Détournements de fonds : la Côte d’Ivoire ne punit que les seconds couteaux

Le Monde.fr| Détournements de fonds. La Côte d’Ivoire ne punit que les seconds couteaux.

Alassane Dramane Ouattara. Reuters.

Par Alexis Adélé (contributeur Le Monde Afrique, Abidjan)

Depuis près d’un mois, toute la Côte d’Ivoire ne parle que des primes impayées aux Eléphants de Côte d’Ivoire, vainqueur de la CAN 2015 en Guinée équatoriale. La joie d’avoir remporté le trophée, vingt-trois ans après le dernier sacre de l’équipe nationale s’est même estompée pour faire place à la colère.

Et pour bon nombre d’Ivoiriens, l’éclatement de la vérité dans ce dossier, de ping-pong entre le ministère des sports, le Trésor public et la Fédération ivoirienne de football, allait aboutir à des sanctions exemplaires, ainsi qu’à la fin de l’impunité dans les incessantes affaires de détournements de fonds dans le pays.

Mais le mercredi 6 mai, le gouvernement ivoirien a choisi de ne limoger que le régisseur des compétitions sportives internationales au Trésor et d’annoncer l’ouverture d’une enquête. En outre, la presse locale fait état d’un engagement pris par le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, d’éponger la facture des joueurs. Une facture évaluée à 720 millions de F CFA (1,1 million d’euros).

Une décision surprenante pour une partie de la population. « Il y a trois semaines que l’affaire a éclaté sans que la recherche de la vérité n’ait avancé. Et en une journée, c’est désormais l’Etat qui célèbre l’impunité », se désole Fabrice Kouamé, étudiant en sciences économiques à l’université de Cocody-Abidjan.

Un cas qui rappelle d’autres

« Il y a eu de l’argent décaissé et un gestionnaire désigné qui est le ministre des sports. Quand on sait qu’aucune dépense ordonnancée ne pouvait être exécutée sans sa signature, il y a lieu de se demander si le régisseur est vraiment le seul coupable dans l’affaire », estime Lucie Touré, fonctionnaire d’Etat. Elle déplore surtout la répétition des scandales et un dénouement identique à chaque fois.

En effet, en mai 2013, dans l’affaire des attributions illicites de marchés ou des surfacturations lors des travaux de réhabilitation des universités, notamment celui de Cocody qui a coûté 110 milliards de F CFA (165 millions d’euros), seul le directeur financier du ministère ivoirien de l`enseignement supérieur avait été limogé. L’enquête ouverte à son sujet est restée, à ce jour, sans suite.

En octobre 2014, un autre scandale a été révélé et concernait la Primature. Un problème de surfacturation lié au voyage du premier ministre, Daniel Kablan Duncan aux Etats-Unis, pour prendre aux assemblées annuelles des institutions de Breton Woods (FMI, Banque mondiale) avait été porté au grand jour.

De 250 millions de F CFA (385 000 euros), les dépenses auraient été évaluées à 400 millions de F CFA (615 000 euros). Dans l’affaire, c’est aussi le directeur financier qui a été limogé par le chef de l’Etat ivoirien, sans qu’une autre suite soit donnée au dossier.

Pour des analystes, cette forme d’impunité affecte négativement la politique de bonne gouvernance, pourtant prônée par le président Alassane Ouattara, depuis son arrivée au pouvoir en 2011.

Alexis Adélé

contributeur Le Monde Afrique, Abidjan

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