Côte d’Ivoire: Qui sont ces nouveaux chefs de guerre, Préfets de région ?

Qui sont ces nouveaux chefs de guerre, Préfets de région ?

Le 29 septembre 2012 par Le Temps - Nomination des chefs de guerre / Quand Ouattara boude l’Ena.

Alassane Ouattara a rendu publique ses dernières nominations aux postes de préfets de région, trois anciens chefs de guerre. Jusqu’à preuve du contraire, c’est l’Ecole nationale d’Administration (Ena) qui s’est toujours chargée de former les hauts cadres de ce pays à des hautes fonctions dans l’Administration. Et ces énarques ont toujours été précédés d’une très bonne réputation justement à cause
de leur cursus scolaire…
Si nos archives sont bonnes, le premier élément des ex-rebelles qui ont attaqué la Côte d’Ivoire en septembre 2002 est Tuo Fozié. Il présentait une barbe hirsute et portait le titre d’Adjudant (?). Dans les composantes de l’armée terrestre, aérienne et marine dans de nombreux pays occidentaux sur lesquels copie la Côte d’Ivoire, le grade d’adjudant est le plus élevé de la hiérarchie des sous-officiers d’élite notamment en Belgique. Petite digression anecdotique. Le 24 avril 2004, alors qu’il veut franchir le portique de sécurité Tuo Fozié bute sur la vigilance de la sécurité présidentielle de Laurent Gbagbo. En fait l’ex-adjudant ex-rebelle alors ministre de la Jeunesse et du Service civique, était bardé de d’amulettes dont il a été obligé de se débarrasser avant d’être autorisé à pénétrer au palais présidentiel. Jusqu’à ce jour, en dehors de quelques rares officiers supérieurs dont Soumaïla Bakayoko, Gueu Michel, Bamba Sinima, personne en Côte d’Ivoire, ne peut se prévaloir de connaître le parcours de la plupart des chefs guerre de l’ex-rébellion du Mpci. Les plus audacieux portaient pompeusement les grades, qui de Sergent, qui d’Adjudant. D’autres encore prenant le raccourci se sont faits appeler à “Commandants’’. Puis c’est tout. Pour l’histoire des grades fantaisistes, il faut revenir au 21 mars 2003. Ce jour-là, quelles difficultés les services du Secrétariat du gouvernement n’ont-ils pas rencontrées pour rendre public les Cv des nouveaux ministres du gouvernement du Premier ministre Seydou Elimane Diarra. Les autres ministres des partis signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis, Fpi, Rdr, Udcy, Udpci, Pit, Pdci, avaient satisfait à cette exigence. Mais ce fut de la mer à boire, en effet, pour les membres de la rébellion du Mpci qui faisaient leur entrée inaugurale dans un gouvernement de la République de Côte d’Ivoire. On savait vaguement quelque
chose sur Guillaume Soro (Mpci) ex- Secrétaire général de la Fesci qui venait d’être bombardé ministre de la Communication, colonel Gueu Michel ministre des Sports et Loisirs (Mpci), Roger Banchi ministre des Pme (Mjp), colonel-major Issa Diakité ministre d’Etat ministre de l’Administration territoriale (Mpci transfuge du Rdr), Mamadou Koné ministre de la Recherche scientifique (Mpci venu du Rdr), Dosso Moussa ministre de l’Artisanat et de l’encadrement du secteur informel (Mpci venu du Rdr), Youssouf Soumahoro ministre de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle (Mpci venu du Rdr). Quant aux autres : l’Adjudant ( ?) Tuo Fozié ministre de la Jeunesse et du Service civique – Mpci), Koné Messamba ministre des Victimes de la guerre (Mpci), rien, absolument rien n’avait filtré du curriculum vitae (Cv), comme s’ils sortaient du néant. L’on ne saura rien sur ces nouveaux ministres ex-rebelles. A part le fait qu’ils sont ministres. Point, barre ! Aujourd’hui, Alassane Ouattara qui n’a pas les mêmes pressions des Accords signés qui étaient celles de Gbagbo, procède à la nomination des mêmes personnes à des hautes fonctions dans l’Administration. En effet, depuis mercredi
26 septembre 2012, le chef de l’Etat ivoirien a procédé, en conseil des ministres, à trois (03) nominations qui déjà, défraient la chronique. Ce dans le cadre de ce qu’il a appelé «un vaste remaniement préfectoral». Il s'agit d'Ousmane Coulibaly alias Ben Laden à San Pedro où se trouve le deuxième port du pays et chef-lieu de la région du Bas-Sassandra, de Tuo Fozié à Bondoukou et de Koné Messamba à Guiglo. Tous les trois sont issus de l’ancienne rébellion du Mpci rebaptisée un an après le déclenchement de la crise Forces nouvelles. Et sont promus aux postes de préfets de région, depuis donc mercredi 26 septembre. Précédemment Ben Laden qui régnait sur la ville d’Odiéné (Nord) en tant que commandant de zone, occupait le poste de chef de sécurité de Yopougon, (District d’Abidjan) après la victoire du camp Ouattara, le 11 avril 2011. L’Administrateur qu’il remplace à San-Pédro est Docteur en sociologie. Tuo Fozié lui, avant sa nomination à Bondoukou, chef-lieu de la région du Zanzan, était le chef de la police et de la gendarmerie de l’ex-rébellion, puis ministre de la Jeunesse et du service civique après la signature de l’Accord de Linas-Marcoussis en janvier 2003, poste qu’il a du abandonner pour incompétence. C’est après la chute, en avril 2011, du président Laurent Gbagbo qu’il a été récompensé par Ouattara. Il a été placé au poste de chef de l’unité des Frci chargée de la lutte contre le racket. Le troisième nouveau préfet de région, Koné Messamba, était directeur des forces paramilitaire dans l’ancienne rébellion des forces nouvelles.
Où l’Etat ivoirien forme-t-il ses Administrateurs ?
L’Ecole normale d’administration (Ena) située à Cocody les Deux-Plateaux-Vallon, est une école d’excellence. C’est la structure qui s’occupe de la formation des plus hauts cadres de l’administration ivoirienne. Voici la première ligne qui accueille le visiteur du site internet de la prestigieuse institution. On y accède par deux concours. Le premier se fait de façon direct ou externe et concerne les candidats qui remplissent les conditions fixées par le statut général de la Fonction publique. Le deuxième accès se fait de façon professionnel ou interne, il concerne uniquement les fonctionnaires si ceux-ci bien entendu, remplissent les conditions fixées par un certain nombre de dispositions. A l’Ena il y a le cycle supérieur, le cycle moyen supérieur et le cycle moyen. Le cycle supérieur est réservé aux élèves qui se destinent aux emplois de la catégorie A, grade A4, dont l’Administratif, le juridique, le diplomatique, la gestion économique et financière et la magistrature en sont les spécialités. Les élèves de la section Administration publique reçoivent au préalable une formation générale commune et une formation de pré-spécialisation. Ceux de la section magistrature reçoivent une formation spécialisée dès la première année. Dans le cycle moyen supérieur, les élèves qui se destinent aux emplois de la catégorie A grade A3, reçoivent une formation dans les spécialités : Administratif, juridique, diplomatique, gestion économique et financière. Pour le cycle moyen, il faut être titulaire soit du baccalauréat de l’enseignement du second degré, soit de la capacité en Droit obtenue avec une moyenne «suffisante» pour l’inscription sans examen à la licence, soit d’un titre admis en équivalence, ainsi qu’aux candidats ayant subi avec succès l’examen spécial d’entrée à l’Université… Revenons aux dernières nominations d’Alassane Ouattara. Certes en vertu de l’article 46 de la Constitution ivoirienne, le président de la République «est le chef de l'administration. Il nomme aux emplois civils et militaires». Et (article 51) «nomme aux emplois supérieurs de l’Etat dont la liste est établie par la loi». S’agit-il ici d’une situation d’exception ? Référence à l’article 48 : «Lorsque les Institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après consultation obligatoire du Président de l'Assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel. Il en informe la Nation par message. L'Assemblée nationale se réunit de plein droit».
A supposer que les nominations de Tuo Fozié, de Koné Messamba et d’Ousmane Coulibaly relèvent de l’exception comme l’écrivent certains proches du pouvoir, Ouattara qui veut boucler son territoire a-t-il alors préalablement saisi le président de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel ? Beaucoup de choses sont à revoir dans le fonctionnement de la Côte d’Ivoire depuis 11 avril 2011.
Gnakabi Vacouh