Déportation du Président Gbagbo à la Cpi : Le rapport des services secrets qui fâche Ouattara

Le 01 décembre 2012 par Le Temps - Après l’apocalypse du 11 avril 2011, la grande question qui se posait au nouveau pouvoir est «comment se débarrasser du Président Laurent Gbagbo».

Alassane Dramane Ouattara, chef de l'Etat ivoirien.

Le 01 décembre 2012 par Le Temps - Après l’apocalypse du 11 avril 2011, la grande question qui se posait au nouveau pouvoir est «comment se débarrasser du Président Laurent Gbagbo».

Ouattara qui s’est surpris dans le fauteuil présidentiel, met de côté, tout ce qui peut rassembler les Ivoiriens. Ce qui l’intéresse dans l’immédiat, c’est de maintenir très loin des Ivoiriens, le Président Gbagbo. C’est alors qu’il se résout sur ordre de l’Elysée, de le déporter à la Cpi. L’argument flatteur tout trouvé, vient même tout droit de Paris. «Le transfèrement de Gbagbo à la Cpi, va favoriser la réconciliation en Côte d’Ivoire». Sarkozy laisse ainsi le soin à ses lieutenants de répandre cette idée absurde, dans l’opinion africaine. Coulibaly Gnénéma, ministre des droits de l’Homme s’invite à son tour, dans ce concert anti-Gbagbo. Le pouvoir qui bénéficiait en ce moment du soutien sans faille de Paris, préparait secrètement la déportation du Président Gbagbo à la Cpi. Gnénéma effectue à la Cpi, plusieurs voyages organisés par les hommes de mains de Sarkozy. De passage à Paris, pour sûrement rendre compte à l’envoyeur, il fait aussi une sortie de route sur les ondes de Rfi en reprenant la même chanson. «Si Gbagbo va la Cpi, les ivoiriens vont se réconcilier». C’était juste pour faire plaisir au maître. Entre temps, sur le terrain à Abidjan, Ouattara qui cordonne tout, a un autre son de cloche qui tranche clairement avec la dictée de l’Elysée. Il reçoit un rapport détaillé des services secrets ivoiriens. Le document en question déconseille carrément la déportation du Président Gbagbo dans cette prison onusienne. Il (le rapport) précise que cet acte plongerait la Côte d’Ivoire dans une grande instabilité. Le document précise même que le Président Gbagbo jouit toujours d’une grande sympathie au sein des populations, dans toute la Côte d’Ivoire. Et donc que sa déportation mettrait la Côte d’Ivoire dans une très longue instabilité politique. Ce rapport lui est présenté dans les moindres détails par son ministère de l’Intérieur. «Ce jour là, le patron ne s’attendait sûrement pas à ça. Il a piqué une grande colère. Il a dit à ses hommes qui lui expliquaient la situation de la Côte d’Ivoire, «ne me parlez plus sur ce ton». Selon ce qu’on sait, la réunion s’est achevée en queue de poisson», explique un cadre du ministère de l’Intérieur. C’était la belle époque du sarkozisme, tout feu tout flamme en Afrique et à la Cpi. L’idée était très nette. Il fallait éloigner le Président Laurent Gbagbo par tous les moyens. Après l’échec du plan initialement prévu qui était de l’éliminer physiquement dans les bombardements de la résidence présidentielle à Cocody. A défaut de l’avoir tuer là-bas, il fallait le maintenir loin des siens. La Cpi s’offrait donc à Ouattara et à ses soutiens, comme la seule solution. Dans les démarches de cette déportation, un cadre du Rdr s’est même mis à table pour dire que «si Ouattara libère Gbagbo, il tombe». Ça voulait tout dire. Et Amadou Soumahoro que Ouattara trouve aujourd’hui gênant en a rajouté, en soutenant que «même si Gbagbo est libéré, il ne va pas franchir Vridi». Cela montre à quel point le pouvoir est habité par une grande peur du Président Gbagbo. Pendant les durs moments de la crise postélectorale, on se rappelle que tous les parrains de Ouattara avaient fait toutes sortes de propositions au Président Gbagbo, pour qu’il abandonne le pouvoir à son adversaire Ouattara. La France lui a proposé un exil doré, comme si c’est ce qu’il cherchait depuis longtemps. Barack Obama le président des Etats Unis lui a à son tour, offert un poste d’enseignant dans une prestigieuse université américaine. Mais le Président Gbagbo est resté ferme sur sa position. Il n’a pas dévoyé le sens de sa lutte pour une Côte d’Ivoire démocratique et souveraine. Le Président Gbagbo sûr de lui, sort alors un joker. Il propose le recomptage des voix. Pour éviter un bain de sang aux ivoiriens. La solution la moins couteuse sur le plan financier, et qui éviterait des pertes en vies humaines. En principe, Ouattara et ses alliés devaient accepter cette proposition, si tant est qu’ils étaient sûrs que le Président Gbagbo a vraiment perdu les élections. Mais le monde a été ahuri d’entendre Ban-ki-Moon, le secrétaire général de l’Onu déraper en disant que «ce serait une grave injustice de recompter les voix en Côte d’Ivoire». Une méthode qui a pourtant évité le chaos à Haïti, serait une grave injustice en Côte d’Ivoire ! En fait, l’Occident était dans sa logique de faire chuter le Président Gbagbo. Au même moment, Sarkozy continuait de concevoir ses plans de guerre, en le traitant de tous les noms. On connait la suite… Le pouvoir tente aujourd’hui, par tous les moyens, de gommer certaines parties de cette page sombre pour réécrire l’histoire à son compte. Mais en vain. En effet, il est carrément interdit aux journalistes d’émettre des doutes sur l’élection de Ouattara. Gbagbo n’est plus en Côte d’Ivoire. Mais malgré cela, Ouattara ne fait que peiner et tourner en rond. Et cela fait désormais près de deux ans qu’il continue de courir après une légitimité. Totalement à la peine, il vient d’appeler à son secours, Delanoë, le maire socialiste de Paris dont les déclarations arrivent comme un cheveu sur la soupe. «Ouattara est un Président légal et légitime», a-t-il lâché à Abidjan, pendant la rencontre des maires francophones. Si près de deux ans après, le pouvoir est encore à ce débat, c’est que Ouattara a un véritable problème de légalité et de légitimité. Et le maire de Paris se moque presque du pouvoir ivoirien. C’est juste une manière de dire : «comme c’est ce que vous voulez entendre, je le dis si ça peut vous faire plaisir». Le reste n’est que pure diversion. Car le monde entier est bien conscient que tout est bloqué en Côte d’Ivoire par la faute d’un pouvoir haineux et pousse-au-crime.
Guehi Brence