairement que la Côte d’Ivoire gagne moins en espérant une pluie de milliards qu’en réalisant son indépendance économique. Les conséquences dans le secteur financier Grand bénéficiaire des dettes, le secteur financier a obtenu un volume important de financement pour les crédits à tous les secteurs de production dont l’agriculture et les infrastructures. M. Ouattara a annoncé la privatisation et /ou la liquidation des banques publiques dès son installation par les bombes françaises. Cette mesure était exigée de la Côte d’Ivoire depuis le programme d’ajustement du secteur financier (PASFI), lancé au début des années 1990 par le même Ouattara. Ce programme se traduira par une réduction de la présence des opérateurs nationaux dans le secteur, laissant la place largement aux banques françaises. La mesure a été reprise par les programmes de réforme des bailleurs de fonds qui se sont succédé. Le Président Gbagbo a toujours refusé de s’y soumettre. C’est cette obsession de la liquidation des banques nationales qui habite encore M. Ouattara, surtout après l’admirable résistance dont elles ont fait preuve en devenant le fer de lance d'une alternative au système françafricain face à la fermeture des banques pendant la crise postélectorale. La privatisation ou la liquidation des banques publiques en Côte d’Ivoire est plus qu’une erreur, c’est une faute grave. Le bradage des fruits des efforts déployés depuis plus de 10 ans pour sauver des banques publiques (BNI et BHCI) et privées qui étaient en difficulté (Versus Bank et BFA). Les banques françafricaines qui dominent le marché financier ont une double vocation : collecter et rapatrier des fonds en France et encourager la consommation des produits importés. Le crédit à la consommation domine le portefeuille de ces banques. Pour ces banques françafricaines, l’agriculture est considérée comme un secteur à risque tout comme les PME/PMI. Seul l’Etat peut prendre ce risque en innovant. C’est la raison fondamentale du choix de restructuration des banques par le pouvoir Gbagbo et le sauvetage de certaines banques privées en faillite (preuve que le privé n’est pas à l’abri de la mauvaise gestion). Il est étonnant que l’on puisse assister à un tel aveuglement idéologique aujourd’hui encore, après que les Etats soient intervenus massivement et directement dans les banques aux Etats-Unis et en Europe en 2008, dans le cadre de plans de sauvetage élaborés pour faire face à la crise financière sans précédent qui a éclaté du fait des comportements à risques et des excès des banques privées. Aujourd’hui même, il est proposé de créer en France une banque publique d’investissements pour soutenir les PME/PMI nécessaires à une dynamique de croissance. On ne peut pas comprendre la solution Ouattara, qu’en la replaçant dans le cadre de la récompense à ses parrains qui est sa mission première. Conclusion La dette apparaît donc, en dernière analyse, comme le fruit de la magie des accords de coopération entre la Côte d’Ivoire et la France dans le cadre de la communauté franco-africaine. La France a prêté un bien mal acquis pris dans les poches de ses obligés. Les fruits des investissements de cette dette dans les secteurs clés de l’économie à savoir : l’énergie, les mines, les télécommunications, le cacao, l’agro-industrie, les banques, etc. sont retournés par le jeu de la privatisation vers le prêteur principal et ses alliés. Le coût du cadeau se résume donc en une tornade ayant emporté tout sur son passage en expropriant économiquement et financièrement l’Etat de Côte d’Ivoire avec le retour de la politique de la main tendue. Le désir de souveraineté politique, économique et financière incarné par Laurent Gbagbo était un obstacle majeur à la poursuite de cette expropriation économique. La guerre contre la Côte d’Ivoire avait pour but de mettre fin à ce désir et à dépouiller la Côte d’Ivoire de son moyen de résistance : sa souveraineté politique. L’expropriation de l’armée régulière au profit de «tirailleurs françafricains» par la France et l’ONUCI, la destruction des archives de l’Etat et de l’université pour faire oublier les années d’indépendance et réécrire une autre histoire et éditer d’autres documents, le mépris des prescriptions constitutionnelles, ont pour objectif la restauration de la françafrique et la fin de cette souveraineté. Il ne reste au peuple que la vie, la parole et la terre comme moyens de résistance mais aussi les cibles actuelles de la barbarie des démocrates et républicains de l’âge de la pierre taillée qui dialoguent avec des amulettes, des gourdins et des armes pour faire taire les journaux et les libertés publiques, ôter la vie et exproprier des terres. Tant que le système françafricain restera en l'état, la reconstitution de la dette sera pour bientôt, car dans les conditions actuelles, l’épargne est impossible à constituer et la mendicité financière est l’unique solution. Or une croissance dont les facteurs sont essentiellement étrangers n’engendre des revenus que pour l’extérieur. Dans ce cas, la lutte contre la pauvreté se transformera en guerre contre les pauvres pour leur arracher la vie, la parole et la terre, seuls biens restants. A la lumière de l’expérience ivoirienne, il apparaît clairement que l’aide coûte toujours plus cher que sa valeur monétaire. L’Afrique n’a donc pas besoin d’aide mais plutôt de justice économique et, surtout, d’indépendance économique, financière et monétaire. La question que nous sommes en droit de nous poser aujourd'hui est de savoir s'il n'y a pas d'autres formes de partenariat avec la France qui puisse permettre une sortie de crise mutuelle puisqu’un seul pauvre en Afrique ou ailleurs est une opportunité de croissance en moins donc un emploi en moins en Occident. La pauvreté de l’Afrique restreint donc la consommation et a un impact certain sur la croissance de l’occident. Si le déficit de cadres dans les années 60 a justifié la dépendance économique, financière et monétaire formalisée par les accords qui fondent la françafrique, ces accords sont devenus une chaîne avec l’excès de cadres. L’étape actuelle et future de l’histoire de l’Afrique exige leur annulation pure et simple pour libérer l’énergie créatrice du continent afin de stimuler la croissance mondiale et cela sans difficulté si, comme le pensait Houphouët-Boigny, «la France n’a aucun intérêt à nous laisser dans les bras de la misère et de la pauvreté». La minorité franco-africaine, regroupée en partie au sein du CAC 40, bénéficiaire de la Françafrique a donc choisi la guerre pour s’imposer à la majorité et sans résultat effectif pour cette majorité qui souffre
encore du chômage et de la dette malgré les multiples guerres de pillage en Afrique et ailleurs. Telle est la face économique hideuse de la guerre contre la Côte d’Ivoire et partant de la guerre de la minorité multinationale contre le reste du monde. Œuvrons ensemble pour construire l’unité par la réconciliation inclusive et bâtir un espace de liberté, de sécurité et de justice consensuelles où la force des idées guide le choix du peuple et non la force des armes pour réaliser l’idéal promis à l’humanité : «Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droit» (art. 1 de la déclaration universelle des droits de l’homme).

Une contribution de DON MELLO Ahoua
Docteur Ingénieur, Ponts et Chaussées
DG DU Bureau National d’Etudes Techniques et
de Développement (BNETD) 2000-2010
Administrateur de la Banque Nationale
d’Investissement (BNI) 2000-2010
Administrateur de la CAPEC (Cellule d’analyse
des politiques économiques) 2000-2010
Membre du Comité de Privatisation 2000-2010
Ministre de l’Equipement et d’assainissement
du Gouvernement Aké Ngbo
Membre de la Coordination FPI en exil.