Baromètre de la Haye : Gbagbo, prisonnier de la France de Sarkozy. Par Isaac Pierre Bangoret, (Écrivain)
Le 05 février 2013 par Correspondance particulière - Gbagbo, prisonnier de la France de Sarkozy.
La Cour pénale internationale a pour rôle de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre. Elle n'exerce cette compétence que lorsque les juridictions nationales n'ont pas la volonté ou sont dans l'impossibilité de juger de tels crimes. L'initiative en matière d'enquête et de jugement de ces crimes est donc laissée, en général, aux États. Tout procureur est un simple représentant du ministère public, c'est le rôle assigné à Fatou Bensouda appelée à exposer les résultats des "enquêtes" diligentées avec la collaboration de la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara qui ne regroupe pas autour de sa personne les Ivoiriens, dans leur majorité, à cause de son refus d'adopter une solution pacifique au contentieux électoral qui l'opposait au président Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara, candidat aux élections présidentielles, bénéficiait déjà du soutien d'une armée rebelle, de Sarkozy et de l'armée française, avant et après les élections présidentielles. Ces derniers combattirent une armée ivoirienne, partisane de la légalité constitutionnelle, protectrice des institutions de la "République de Côte d'Ivoire", soumise, à l'instar de toutes les armées du monde, à la Cour constitutionnelle de notre pays, et non à l'opinion publique internationale. Il est cependant bon de souligner d'emblée le statut de notre pays pour mieux comprendre l'ingérence de la France de Sarkozy dans une crise ivoiro-ivoirienne. La Côte d'Ivoire n'est pas encore une nation souveraine, conformément à l'article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958, qui stipule que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. Le général De Gaulle, en participant personnellement à la rédaction de cette Constitution, veilla à accorder l'indépendance aux ex-colonies françaises au sein de la Communauté franco-africaine, dans le but de protéger, de manière subtile, les intérêts de la France. Le préambule de la Constitution de l'Union française du 27 octobre 1946 repris dans celui de la Constitution du 4 octobre 1958 énonce : «L'Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun, ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité». L'article 78 de la Communauté franco-africaine concéda à la France tout pouvoir sur ses colonies puisqu'il stipule que le domaine de la compétence de la Communauté comprend la politique étrangère, la monnaie, la politique économique et financière commune ainsi que la politique des matières premières stratégiques. Il comprend en outre, sauf accord particulier, le contrôle de l'enseignement supérieur, de l'organisation générale des transports extérieurs et communs, les télécommunications, et surtout la justice. L'article 55 de la Constitution française de 1958 qui vient couronner tout les efforts politico-juridiques de la métropole visant à endiguer l'aspiration légitime des ex-colonies à l'autonomie précise justement que les traités ou les accords ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. Toute nation africaine dont le Chef de l'État refuserait de reconduire ces accords secrets qui pénalisent les Africains jouiraient pleinement de sa souveraineté, ce fut le désir exprimé par le président Laurent Gbagbo sous les bombardements de l'armée française, quand il affirmait que la Côte d'Ivoire ne devait plus rien à la France. Sarkozy soutint donc une rébellion armée afin d'installer de force à la tête de la Côte d'Ivoire Alassane Ouattara favorable aux traités, à tous les mécanismes de la Françafrique qui concèdent au marché autorégulateur français le contrôle total de nos matières premières, de nos institutions, de nos juridictions nationales. Étant en réalité face à un procès politique, la procureure de la Cpi Fatou Bensouda n'est que la représentante de la France de Sarkozy, et non de la Côte d'Ivoire qui n'est pas souveraine et refuse, de manière délibérée, de l'être sous Alassane Ouattara. Les accusations de Bensouda ont pour but de faire du président Gbagbo l'ennemi de l'opinion publique internationale, et de présenter Ouattara et ses soldats accusés aussi de crimes contre l'humanité sous des traits angéliques. Fabriquer l'ennemi est l'œuvre de tout régime totalitaire, la Françafrique qui nie aux Africains toute aspiration à l'autonomie en est un. Lorsque sont en jeu les intérêts d'une grande puissance comme la France, le Droit, dans nos pays africains, devient aussi une autre colonne de la Françafrique. Si la France entretenait une politique étrangère africaine fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, l'on aurait déjà assisté à la CPI aux procès des assassins de Patrice Lumumba, de Thomas Sankara, des partisans du président Laurent Gbagbo massacrés en 2002. Lumumba, Sankara luttaient pour l'autonomie des Africains, leur mort n'émeut donc pas la classe politique française à la solde de la Finance. Se battre pour la souveraineté de son pays comme le président Gbagbo est un crime contre l'humanité, il faut donc l'accuser de rage (de tous les crimes du monde) afin de pouvoir le supprimer de l'arène politique ivoirienne afin que sous la houlette exclusive de Ouattara, selon Lagarde, "le miracle économique ivoirien" se réalise. Face au droit des palestiniens et aux inquiétudes de l'État Hébreu, l'admission de la Palestine à l'Unesco incita les Usa d'Obama à ne plus financer l'Organisation. Ce fait politique démontre l'impact des autorités du monde sur les décisions des organisations internationales ou des institutions comme la Cpi. Chaque nation, à une époque précise de notre Histoire, n'est que le reflet d'une idéologie prônée par les hommes politiques qui la gouvernent, ainsi l'Allemagne s'identifia au nazisme quand Hitler arriva au pouvoir, et la France s'identifia au marché autorégulateur avec Sarkozy qui utilisa la guerre dite légale, le droit, ou le mensonge légitime pour protéger les intérêts des grandes entreprises et non des Pme françaises à travers le monde. Avec Hollande et sa guerre au Mali, nous voyons émerger un nouvel empire francophone fondé sur l'égalité, sur le droit des peuples, sur la vérité et la justice. En 1950, René Pleven nomma François Mitterrand, ministre de l'Outre-mer, ce ministre socialiste, partisan de l'instauration d'une union franco-africaine où les territoires jouiraient d'une autonomie négociée et librement consentie, s'efforça d'améliorer le sort des Africains soumis à un régime pénible et fut traité par la droite française, les compagnons de De Gaulle de «bradeur d'empire». Aujourd'hui se répètent les mêmes faits politiques ; Sarkozy fils spirituel de De Gaulle est opposé à Hollande, fils spirituel de Mitterrand, soucieux de concéder aux Africains leur souveraineté, en favorisant, par exemple, au Mali l'organisation d'élections libres et transparentes afin que les intérêts qu'ils tireront de leurs ressources soient librement négociés avec la métropole. Concéder le Droit de vote aux Maliens exprime la volonté politique de Hollande de mettre réellement fin à la Françafrique dont les fondements sont une politique d'endettement, le refus du Droit de vote aux citoyens des ex-colonies, comme nous le constatons en Côte d'Ivoire, l'usage démesuré de la force, les tortures, les emprisonnements, les procès politiques qui se muent en procès de délits de droit commun. La solution politique pacifique proposée par le président Laurent Gbagbo, le recomptage des voix nous aurait permis d'éviter les 3000 morts. Il appartient désormais au juge de la Cpi de décider de l'avenir de la Françafrique, de l'orientation des relations entre les masses populaires françaises et africaines parce que tout sentiment extrémiste naît en général d'un sentiment d'injustice, de frustration. Si le terrorisme signifie gouverner par la terreur, ou encore l'emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique que dire de la Françafrique à l'origine de l'assassinat de nos leaders politiques africains et de l'emprisonnement du président Laurent Gbagbo?
Une tribune par Isaac Pierre Bangoret, (Écrivain)