CPI - Affaire Laurent Gbagbo contre le procureur: Encore des éléments falsifiés dans le dossier de Fatou Bensouda
Par Le Nouveau Courrier - Encore des éléments falsifiés dans le dossier de Fatou Bensouda.
Des centaines de pages précieuses. La transmission à la presse du nouveau document contenant les charges rédigé par Fatou Bensouda par l’affaire Gbagbo, et des observations de Maître Emmanuel Altit, apporte des éléments qui, paradoxalement, n’accablent pas l’accusé mais le procureur et le pouvoir ivoirien. Qui pourraient bien avoir concocté de faux documents administratifs pour donner de la substance à leurs accusations !
Cartes sur table ! Hier, les services de communication de la Cour pénale internationale (CPI) ont transmis à la presse les soumissions par la défense de ses observations écrites sur la preuve du procureur dans le cadre de l’affaire qui l’oppose au président Gbagbo. Ainsi que la soumission de l’inventaire amendé des éléments de preuve à décharge. Dans le même temps, ils ont mis à la disposition des observateurs le document amendé de notification des charges, ainsi que l’Inventaire amendé des éléments de preuve à charge.
Dans la mesure où il n’y aura pas de nouvelle audience publique de confirmation des charges, ce sont ces documents (qui s’étalent sur près de 1000 pages) qui donneront aux analystes d’entrer dans le dossier, notamment pour voir ce que Fatou Bensouda a apporté de nouveau à son premier document de notification des charges, qui a été retoqué par les juges de la Chambre préliminaire I en raison de ses insuffisances.
Un fastidieux travail d’analyse des données s’ouvre donc devant les journalistes et les spécialistes des questions de justice internationale. Le Nouveau Courrier y consacrera, bien entendu, plusieurs articles.
La première question que l’on se pose naturellement en lisant les documents mis à notre disposition par la CPI est : les preuves matérielles et médico-légales qui avaient été réclamées par les juges lors de la première audience de confirmation des charges ont-elles été, cette fois-ci, apportées par le procureur ? La réponse à cette question est : non, pas vraiment.
Plus grave, il semble manifeste – en tout cas aux yeux de la Défense qui s’est appuyée sur des éléments difficiles à contester dans le cadre de sa démonstration – qu’en voulant produire des éléments s’apparentant à ce que les juges ont demandé, le régime Ouattara et la procureure Fatou Bensouda, ont fabriqué ou recueilli des documents administratifs falsifiés ou pour le moins sujets à caution. Dans ses observations, Maître Altit éclaire un certain nombre des contradictions de ses documents avec une précision d’entomologiste.
Un homme qui est mort à deux dates différentes
En ce qui concerne les morts consécutifs à l’attaque de la RTI par les rebelles de Guillaume Soro le 16 décembre 2010, Fatou Bensouda n’arrive à obtenir qu’un seul certificat de décès. Profitant éhontément du droit qui lui est donné d’expurger ses éléments de « preuve » d’un certain nombre d’informations jugées sensibles, la procureure auprès de la CPI « biffe » le nom de la personne qui aurait rédigé le certificat de décès et la date de délivrance dudit certificat de décès. Afin d’empêcher la Défense de contre-enquêter pour vérifier la véracité de ce document ? Peut-être. Une chose est sûre : sur cet unique cas documenté relatif au 16 décembre 2010, le certificat de décès situe la mort du « manifestant RDR » au mois de décembre 2010, tandis que la fiche de sortie de la morgue la situe au… 11 janvier 2011. Un document transmis à la Défense « semble avoir été fabriqué à partir de deux documents différents superposés pour obtenir une photocopie transmise à la défense par le Procureur comme photocopie d’un document original », s’indigne Maître Emmanuel Altit. Le métier de faussaire n’est pas à la portée du premier venu…
Les documents douteux des « mortes de la marche des femmes d’Abobo »
Les documents fournis par Fatou Bensouda, qui n’ont pu lui être transmis que par le régime Ouattara, sur les « mortes d’Abobo », sont eux aussi particulièrement problématiques. Cinq certificats de décès – rédigés par le même médecin, mais dont l’identité est cachée à la Défense, ce qui l’empêche de contre-expertiser – sont ainsi datés du 3 mars 2011, soit le jour même de la tuerie supposée. Alors qu’un témoin qui dit les avoir reçu indique qu’ils ont été confectionnés après ce fameux 3 mars. Bizarre ! Encore plus étrange, alors que les témoins du procureur disent que les « mortes d’Abobo » ont été transportées dans un hôpital précis, aucun des certificats de décès qui sont brandis par l’Accusation n’ont été délivrés par ledit hôpital. Deux d’entre eux l’ont même été par un tout autre établissement hospitalier ! « Il est d’usage que le médecin légiste établissant un certificat de décès y indique non seulement la date présumée du décès mais aussi la date à laquelle, d’après lui, la mort a réellement eu lieu, tout en expliquant quelles seraient, d’après lui, les causes de la mort et en présentant un état du corps. Or, sur aucun des certificats présentés par le Procureur, il n’y a de véritable explication ni de véritable diagnostic porté par le médecin. Rien sur la date réelle de la mort. Rien non plus sur les causes de la mort. Normalement, tout médecin légiste est capable de déterminer, en analysant les blessures des victimes, quel aurait été le type d’armes qui aurait été la cause de la mort », s’étonne Maître Emmanuel Altit. Il s’en étonne d’autant plus qu’il n’y a pas eu d’autopsie, ce qui est pourtant obligatoire en de telles circonstances. Pour aggraver son cas, Fatou Bensouda a produit un permis d’inhumer signé par un médecin, alors que la loi ivoirienne est claire. Le permis d’inhumer est délivré par l’Officier de l’état civil de la mairie du lieu de décès… Tout permis d’inhumer signé d’un médecin est donc forcément un faux grossier !
L’on savait déjà que la plupart des victimes avaient été inhumées par les soins du RDR dans une sorte de fosse commune vite fait, plusieurs mois après le renversement du président Gbagbo (la situation était donc relativement apaisée à Abidjan et des cérémonies impliquant leurs familles auraient pu avoir lieu). L’on apprend désormais, avec les nouveaux documents qui sont rendus publics, que « d’après un rapport établi par un expert du Procureur, et intégré par la défense à son inventaire de preuve en février 2013, le corps de l’une de ces deux victimes aurait été transporté directement du lieu de l’incident à la forêt de Banco où il aurait été enterré ». Cela ressemble bien à une dissimulation d’un corps « parlant », portant des indices pouvant mettre en cause ceux qui l’ont fait disparaître.
Le Nouveau Courrier