C’EST QUOI LE DÉVELOPPEMENT (suite) ? : LES THÉORIES DU DÉVELOPPEMENT ? Par Docteur Ben ZAHOUI-DÉGBOU
C’EST QUOI LE DÉVELOPPEMENT (suite) ? LES THÉORIES DU DÉVELOPPEMENT ? Par Docteur Ben ZAHOUI-DÉGBOU.
Le terme de Développement apparaît dans la théorie économique après la deuxième Guerre mondiale, parallèlement à la mise en œuvre de la décolonisation en Asie, d’abord dans les années 1950, puis en Afrique, dans les années 1960. Jusque-là, les métropoles se préoccupaient non de Développement mais de mise en valeur de leurs colonies. La théorie du Développement est un produit de la guerre froide : Après la seconde Guerre mondiale, la question du sort des pays qui n’ont pas connu la révolution industrielle se pose de manière aigüe. Suite aux mouvements d’indépendance, naît un ensemble de pays n’appartenant ni au bloc occidental, ni au bloc soviétique et partageant certaines caractéristiques, dont le Sous-Développement et une croissance démographique importante que l'économiste et démographe français Alfred Sauvy appelle le «Tiers-monde ».
Dans les années 1950, cinq pays asiatiques nouvellement indépendants (l’Inde, le Pakistan, le Ceylan aujourd’hui Sri Lanka, la Birmanie et l’Indonésie) prennent l’initiative d’unir les pays du « Tiers-monde » pour faire front commun face à la colonisation. Le 17 avril 1955 s’ouvre ainsi à Bandung en Indonésie une conférence afro-asiatique qui, pour la première fois, permet à ces pays pauvres de s’affirmer sur la scène internationale et amorcer ainsi la mise en place de plan de Développement.
Le 20 janvier 1949, le président des Etats-Unis, Harry S. Truman prononce le discours d'investiture de son deuxième mandat à la Maison Blanche. À cette occasion, il désigne du doigt la grande pauvreté qui affecte la moitié de l'humanité. Dans son discours, il déclare ceci : « Il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens dans le monde vit dans des conditions voisines de la misère. Ils n'ont pas assez à manger. Ils sont victimes de maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères ». C'est la première fois qu'est employée l'expression « Sous-Développé » à propos des pays qui n'ont pas encore atteint le stade industriel. Pour les aider à lutter contre la pauvreté, on assiste justement à partir des années 1950–1960, à la création de nombreuses agences de Développement notamment : UNICEF, WFP, PNUD, CNUCED, OMC, etc.
A cette époque, toutes les théories du Développement sont écrites par des économistes. Elles ont pour objet d’expliquer comment les pays sous-développés peuvent rattraper les pays développés, les vieilles nations industrielles sont donc le modèle à atteindre. Les théories du Développement ont profondément influencé les stratégies mises en place pour « développer » les pays « sous-développés». On distingue ainsi plusieurs théories de Développement en fonction des différents modèles ayant cours dans les pays du Nord industrialisés et riches.
1. Les théories du rattrapage.
Ce sont les théories qui naissent dans les années 1950. Dans ces théories, il s'agit de rattraper le modèle de Développement des pays du Nord. Pour Gérard Azoulay, le projet originel des économistes, pionniers de cette théorie de Développement, était largement fondé sur l'idée de réduction des écarts de Développement entre les pays développés et les pays sous-développés.
Ces pionniers ont constitué l'économie du Développement en une branche spécifique de la pensée économique. Leur approche était à la fois théorique sur l'analyse des causes de la richesse et de la pauvreté des nations, mais aussi stratégique sur les moyens d'une transformation sociale profonde permettant de quitter cet état de sous-développement.
L'objectif de réduction des écarts de croissance et de revenu et de convergence des performances, loin d'avoir été atteint, s'est globalement éloigné durant les cinquante dernières années. Justement, Gérard Azoulay, note que l'accroissement récent des inégalités dans la répartition du revenu mondial n'a, sans doute, jamais été rencontré dans l'histoire de l'humanité.
Pour expliquer cette inégalité, déjà, dans les années 1980, devant le retard grandissant d'un certain nombre de pays, notamment d’Afrique, l'accent est mis sur les défaillances du marché, qui empêchent ou freinent le rattrapage. Dans ce sens, Joseph Stiglitz insiste en particulier sur les problèmes d'asymétrie d'information, (tout le monde n'est pas informé de la même façon), qui érodent la confiance et freinent les décisions, à commencer par l'investissement.
La théorie du rattrapage étudie donc le processus par lequel le PIB de pays en « retard » rattrape progressivement celui des pays où il est le plus élevé. L'industrialisation et la spécialisation de ces pays dans la production de biens à faible intensité capitalistique sont souvent considérées comme étant la base du processus de rattrapage.
Certains points de vue insistent sur le rôle majeur que doivent jouer les transferts de technologies utilisées dans les pays leaders développés. Dans le processus de rattrapage, Alexander Gerschenkron souligne l'importance des diverses institutions, et notamment de celui de l'État-développeur.
Notons que le concept d’État-développeur (en l’anglais « Developmental State », que l’on trouve aussi en français sous le nom d'État développementaliste, État-promoteur ou État-développeur, est un modèle d'État que l’on trouve en particulier dans les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est dans les années 1970.
Le succès économique rencontré par ces pays qui ont « rattrapé » les pays occidentaux a encouragé d’autres pays d’Amérique latine et d’Afrique à suivre ce modèle d'État-développeur . Ce type d'État capitaliste a pour caractéristique une forte intervention étatique dans l’économie, celle-ci devant servir avant tout les intérêts de l’économie nationale. Cette conception de l’État va à l’encontre du modèle néolibéral, où aucune intervention sur le marché n’est souhaitée et où seules les fonctions régaliennes doivent être assurées par l’État.
1.2. Le rattrapage : La théorie de Walt Whitman Rostow.
Pour Walt Whitman Rostow (1916-2003), le Développement serait un phénomène inéluctable, certains pays ayant simplement débuté le processus avant d'autres, tout ne serait donc qu'une question de temps pour que les derniers rattrapent les premiers. Mais, selon lui, sous certaines conditions, le Développement pourrait être accéléré. En 1960, Rostow publie un livre : « Les étapes de la croissance économique » et oppose sa théorie du Développement au Développement de type marxiste.
Pour l’économiste et théoricien politique américain, le Développement est un processus historique linéaire, passant par des étapes définies, par opposition à la vision dialectique des théories marxistes. Justement dans son ouvrage, Rostow dégage les caractéristiques uniformes de la modernisation des sociétés.
Chaque pays traverse les mêmes étapes pour passer du Sous-Développement au Développement. Ainsi tous les pays seraient en train de parcourir le même chemin, mais en sont à des étapes différentes. Ce qui change, ce sont les moteurs de la croissance à travers l'histoire. Le Développement du « Tiers monde » devrait donc aller très vite car il peut bénéficier des acquis et de l'expérience du monde développé.
Selon lui, après une phase d'accumulation du capital, il y a une phase de décollage permettant aux pays sous développés de rejoindre les pays développés. Dans cette théorie, le développement social est une conséquence naturelle du Développement. Il convient donc de ne pas s'en occuper. Il compte sur l’effet de « percolation » de la croissance économique.
Mais avant, Rostow parle de cinq différentes étapes que les sociétés parcourent au cours de leur processus de Développement : 1° étape : La société traditionnelle - 2° étape : La réunion des conditions préalables au Développement - 3° étape : Le décollage économique (Take off) - 4° étape : La marche vers la maturité - 5° étape : La société de consommation de masse. Deux autres sociologues ont ajouté deux autres étapes post Rostow. Le sociologue français Alain Touraine, a ajouté une 6° étape : La société post-industrielle. - Le sociologue américain Ronald Inglehart, lui, a ajouté une 7° étape : La société post-matérialiste.
Ben ZAHOUI-DÉGBOU
Géographe – Journaliste spécialiste de Géopolitique.
Docteur en Commerce International (Investissements Directs Étrangers et Développement).