COUP D'ETAT EN CENTRAFRIQUE: DJOTODIA SUSPEND LA CONSTITUTION ET PROPOSE UNE TRANSITION DE 3 ANS

Le 26 mars 2013 par AFP - Djotodia va légiférer par ordonnances pendant trois ans.

BANGUI (AFP) - 26.03.2013 06:45 - Par Christian PANIKA et Hippolyte MARBOUA

Le nouvel homme fort de Centrafrique, le chef de la rébellion Séléka Michel Djotodia, a annoncé lundi qu'il allait suspendre les institutions du pays et légiférer par ordonnances pendant trois ans, au lendemain d'un coup de force condamné par la communauté internationale.
"J'estime nécessaire de suspendre la Constitution du 27 novembre 2004, de dissoudre l'Assemblée nationale ainsi que le gouvernement. Pendant cette période de transition qui nous conduira à des élections libres, crédibles et transparentes, je vais légiférer par ordonnances", a déclaré M. Djotodia dans un discours très attendu devant la presse.
Si M. Djotodia ne s'est pas explicitement autoproclamé président de la République, il se pose clairement en nouveau maître du pays.
"En respectant l'esprit des accords de Libreville, je vais reconduire le Premier ministre (Nicolas Tiangaye), chef du gouvernement d'union nationale dans ses fonctions", a-t-il déclaré.
L'accord de paix signé le 11 janvier à Libreville mettait en place un gouvernement d'unité nationale composé du clan au pouvoir, des rebelles et de l'opposition. Mais les rebelles affirment qu'il n'a pas été respecté par le régime Bozizé.
"Nous nous engageons à conduire désormais les destinées du peuple centrafricain pendant cette période de transition consensuelle de trois ans conformément aux accords politiques de Libreville", a-t-il ajouté avant d'énumérer les principaux objectifs du prochain gouvernement, notamment "restaurer la paix".
Reconnaissance de l'opposition
"Michel Djotodia est le nouveau président, c'est acquis. L'opposition le reconnaît", a pour sa part déclaré le porte-parole du gouvernement d'union nationale Crépin Mboli Goumba, opposant au régimé Bozizé, joint par l'AFP.
Agé d'une soixantaine d'années, M. Djotodia est un ancien fonctionnaire et diplomate - il a notamment été consul de Centrafrique au Soudan - qui avait basculé dans la rébellion, en devenant l'un des principaux animateurs depuis 2005.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a "fermement condamné la prise de contrôle par la force" en République centrafricaine et a "demandé la restauration de l'ordre constitutionnel" et l'application des accords de Libreville, dans une déclaration adoptée lundi soir.
L'Union africaine a suspendu lundi la participation de la Centrafrique à l'organisation. Elle a également imposé des sanctions contre sept responsables de la coalition rebelle Séléka, dont Michel Djotodia.
Les Etats-Unis ont condamné lundi "la prise du pouvoir par la force de la coalition rebelle de la Séléka et la nomination d'un président par la Séléka hors d'un cadre constitutionnel", sans toutefois appeler au retour au pouvoir du président Bozizé.
Paris a condamné "le recours à la force ayant abouti à la prise de pouvoir" en Centrafrique.
L'Union européenne a qualifié d'"inacceptable" le changement "par la force" du gouvernement en Centrafrique et appelé à "cesser immédiatement toutes les hostilités, à faire preuve de retenue et à contribuer au rétablissement de l'ordre public".
Deux indiens tués par erreur
Michel Djotodia a annoncé l'instauration d'un couvre-feu de 19h à 6h et des patrouilles pour sécuriser la capitale, toujours en proie à la violence et aux pillages.
Témoignant de la confusion qui règne dans la ville, deux Indiens ont été tués lundi par erreur par des soldats français chargés de la protection de l'aéroport de Bangui, a annoncé lundi soir le ministère français de la Défense, qui a déploré "un drame".
Un autre Indien et un Tchadien ont également été blessés, a-t-on ajouté.
Les forces françaises sont intervenues "dans une situation particulièrement confuse contre trois véhicules" qui menaçaient de pénétrer dans l'aéroport alors même qu'elles venaient d'être l'objet de tirs d'origine inconnue", écrit le ministère.
Le Premier ministre indien Manmohan Singh a fait part mardi de sa "profonde tristesse" après la mort de ses deux compatriotes.
Singh a précisé avoir reçu une lettre du président français François Hollande lui faisant part de ses regrets et lui assurant qu'une enquête serait menée.
L'ONG Médecins sans frontières (MSF) affirme dans un communiqué avoir été victime de pillages et de vols, et demande "un accès immédiat aux soins de santé pour la population".
"En raison de la forte violence et de l'insécurité qui régnaient à Bangui, les opérations de MSF ont été gravement perturbées et des blessés dans un état critique n'ont pu être opérés", déplore MSF.
Une journaliste d'une radio privée a rapporté que des rebelles étaient venus piller les locaux, repartant avec "du matériel, mais aussi des véhicules". "Nous ne pouvons plus travailler dans ces conditions", a-t-elle confié sous couvert d'anonymat.
De nombreuses patrouilles rebelles circulaient lundi dans les rues de Bangui, tirant en l'air avec des kalachnikovs, a constaté un journaliste de l'AFP. Les magasins restaient fermés et les habitants se déplaçaient à pied, souvent en petits groupes.
Le président déchu François Bozizé a fui Bangui pour se réfugier au Cameroun, "où il se trouve actuellement dans l'attente de son départ vers un autre pays d'accueil", a annoncé la présidence camerounaise lundi.
Au moins treize militaires de la force sud-africaine qui avait été déployée en Centrafrique ont été tués et 27 blessés dans des combats pendant la prise de Bangui par les rebelles, a indiqué le président Jacob Zuma, en annonçant le maintien pour l'instant du reste des troupes sur place.
La rébellion avait lancé une première offensive le 10 décembre dans le nord du pays et enchaîné victoire sur victoire face aux forces gouvernementales désorganisées, avant de stopper sa progression sous la pression internationale à 75 km au nord de Bangui.

AFP
NB: LE TITRE EST DE LA REDACTION

JOHANNESBURG: L'AFRIQUE DU SUD CHOQUÉE PAR LA PERTE D'AU MOINS 13 SOLDATS EN CENTRAFRIQUE (AFP)

L'Afrique du Sud, chantre d'une Afrique réglant ses conflits elle-même sans intervention non-africaine, a essuyé en Centrafrique ses plus lourdes pertes militaires depuis 1994, avec au moins 13 morts, un disparu et 27 blessés, suscitant émotion et polémique.

Lundi devait être un jour faste pour le président Jacob Zuma. Il avait prévu de célébrer devant la presse ses succès diplomatiques en commentant par avance la visite officielle du président chinois Xi Jinping, attendu mardi à Pretoria, et le sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) organisé pour la première fois dans son pays, mardi et mercredi.

Mais la chute de Bangui, capitale de la Centrafrique prise dimanche par la rébellion du Séléka, a gâché la fête, faisant la Une de tous les médias et soulevant "de nombreuses questions" de l'aveu des experts, même les plus acharnées à défendre le "rôle de l'Afrique du Sud" sur le continent, selon Sylvester Maposa de l'institut Africa.

"Durant les combats (à Bangui), 13 de nos soldats sont tombés et l'un est porté disparu", a dû annoncer M. Zuma devant les médias étrangers, nombreux à son point presse. Vingt-sept autres soldats ont été blessés.

Un peu plus de 200 militaires sud-africains avaient été déployés en janvier pour aider à restaurer la paix en Centrafrique et épauler une vingtaine d'officiers formateurs déjà présents en vertu d'un accord de coopération de 2007, reconduit fin 2012 alors que le président François Bozizé était déjà sous la menace rebelle.

Selon M. Zuma, les soldats sud-africains, attaqués dans leur base par plus d'un millier de rebelles, se sont battus pendant neuf heures près de Bangui, infligeant de lourdes pertes aux hommes de la rébellion qualifiés de "bandits". "Nos soldats ont payé le prix ultime au service de leur pays, l'Afrique", a-t-il dit, alors que le commandement sud-africain est sous le feu des critiques et accusé de ne pas avoir retiré à temps ses hommes.

M. Bozizé, arrivé au pouvoir par les armes en 2003, avait fait un aller-retour éclair pour voir M. Zuma jeudi à Pretoria.

"Nous n'avons pas décidé de nous retirer de la Centrafrique, en raison de l'existence d'un accord entre nos pays", a également annoncé M. Zuma. "Quand la poussière sera retombée, nous évaluerons si notre présence est encore nécessaire".

"En tant que membre de l'Union africaine, l'Afrique du Sud rejette toutes les tentatives de prise de pouvoir par la force. Quel que soit l'endroit où nos troupes sont déployées, elles ont le devoir de se défendre et de défendre leur position", a ajouté M. Zuma.

En écho, le général Solly Shoke a déclaré que "partir n'était pas une option" tant que les autorités politiques n'en auraient pas décidé.

Des médias ont affirmé que deux avions s'étaient pré-positionnés en Ouganda pour évacuer les soldats restants et que les Sud-africains dépendaient des forces françaises tenant l'aéroport international de Bangui pour sécuriser leur retour à la maison.

Le général Shoke a souligné que les Sud-Africains n'étaient "pas là pour faire la guerre" mais pour "protéger du matériel destiné à renforcer les forces centrafricaines". Les rebelles "sont d'origine arabe, et clairement des étrangers, bien armés et motorisés mais ce sont également eux qui ont demandé la trêve", a-t-il affirmé, au sujet des insurgés centrafricains.

Des troupes "piégées" en Centrafrique

"Depuis la création des forces de défense nationale sud-africaine (SANDF) en avril 1994, c'est le plus grand nombre de morts que nous ayons subi dans n'importe quel déploiement", a précisé à l'AFP un porte-parole de l'armée, Xolani Mabanga.

"Nos troupes n'étaient pas équipées et pas censées engager des combats (...) Maintenant elles sont en infériorité numérique, en infériorité en puissance de feu et piégées en République centrafricaine", a critiqué Pikkie Greef, secrétaire national du syndicat militaire Sandu, au micro de la radio 702.

Un expert militaire, Helmoed Heitman, grand pourfendeur des budgets militaires trop faibles selon lui depuis que le parti ANC dirige l'Afrique du Sud, a fustigé le manque d'hommes, d'équipements mais surtout de transport de troupes: "Nous n'avons la capacité ni de faire une exfiltration rapide (de nos troupes) ni de les renforcer".

Un autre syndicat de l'armée, Sasfu, a pointé du doigt le commandement de l'armée qui "aura à rendre des comptes".

Outre la Centrafrique, l'Afrique du Sud a des troupes déployées en République démocratique du Congo où elle compte en envoyer davantage pour stabiliser l'est du pays avec d'autres pays, mais également au Soudan et dans le détroit du Mozambique contre la piraterie.

AFP

CENTRAFRIQUE: CONDAMNATION FORMELLE DE PARIS, QUI APPELLE AU RETOUR A L'ORDRE (AFP)

La France a condamné lundi "le recours à la force ayant abouti à la prise de pouvoir" en Centrafrique et a demandé l'arrêt des pillages et le rétablissement rapide de l'ordre à Bangui, tombée dimanche aux mains des rebelles du Séléka.

"La France, conformément à ses principes, ne peut que condamner le recours à la force ayant abouti à la prise de pouvoir en République centrafricaine", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot.

"La France appelle les forces rebelles à s'abstenir de toute violence envers les populations civiles et les communautés étrangères. Les pillages doivent cesser et l'ordre doit être rétabli rapidement", a-t-il ajouté.

Pour Paris, les accords de Libreville du 11 janvier "doivent fournir le cadre d'une transition politique".

La condamnation a minima de la France intervient alors que le chef rebelle Michel Djotodia, qui devrait faire dans la journée une déclaration officielle à la nation, s'est déjà posé en successeur du président François Bozize, réfugié au Cameroun.

M. Djotodia a déclaré à la radio RFI qu'il comptait organiser "des élections libres et transparentes avec le concours de tout le monde" d'ici à trois ans et qu'il gardait à son poste l'actuel Premier ministre du gouvernement d'union nationale Nicolas Tiangaye, figure de l'opposition au président Bozizé.

Selon une source diplomatique, Paris considère uniquement M. Tiangaye comme interlocuteur et juge que les accords de Libreville sont la seule "référence pertinente".

Le changement de pouvoir par la force en Centrafrique a été condamné en termes plus forts par l'Union européenne, qui a jugé "inacceptable" le changement par la force, et par l'Union africaine, qui a suspendu lundi la Centrafrique et imposé des sanctions à sept responsables de la rébellion, dont M. Djotodia.

Quelque 300 soldats français ont été envoyés en renfort à Bangui depuis Libreville au cours du week-end, selon l'état-major des armées, afin d'assurer la protection des ressortissants français et étrangers présents en Centrafrique, portant à environ 550 le nombre de militaires français présents sur place.

AFP