CRISE UKRAINIENNE/ SYLVAIN TAKOUÉ : « Poutine gagnera le vrai combat pour un monde multipolaire… » (2e partie)
CRISE UKRAINIENNE INTERVIEW DE SYLVAIN TAKOUÉ – 2ème PARTIE « Poutine gagnera le vrai combat pour un monde multipolaire… »
Auteur du livre intitulé « Guerre en Ukraine : Poutine n’est pas le mal », l’écrivain ivoirien Sylvain Takoué s’est prêté pour le public à l’exercice d’une interview-vérité pour mieux faire comprendre les motivations de son livre. Après la diffusion de la première partie de son intervention, nous en proposons ici la deuxième partie dans laquelle, toujours sans langue de bois, il éclaire plus encore les lanternes de l’opinion mondiale.
•Si « Poutine n’est pas le mal », selon vous, qui l’est donc, dans cette crise ukrainienne ? Comment situer les responsabilités ?
Rappelez-vous que pendant la Seconde guerre mondiale, les Alliés occidentaux qualifiaient d’« axe du mal », la coalition hitlérienne qui incluait l’Italie, le Japon, et autres forces d’invasion. Aujourd’hui, dans cette crise ukrainienne, il y a un autre axe du mal, qui ne dit pas son nom, mais que l’on connaît, qui est incarné par ceux qui s’en prennent au président russe Vladimir Poutine, et qui font cette guerre en Ukraine contre la Russie…
•C’est-à-dire ?
Mais c’est-à-dire l’Occident au sein de l’OTAN. Une fois encore, regardons les choses bien face, regardons le cheminement de l’histoire. À la fin de la Seconde guerre mondiale, quand la Russie victorieuse retirait ses troupes de l’Allemagne de l’Est vaincue, il y a eu la promesse de l’Occident, de ne pas élargir l’OTAN vers l’Est européen. Bien après, l’Occident n’a pas tenu cette promesse. Pire, il nie et renie cette promesse, au faux motif que ce n’était pas un accord formel écrit et signé. Si bien qu’aujourd’hui, que s’est-il passé ? L’OTAN a été bel et bien élargi vers l’Est européen, jusqu’aux frontières de la Russie, en Pologne, Roumanie, etc. Mais l’OTAN, c’est le visage des Etats-Unis d’Amérique. Qu’est-ce que cela signifie directement pour la Russie ? Le Vice-président de la Douma – le parlement russe – Piotr Tolstoï, répond à cette question dans mon livre. Voilà ce qu’il dit, et je le cite : « Cela signifie pour nous, que, si jamais les missiles américains envoyés de ces bases, arrivent ici en Russie, nous avons 3 minutes, au lieu de 10 minutes, pour prendre la décision sur la frappe de réponse. Là, aujourd’hui, nous avons les missiles américains qui sont à 1 500 km de nos frontières. Si l’Ukraine entre dans l’OTAN, ce sera à 15 km de nos frontières. C’est cela, la balance ». Comprenez bien, qu’en faisant cela, l’Occident – l’Amérique – a en fait pensé qu’il a gagné la Guerre froide face à la Russie et que, par conséquent, il est aujourd’hui le seul maître du monde, et que le monde entier doit se plier à ses règles, désirs et exigences. Mais, il faut rappeler ici encore l’histoire, comme le dit Piotr Tolstoï : « C’est qu’en Europe, d’abord la Russie n’a jamais perdu de guerre. Deuxièmement, une fois, il y avait une guerre avec l’Europe en 1812, avec Napoléon, et les Russes ont fini à Paris. Et l’autre fois, avec Hitler, les Russes ont fini à Berlin ». L’Europe devrait donc y réfléchir par deux fois avant d’être le manœuvrier attitré des Etats-Unis d’Amérique dans ce phénomène hypocrite de l’élargissement insidieux de l’OTAN vers l’Est européen.
•Cependant, on a vu, notamment au tout récent Sommet de l’OTAN, en juillet dernier, en Vilnius (Lituanie), comme vous l’avez précédemment rappelé, que la question de l’entrée de l’Ukraine à l’OTAN a été purement et simplement ajournée. Alors, pourquoi continuer cette guerre en Ukraine ?
•D’abord, précisons très clairement que ce n’est pas une "guerre" que la Russie fait contre l’Ukraine. Car, c’est ce que fait croire l’Occident, faire croire à une guerre de la Russie contre l’Ukraine. Non. Le président russe Vladimir Poutine fait la nuance et parle d’« opération spéciale » de la Russie. Remarquez bien que ce n’est pas exactement la même terminologie. L’Occident veut affoler le monde en diabolisant ainsi à souhait le président Poutine, présenté comme un va-t-en-guerre. Mais qui, de la Russie et de l’Occident, alimente les feux de la guerre ? Qui fournit des armes de combat et de guerre à l’Ukraine et y dépense des milliards d’euros et de dollars ? Depuis le début des années 2000, l’idée de construire en Ukraine une certaine conviction anti-Russie, et vendre aux Ukrainiens leur rêve européen, était une idée qui a été, de façon très bien planifiée, organisée, implantée aux frontières de la Russie, par l’Occident. Piotr Tolstoï le dit clairement.
•Ma question demeure cependant…
Oui, je vais maintenant y répondre, rassurez-vous. Vous demandez pourquoi continuer cette "guerre", alors que la question de l’entrée de l’Ukraine n’est plus à l’ordre du jour, depuis le dernier Sommet de Vilnius. Comme je l’ai déjà dit, Poutine ne fait pas la guerre, il se défend. Il est très important de savoir cela. Une fois encore, ce n’est pas lui le mal, comme l’on voudrait tant le présenter. (Rires). Voilà. Sachez que le président Poutine est un homme honnête, intègre. Ce qui n’est pas du tout le qualificatif qu’on pourrait donner aux dirigeants de l’Occident. Mais sachez aussi que le vrai et grand enjeu de cette opération spéciale de la Russie en Ukraine, est ailleurs.
•Comment cela ? Soyez plus explicite…
Oui, il s’agit d’en finir, une fois pour toutes, avec la stature unipolaire actuelle du monde. Car, depuis trop longtemps maintenant, elle sclérose le monde, et le rend captif du piège de l’ogre ou de la loi du plus fort. Il faut en finir, et trouver des puissances, comme la Russie, pour y donner cours. C’est cela, l’objectif à terme. Je vous cite un passage de mon livre, qui dit ceci : « En mars 2022, en Turquie, il y avait une chance de négocier, car il y avait la promesse que l’Ukraine ne rentre pas dans l’OTAN, avec une forme de neutralité, mais à ce moment-là, les troupes russes ont contrôlé entièrement le territoire de l’Ukraine ». C’est M. Piotr Tolstoï qui révèle cela dans mon livre. Mais au nom de quoi, l’Occident a-t-il vendu des rêves européens à l’Ukraine qui y a cru naïvement ? C’est au nom du monde unipolaire, tenu en main par l’Occident, c’est-à-dire principalement par les Etats-Unis d’Amérique, qui entendent imposer à vie leur seule et unique volonté partout et là où cet Etat fédéral américain veut prospérer économiquement. Mais il faut savoir, en fait, que l’Ukraine n’est pas un pays indépendant, qui existait depuis des siècles. C’est un pays qui faisait partie de la Russie, et c’est Lénine et Staline qui ont dessiné les frontières actuelles de l’Ukraine, pour rajouter à la classe du prolétariat à un petit morceau de paysans qui s’appelaient l’Ukraine. Donc, ce sont des terres de la Russie, qui ont été rajoutées à la terre ukrainienne. C’est comme cela que l’Ukraine actuelle est née, grâce à Lénine et Staline, en 1924. Ce rappel historique très important, qui est fait dans mon livre, n’est pas de moi, mais de Piotr Tolstoï, le vice-président du parlement russe.
•Et donc, à vous suivre, il y aurait un enjeu autre dans la crise ukrainienne, qui serait au-delà de ce qui se passe ?
Le vrai combat, c’est celui de l’avènement, ici et maintenant, d’un monde multipolaire, dont la règle de jeu est l’équité, le droit international, et la bonne morale pour tous. Piotr Tolstoï le fait aussi remarquer dans mon livre, où il dit bien ceci : « Il y a le sentiment d’avoir une double-morale : une morale pour les Européens, les Américains et les Anglais, et tout l’autre monde doit être sous la tutelle du système de leurs idées, et sous cette pression ». C’est, en fait, cela qu’il faut radicalement changer maintenant en conduisant le monde à un système nouveau multipolaire, où personne ne dictera sa loi à personne, où chacun respectera chacun, et où les pays et les Etats, quelle que soit leur taille, pourront se développer selon leurs propres aspirations, sans tomber, par le jeu de la souricière, sous la botte de quiconque. C’est cela qui fait tant peur à l’Occident, habitué, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, à avoir des sous-fifres dans son giron, des Etats subalternes économiquement et financièrement tenus à la bride par les dettes du système-pieuvre de Bretton Wood, et à régner en rouleau compresseur, surtout du côté des petits et faibles Etats du monde, sans que personne ne trouve à en redire. Eh bien, aujourd’hui, la Russie de Vladimir Poutine, aussi bien que la Chine continentale de Xi Jinping, dans le cadre des BRICS, disent maintenant ensemble Non à ces abus d’autorité et d’exploitation, qui n’ont que trop duré et pesé sur le monde. Vous comprenez cela ? Voilà le vrai sens de ce qui se passe, et c’est pourquoi les petits pays qui veulent s’affranchir économiquement et politiquement du grappin occidental, devraient soutenir la Russie dans ce combat pour un monde multipolaire, qui est une exigence internationale des temps modernes.
•Selon vous donc, ce serait là, l’objectif de la Russie à travers cette crise ukrainienne ?
La crise ukrainienne appelle à ce changement légitime et majestueux de l’ancien ordre injuste et avilissant du monde. Or, tout changement fait peur à ceux qui n’y ont pas intérêt. D’où le fait, pour l’Occident, de faire perdurer sa guerre en Ukraine contre la Russie. Mais une chose est sûre et certaine, Poutine (soutenu par ses alliés) gagnera, en fin de compte, le vrai combat pour un monde multipolaire. D’habitude, comme cela se voit ailleurs, quand les Etats-Unis d’Amérique décident d’une date claire pour frapper et descendre un régime politique qui n’entre pas dans sa vision de soumission, surtout en Afrique par exemple, cette décision unilatérale de frapper et couler se fait au plus vite. Des cas sont-là, un peu partout, qui en témoignent. Mais pourquoi il n’en est pas autant face à la Russie, le plus grand pays d’Europe ? C’est parce que l’équilibre de la force est présent. Ici, non seulement les Etats-Unis se souviendront du Vietnam dans cette crise ukrainienne, mais ils seront aussi bien dissuadés que désillusionnés par le géant russe. Le fait suprême est que, au-delà de tout, le monde unipolaire actuel passera à un monde multipolaire futur, pour que tous les foyers de tensions disséminés ici là, sur la surface de la terre, suscités pour des raisons d’exploitation économique et d’hégémonie, s’éteignent d’eux-mêmes, et que la paix et le développement soient la denrée comestible, dont se nourrissent désormais les peuples du monde. Mon livre soutient pleinement le président russe Vladimir Poutine pour cette clairvoyance universelle et cette dynamique de recomposition dans les relations internationales.
Interview réalisée
en Côte d’Ivoire par Omer Boti.