Bceao / Après la confirmation des signatures au Dr. Alassane Ouattara : Ce qui va se passer sur le terrain

Publié le lundi 24 janvier 2011 | Soir Info - L'affaire des signatures à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (Bceao) a connu un dénouement le samedi dernier 22 janvier en faveur du Dr. Alassane Ouattara (président élu, selon la

Commission électorale indépendante au grand dam de M. Laurent Gbagbo (président, selon le Conseil constitutionnel). Cependant, dans la pratique, les opérations ne seront pas aisées pour le gagnant de ce duel qui a tenu le monde en haleine durant des semaines.

Philippe-Henri Dacoury-Tabley, gouverneur de la Bceao.

Publié le lundi 24 janvier 2011 | Soir Info - L'affaire des signatures à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (Bceao) a connu un dénouement le samedi dernier 22 janvier en faveur du Dr. Alassane Ouattara (président élu, selon la

Commission électorale indépendante au grand dam de M. Laurent Gbagbo (président, selon le Conseil constitutionnel). Cependant, dans la pratique, les opérations ne seront pas aisées pour le gagnant de ce duel qui a tenu le monde en haleine durant des semaines.

On le sait depuis le samedi dernier 23 janvier 2011. Le 15ième sommet de la Conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) tenu à Bamako (Mali) a entériné la décision du Conseil des ministres de l'Économie et des Finances de cette Union de n'autoriser que les signatures du président Alassane Ouattara pour la Côte d'Ivoire à la Bceao. En sus, M. Henri Philippe Dacoury Tabley a dû démissionner de son poste de Gouverneur de la Banque centrale pour, dit-on, avoir refusé d'appliquer les décisions du Conseil des ministres de l’Uemoa du 23 décembre 2010 à Bissau (Guinée). Une victoire donc qu'obtient Alassane Ouattara sur son adversaire Laurent Gbagbo, car les comptes du Trésor ivoirien domiciliés à la Bceao ne sont pas vides. Selon des sources informées et concordantes, des centaines de milliards de francs Cfa sont enregistrés sur ces différents comptes. Et, dès lors que
ces comptes seront désormais gérés par le camp Alassane Ouattara, cette liquidité échappera de facto au camp Laurent Gbagbo. Toute chose qui, il ne faut pas s'en douter, participe à l'isolement économique du président Laurent Gbagbo. Parce qu'on s'attend à ce que, sur le terrain, le « perdant » de l'Uemoa, qui n'a plus accès aux sous du Trésor public à la Bceao, ne respecte pas les engagements de l'État de Côte d'Ivoire vis-à-vis de ses partenaires, notamment payer les salaires des fonctionnaires et autres agents de l'État. Au finish, il devrait être affaibli et cueilli comme un fruit mûr. En principe, cette vision aurait pu tenir sans problème. Malheureusement, il y a un hic : l'opérationnalité du pouvoir des signatures Bceao sur le terrain ivoirien. En effet, même si officiellement le président Alassane Ouattara a la puissance des signatures ivoiriennes à la Bceao, dans la pratique, la puissance des leviers de l'économie nationale sont entre les mains du président Laurent Gbagbo. Pour le moment, les régies financières de l'État de Côte d'Ivoire (douanes, impôts et trésor) sont aux ordres du perdant. Les ports autonomes d'Abidjan et de San Pedro (premier port mondial de cacao) sont également gérés par lui. Cela signifie que M. Laurent Gbagbo, aussi perdant qu'il soit, est le mobilisateur des ressources financières de l'État de Côte d'Ivoire. Dans ce cas, le pouvoir du Dr. Alassane Ouattara sera, jusqu'à preuve du contraire, dans le domaine de la théorie. Aussi, à défaut d'avoir les comptes de la Bceao, le camp Gbagbo misera-t-il forcément sur un nouveau système bancaire, d'autres comptes, où il pourra gérer toutes ses activités gouvernementales. Les versements d'argent qui devraient être effectués sur les comptes du Trésor public à la Bceao emprunteront un autre chemin. Ce sera peut-être celui de la banque du Trésor public ou de la Banque nationale d'investissement (Bni) ou encore une autre banque inconnue. Les observateurs estiment que les lieux de dépôts d'argent ont peu d'importance du moment où le Gouvernement Aké N'Gbo est prêt à assumer ses charges. « Le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire appelle la population, les opérateurs économiques et financiers à la sérénité. Toutes les dispositions sont prises pour assurer le fonctionnement régulier du système bancaire ivoirien », a rassuré, le porte-parole du Gouvernement, M. Ahoua Don Mello, le samedi dernier 23 janvier. De fait, apparemment, le Gouvernement Aké N'Gbo, qui a rejeté «la démission forcée de l'Ivoirien Philippe-Henry Dacoury-Tabley », ne s'est pas laissé surprendre par le Gouvernement Soro Guillaume et l'Uemoa. Ainsi, il est clair que depuis le début de la crise post-électorale (et pourquoi pas avant?), une démarche financière bien ficelée permet aujourd'hui au camp Laurent Gbagbo de ne rien perdre de sa superbe. Il y a quelques jours, dans le cadre d'une séance de travail avec les responsables du Trésor public, le ministre de l'Économie et des Finances, M. Désiré Dallo, a exhorté ses interlocuteurs à respecter l'obligation de réserve de leur statut, à la vigilance et à la bonne gouvernance. Autrement dit, le Gouvernement Aké N'Gbo travaille. Au regard de ce qui précède, ça coince encore pour le camp Alassane Ouattara. Et ça pourrait coincer pour tout l'espace Uemoa (on peut l'écrire!) si cette situation perdure. Selon un expert en économie, si la Côte d'Ivoire qui, au 31 août 2010, représentait 30% des agrégats monétaires intégrés (avoirs extérieurs nets, crédit intérieur, masse monétaire) de l'Union monétaire, environ 60% des valeurs exportées, et plus de 35% du produit intérieur brut (les richesses produites dans la zone), se sent exclue, alors ce serait la catastrophe pour toute la zone.

Parce que le pays sera obligé de prendre des solutions alternatives, notamment une organisation monétaire nationale au détriment d'une cohésion de la zone monétaire de l'Uemoa.

Hermance K-N