Audience du Président Laurent Gbagbo : LES CRIMES DE OUATTARA DEVOILES. LE LABORIEUX STRATAGÈME DE BENSOUDA
Le 25 février 2013 par NOTRE VOIE - La défense de Laurent Gbagbo donne de la voix
4ème jour de l’audience de confirmation des charges à la CPI: La défense de Laurent Gbagbo donne de la voix.
Me Jennifer A. a lu hier le texte introductif de l’argumentaire de la défense du Président Gbagbo. Nous vous le proposons en intégralité.
Messieurs les juges (…) ; Madame le président ; Mesdames et Messieurs les juges,
Pour comprendre ce dossier et la logique qui soutend les accusations du procureur, il nous faut dans un premier temps, revenir sur l’exposé des faits du procureur. Au paragraphe 3 de son document contenant les charges, auquel nous nous référons si vous le permettez, le procureur a exposé les faits de manière parcellaire, omettant des faits et des évènements essentiels à la compréhension de cette affaire.
Rappel de l’histoire
Sans véritable rappel de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, on ne peut comprendre la crise postélectorale de 2010. La crise postélectorale de 2010 n’est pas hélas, la première tentative de déstabilisation du pouvoir en place qu’a connue la Côte d’Ivoire. Les premiers troubles datent de 1999 comme l’a rappelé le représentant légal des victimes.
Le 24 décembre 1999, Ibrahim Coulibaly (IB), bras droit et ancien garde de corps d’Alassane Ouattara, organise un coup d’Etat contre le président Henri Konan Bédié. Il s’agissait de mettre au pouvoir le général Guéi. Le coup réussit, mais le général Guéi se retourna contre ses créateurs qui s’enfuient pour se réfugier au Burkina-Faso. En septembre 1999, les mêmes séditieux, réorganisés, réarmés, pénétraient à nouveau la Côte d’Ivoire et tentent de renverser le général Guéi. C’est le coup d’Etat dit du « cheval blanc ». Cette fois-ci, le coup à échoué. Débarrassé de la présence menaçante des rebelles, le général Guéi organisait en octobre 2000, les élections démocratiques que remportait le président Gbagbo.
Le 26 octobre 2000. La tâche du président Gbagbo était lourde. Redresser le pays épuisé par la gabegie des deux gouvernements successifs. Le président Gbagbo avait autant de mérite que ceux-ci, pour faire main basse sur la Côte d’Ivoire, ne désarmaient pas. Les éternels séditieux dirigés par IB recrutaient, formaient, équipaient et armaient au Burkina-Faso des soldats qui devaient lui permettre de prendre le pouvoir. Ils le faisaient pour le compte d’un homme : Alassane Ouattara. Zackaria Koné, chef rebelle ne s’en cachait pas. Lors d’un meeting enregistré en vidéo, il expliquait que : «Vous qui supportez le Mpci, ne le faites pas pour Koné Zackaria, ni pour IB, ni pour quelqu’un d’autre. Sinon pour celui qui a acheté nos armes : Alassane Dramane Ouattara ». Et il ajoutait que lorsque les rebelles étaient en exil au Burkina-Faso, Alassane Dramane Ouattara s’occupait d’eux. Il leur apportait la somme de 25 millions de francs Cfa par mois. Ce ne sont pas mes propos, ce sont ceux de Koné Zackaria. (Elle montre la vidéo).
Abdoulaye Traoré, ancien chef de guerre contrôlant Man, a indiqué lui aussi que, «Avant 2002, après chaque évènement, Alassane Dramane Ouattara déboursait 25millions de Francs pour notre nourriture. Et il nous a dit que ce sont les armes qui ont fait qu’il est devenu un candidat exceptionnel ».
Le premier coup d’Etat contre M. Gbagbo ne se faisait pas attendre. En janvier 2001, des forces rebelles envahissaient le nord du pays. Les forces régulières ayant réagi à cette tentative de coup d’Etat des rebelles contre le pouvoir en place, connu sous le nom de la Mercedes noire, en référence à la voiture d’IB, elle échouait. Néanmoins, il est clair que cette tentative de coup d’Etat ne serait pas la dernière.
Dès lors, les amis de Ouattara n’avaient de cesse de tenter de délégitimer le président Gbagbo par tous les moyens. D’abord par des campagnes de presse fondées sur des accusations les plus outrancières. Ces campagnes commencèrent avant septembre 2002 et continuèrent après. Il était par exemple allégué l’existence de soi-disant escadrons de la mort. Affirmation encore reprise avant-hier par le procureur. Au contraire de ce qu’avance le procureur, la justice française saisie des ces allégations mensongères, condamnait pour diffamation, le 5 avril 2006, le journal Le Monde. Ce journal avait évoqué ces soi-disant escadrons de la mort au mois de février 2003, dans un article intitulé : «Gbagbo, Simone, Dieu et le destin ».
Le 15 juin 2006, la cour d’appel de Paris condamnait encore pour diffamation, mais cette fois-ci le journal l’Express qui avait publié le 26 février 2003, un article intitulé : «La Côte d’Ivoire en crise, Simone Gbagbo comme… ».
Cette campagne de diffamation avait pour objectif de délégitimer le président Gbagbo pour ensuite le chasser du pouvoir.
Or les campagnes mensongères lancées contre le président Gbagbo n’eurent pas l’effet escompté. Le peuple ivoirien lui témoignait à nouveau sa confiance. Lors des élections locales tenues en juillet 2002, son parti était arrivé en tête. Il ne restait alors que la force. Le recours à la force étant d’autant plus facile que le président Gbagbo ne se méfiait pas. Au contraire, dans un souci d’unité et malgré sa victoire électorale, le président Gbagbo a intégré des ministres d’opposition au gouvernement. C’est dans ce contexte qu’intervenait un nouveau coup d’Etat contre le pouvoir en place.
Alors que le président Gbagbo se trouvait en visite d’Etat en Italie, des troupes nombreuses et bien équipées composées d’Ivoiriens recrutés dans le nord, de Burkinabè, de Libériens et d’autres mercenaires, pénétraient en Côte d’Ivoire en septembre 2002. En quelques jours, les rebelles s’emparaient du nord du pays et massacraient sans merci les représentants des autorités légitimes. Commettant des exécutions sommaires, des actes de torture, de cannibalisme et des mutilations. Tous les villages de la région de Duékoué étaient mis à feu et à sang. Par exemple, dans le village de Dioua, une attaque de rebelles le 19 septembre 2002 causait 30 morts. Tous des Wê. Ils avaient été tués par balles, égorgés, brûlés vifs puis jetés dans les puits.
Entre le 6 et 9 octobre 2002, un charnier était retrouvé au cimetière communal de Dar-es-salam à Bouaké contenant environ 90 corps. Il s’agissait de 48 gendarmes et des membres de leurs familles. Au début du mois de novembre 2002, après l’attaque contre Bouaké, les rebelles attaquaient le village de Sémian où ils pillaient et incendiaient des maisons, brûlaient du cacao et assassinaient encore 35 civils. Mais à Abidjan, les violentes attaques furent repoussées et les rebelles se replièrent sur le nord. Le pays était désormais coupé en deux.
Il est important de comprendre qu’à chaque tentative de coup d’Etat, il s’agissait de se saisir du pouvoir d’Etat. Il est aussi important de constater que ce sont toujours les mêmes personnes qui étaient à l’origine de ces coups d’Etat que ça soit contre le président Bédié ou le président Gbagbo. Le procureur se contente de mentionner au paragraphe 3 de son texte, et je cite : «En 2002, un coup d’Etat a entrainé la fragmentation des forces armées de Côte d’Ivoire et s’est terminé par une division de la Côte d’Ivoire en une zone Sud tenue par le gouvernement et une zone nord contrôlée par les rebelles ». Il s’est gardé d’expliquer ce qu’impliquait cette partition pour les populations ivoiriennes. Après le coup d’Etat du 19 septembre 2002, le pays était divisé en deux et le nord était sous le contrôle des nouveaux maîtres des lieux.
Qui sont ces chefs rebelles ?
A aucun moment, le procureur ne prend la peine d’expliquer qui sont ces chefs qui contrôlent le nord de la Côte d’Ivoire. Il nous appartient donc ici de combler ces oublis. Les forces rebelles du nord sont dirigées par des chefs de guerre, pour la plupart soupçonnés pour des crimes de masse par les organisations de défense des Droits l’Homme.
1-Guillaume Soro.
En septembre 2002, Guillaume Soro était le secrétaire général de la rébellion qui s’appelait alors Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire, le MPCI, qui deviendra par la suite les Forces Nouvelles (FN). Il était donc impliqué dans la stratégie générale des forces rebelles et dans les luttes internes sanglantes dont les civils étaient les premières victimes. D’ailleurs, il reconnait lui-même : « C’est vrai qu’en 2002, il y a eu des tueries avec la rébellion. Néanmoins, on a eu une loi d’amnistie et un accord politique qui ont tout effacé ». C’est la pièce 44/98 de la défense. En tant que chef des Forces nouvelles, il savait donc que de nombreuses exactions avaient été commises dans le nord du pays, qu’il bénéficie d’un système de racket généralisé. Au lendemain des élections de 2010, Alassane Ouattara le nomme Premier ministre puis ministre de la Défense. Sous son commandement, les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) vont perpétrer de nombreux massacres. Par exemple à Duékoué, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire où les 29 et 30 mars 2011, au moins 800 personnes ont été tuées. Il est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale, position grâce à laquelle il jouit de l’immunité parlementaire.
2- Ibrahim Coulibaly dit « IB »
Nous l’avons dit. IB était le bras droit et l’ancien garde du corps d’Alassane Ouattara. IB était aussi, avec Guillaume Soro, l’un des principaux acteurs du coup d’Etat du 19 septembre 2002. Guillaume Soro et IB se disputait la tête de la rébellion. Et la rivalité entre les factions pro-Soro et pro-IB fera de nombreux morts. International Crisis Group, dans un rapport du 22 avril 2008, recommandait même au Conseil de sécurité des Nations-Unies, de prendre des sanctions contre IB, parce que ce dernier avait tenté de déstabiliser le processus de paix. Lors de la crise postélectorale, IB dirigeait le Commando invisible qui s’illustrera dans les exactions les plus graves contre les populations civiles entre janvier et mars 2012.
3- Soumaïla Bakayoko
Il était le chef d’état-major des Forces Armées des Forces Nouvelles, les FAFN. Son quartier général était basé à Bouaké où il contrôlait dix zones rebelles. Il était donc en charge de l’armée et de l’administration parallèle qui s’était mise en place dans le nord du pays. Les Forces nouvelles, sous son commandement, pillaient, rackettaient, violaient, volaient, tuaient, massacraient, brûlaient (nous y reviendrons). Alassane Ouattara le nommait le 7 juillet 2011, chef d’état-major des Forces républicaines de Côte d’Ivoire, la plus haute position dans les forces armées de la République de Côte d’Ivoire. Poste qu’il occupe depuis lors.
4- Ousmane Coulibaly dit « Ben Laden »
Il était un des commandants du groupe rebelle nommé MJP, le Mouvement pour la Justice et la Paix, actif dans la ville de Man, située à l’ouest du pays. Par la suite, il devient Com’zone d’Odienné, une région à la frontière du Mali et de la Guinée. Ousmane Coulibaly et ses hommes sont soupçonnés par les organisations de défense de droits de l’homme telles Human Right Watch, International Crisis Group et Amnesty International, d’avoir commis de graves crimes internationaux à Man dans les environs, le 19 septembre 2002. Parmi ces crimes, Ben Laden et ses hommes sont accusés d’avoir pris systématiquement des civils pour cibles et avaient, je cite : «pris des femmes pour épouses en leur faisant subir des violences sexuelles répétées ». En mais 2011, Ben Laden était le commandant de l’ancien camp de la BAE, à Yopougon. Jusqu’à la fin du mois de septembre 2012, il y a torturé et procédé à des arrestations arbitraires généralisées. Le 15 août 2012, il a été placé à la tête des opérations où de nombreux civils ont été extorqués, arrêtés, torturés et assassinés. Human Right Watch révèle dans un rapport de 2011, des liens étroits qui unissaient Charles Taylor, Ousman Coulibaly et les mercenaires libériens. Il a été nommé, le 2 septembre 2012, préfet de la région de San Pedro par Alassane Ouattara.
5- Chérif Ousmane dit « Papa Guépard » ou encore le « Nettoyeur »
Il est l’un des Com’zone les plus proches de Ouattara. On parle d’ailleurs à son propos, d’hommes de basses œuvres de Ouattara. Il a été le commandant de la zone de Bouaké pendant toute la rébellion. Il fait face à une série d’accusations très graves pour sa participation à plusieurs crimes de sang. Par exemple, Human Right Watch, dans un rapport de 2011 intitulé «Ils les ont tués comme si de rien n’était », cite un témoin direct l’impliquant dans l’ordre d’assassiner 29 personnes à Yopougon. Le 3 août 2011, Alassane Ouattara promeut Chérif Ousmane au rang de commandant en second du Groupe de sécurité des forces républicaines.
6- Issiaka Wattara dit « Wattao »
Wattao était le commandant de la zone rebelle 5, qui couvrait les circonscriptions de Séguéla et de Vavoua, par ailleurs le chef d’état-major adjoint des Fafn de la rébellion. Il est très proche de Guillaume Soro. Wattao est impliqué dans de nombreux trafics dans le nord de la Côte d’Ivoire, pendant toute la période de la rébellion, notamment dans le trafic de diamant. Un cadre de renseignement français, cadre diplomatique, explique et je cite «Outre l’organisation financière de la rébellion, Wattao avait mis en place son propre système de racket en s’enrichissant aux dépens des populations présentes dans la zones qu’il commandait pour les Forces nouvelles. Il est soupçonné par International Crisis Group, dans un communiqué de 2008, d’avoir déstabilisé le processus de paix à multiples reprises et d’être responsables de Bouaké en 2007 ». En 2008, Wattao chasse Koné Zacharia afin de prendre le contrôle des mines de de diamant. Il est aujourd’hui commandant en second de la Garde républicaine.
7- Losséni Fofana dit « l’intrépide Loss »
C’est l’un des hommes forts de la rébellion. Il contrôlait l’ouest montagneux avec ses nombreux trafics. Il a été chef de secteur des Forces nouvelles à Man. En février 2009, lors des affrontements à Man, les hommes de Losseni Fofana ont déployé des mitrailleuses et lance-roquettes, sur des véhicules lors de règlement de compte entre Forces nouvelles. En mars 2012, les mêmes hommes de Loss ont pris une part active dans le massacre commis contre les Guérés, à Duékoué. Il a été promu par Alassane Ouattara et est désormais un des responsables des Forces spéciales. Un rapport de Human Right Watch de 2011 explique qu’il est toujours commandant des Forces républicaines et qu’il a été nommé vice-commandant d’une force d’élite ivoirienne appelée à suivre une formation en France.
8- Martin Kouakou Fofié
Il a participé dès 1999 au coup d’Etat contre le président Konan Bédié. Il est considéré comme l’un des piliers de la rébellion en raison notamment de sa loyauté envers Guillaume Soro, le leader des Forces nouvelles. Depuis 2002, Fofié dirige la Compagnie territoriale de Korhogo. Une unité importante qui se livre à de nombreux trafics. Selon les Nations-Unies, en 2004, il y aurait fait tuer 99 personnes pour la plupart asphyxiées, après plusieurs jours de détention dans des containers scellés sans eau ni nourriture. Ces crimes auraient eu lieu dans un conflit entre factions de Guillaume Soro et d’IB. Depuis 2006, Martin Koffi Fofié est sous sanction du Conseil de sécurité des Nations Unies car, et je cite : «Les forces sous son commandement se sont livrées à des recrutements d’enfants soldats, à des enlèvements, à l’imposition du travail forcé, à des sévices sexuels sur des femmes, à des arrestations arbitraires et à des exécutions extra-judiciaires, des pratiques contraires aux conventions des droits de l’homme et au droit humanitaire international. En sa qualité de chef de zone basé à Korhogo, Fofié s’est personnellement enrichi en se livrant à des activités de racket et de corruption. C’est lui qui deviendra le geôlier du président Gbagbo.
9- Koné Zacharia
C’est l’un des proches d’Alassane Ouattara qu’il a financé depuis le début. Il était com’zone de la zone 5 à Séguéla. Il a été déposé par Wattao à l’issue d’une guerre sanglante et s’est réfugié au Burkina. Koné Zacharia est au cœur de nombreux trafics dans le nord du pays, notamment du diamant. Mais surtout, c’est un initié Dozo. Il est à la tête d’une unité de 1500 Dozos et les guerriers de la lumière qui ont combattu avec les Forces nouvelles au début de la rébellion armée de 2002. Il a été nommé par Alassane Ouattara commandant de la police militaire. Il est accusé d’avoir torturé et tué de nombreux civils alors qu’il dirigeait le camp d’Adjamé. Devant le tollé des organisations de défense des droits de l’Homme, à cause de ses nombreuses exactions, Koné Zacharia a été muté, début novembre 2012, au bataillon d’artillerie Sol Air situé dans le camp militaire d’Akouédo. Celui-ci conserve toutefois des fonctions importantes, puisqu’il est au cœur du dispositif sécuritaire d’Abidjan.
Le rôle de la France
Le procureur a oublié d’expliquer qui sont ces anciens chefs de guerre, la manière dont il se partagent le territoire dans le nord et l’ouest de la Côte d’Ivoire et les souffrances des populations civiles. Les rebelles sont donc les maîtres du nord et de l’ouest de la Côte d’Ivoire. Ils y contrôlent les ressources naturelles et le commerce, ils pillent, rackettent les populations civiles… A la sortie de chaque ville leurs soldats débraillés rackettent voitures et poids lourds. Le témoin de la défense, du fait de sa fonction, à l’époque des faits, était très informé… raconte clairement comment les rebelles se livraient systématiquement à des attaques de banditisme et s’en prenaient aux populations civiles afin de les dépouiller. Ayant réduit les populations par la terreur à leur remettre argent et biens, les rebelles désormais plus riches et plus puissants se livraient à des trafics de cacao, de bois, d’essence, de diamant, de drogue. Il est d’ailleurs révélateur que le Burkina Faso devienne, à cette même époque, exportateur de cacao alors qu’il n’en produit pas. Concernant les trafics de diamant, un rapport des experts des Nations-unies, ayant enquêté en Côte d’Ivoire, nous apprend que ce trafic génère des revenus très importants pour les rebelles. Un de ces chefs rebelles s’était particulièrement enrichi, Zacharia Koné… Ces diamants, provenant des zones contrôlées par les Forces nouvelles, étaient ensuite vendus aux pays voisins en violation de l’embargo des Nations unies. Il s’agit donc des diamants de sang.
Chaque rebelle règne sur son territoire comme un seigneur sur son domaine avec son armée et ses administrations parallèles, mettant en place une véritable économie féodale. De l’argent récolté, je cite un article du Monde « Abidjan n’en voit pas la couleur, les populations locales non plus ». L’argent était transféré au Mali, au Burkina Faso, ou dans des paradis fiscaux. Par ailleurs, les seigneurs du nord étaient soutenus par les puissances étrangères. Les rebelles étaient armés et entraînés au Burkina Faso et au Mali. Ils étaient équipés d’armes neuves et aidés par des commandants provenant de plusieurs pays de la région. La France, elle, fournissait des armes à la rébellion. Par exemple, le témoin P2 (nous soulignons son importance), confirme que les autorités françaises en 2005 ont armé la rébellion. Le ministre de la Défense ivoirien de l’époque explique que des véhicules français ont été transférés aux rebelles en 2009 et 2010. Par exemple, Chérif Ousmane a reçu beaucoup de matériels militaires français : des canons et des blindés et beaucoup d’armes de guerre. «J’étais à Séguéla, j’en ai vu. A Bouaké surtout, j’en ai vu beaucoup. J’ai vu les entraînements dirigés par des officiers français ».
Puisqu’ils étaient plus riches, les rebelles pouvaient recruter des hommes, qu’ils pouvaient armer et donc disposer de troupes au fur et à mesure des années, de troupes de plus en plus nombreuses, bien entraînées (…)
Propos recueillis par Boga Sivori et Armand Bohui
NB: Le titre est de la rédaction.
4e JOUR D'AUDIENCE DE GBAGBO: LE LABORIEUX STRATAGÈME DE BENSOUDA
Le 24 février 2013 par Le Temps -
Faire endosser des responsabilités différentes avec les mêmes «éléments de preuve» semble être le vrai défi du procureur de la Cpi contre le président Laurent Gbagbo. Dès lors, la question qui se pose aujourd’hui, face aux incohérences de l’accusation est de savoir s’il était judicieux de requalifier l’accusation et de tenter de « transformer Laurent Gbagbo en auteur direct », contrairement à la démarche initiale. C’est probablement là que se trouvera le salut de Laurent Gbagbo dans ce procès politique qui n’a d’objet que de sauver Ouattara et son régime illégitime. Analysons un peu cette question, en dehors de toutes les autres considérations et aspects juridiques ou de réalité de faits. En relisant et écoutant l’accusation, une évidence commence à poindre, tant le raisonnement est incohérent, la logique décousue et l’accusation finalement infondée et inique. Il semble bien que l’accusation de "co-auteur indirect" initialement portée ne satisfaisait plus Ouattara et ses soutiens, car entre temps, Ouattara avait "récupéré" certains responsables militaires et d’autres politiques ayant fait allégeance au régime imposé. D’où la nécessité de rendre Gbagbo "auteur direct", changement ou "requalification" organisée sous Bensouda, alors que l’accusation première était de la responsabilité du procureur Ocampo. Hors, il semble que ce changement, quand même majeur, ne puisse se limiter à des superficialités et qu’il faille aussi changer et réorienter les éléments qui fondent l’accusation et sa logique. La logique initiale était d’incriminer tout le monde alors considéré comme pro-Gbagbo. Mais, en attendant l’actuelle audience, certains de ceux-ci sont désormais des pro-Ouattara, il faut les protéger. Mais, ce faisant, il aurait fallu reprendre toute l’enquête et réécrire toute l’accusation, afin de lui donner la logique qui incrimine totalement et uniquement Laurent Gbagbo et ceux d’entre les personnes initialement visées qui n’ont toujours pas fait allégeance. Exercice difficile, car entretemps, les « éléments de preuves » qui accusent Laurent Gbagbo ont en réalité été montés pour accuser d’autres personnes, notamment celles directement en prise avec les évènements choisis par l’accusation. Les mêmes éléments de preuve éventuelles ne peuvent à la fois accuser un donneur d’ordre et des exécutants, même en « droit politique » internationale. Sans être juriste, il apparait que pour accuser une personne d’une culpabilité directe, il faut pouvoir la lier directement aux faits incriminés. Dans le cas d ‘espèce et dans ce qu’il nous est donné voir dans cette audience, on prend des faits initialement identifiés pour accuser des personnes ayant été sous l’autorité du président Gbagbo, pour lui « transférer la responsabilité directe » de ces faits. A partir de sa fonction et du rôle qu’il a joué dans ce pays et de l’influence qu’il continue d’avoir, c’est une gageure que de vouloir présenter Laurent Gbagbo à la fois comme donneur d’ordre (première difficulté) et exécutant de ses propres ordres (difficulté insoluble). La procureure Bensouda, qui est restée sur les bases et les preuves d’accusation de son prédécesseur s’est permise un exercice plutôt innovant et certainement périlleux, en prenant le risque inouï de « rapprocher Laurent Gbagbo » des preuves qui accusaient en réalité les chefs de l’armée nationale de Côte d’Ivoire, dans leur défense des institutions nationales durant cette guerre qu’on veut juger comme une vulgaire crise. Le tribunal se laissera-t-il prendre par ces incohérences ? Car, il faut déjà et d’abord démontrer que Laurent Gbagbo a effectivement donner ces ordres et est donc indirectement responsable. Ensuite, il faut démontrer que, en même temps qu’il donnait les ordres, Laurent Gbagbo se trouvait sur le terrain à surveiller l’exécution effective «de ses ordres», afin de s’assurer de leur bonne réalisation. Pour l’observateur novice, cela paraît bien étrange que les mêmes évènements et preuves puissent accuser de la même manière, différentes personnes. Car, en qualifiant de «politique» l’exercice qui consistait à défendre la Côte d’Ivoire, ses institutions, ses populations et son intégrité face à des ex-rebelles, et en l’accusant «d’auteur direct» d’actions de terrain éventuelles, on veut faire passer Laurent Gbagbo pour le rebelle, le chef d’une guerre qu’on ne reconnaît pourtant pas. En réalité, les faits exposés s’opposent au combattants respectifs des deux camps, car même «le chef suprêmes des armées» n’est pas au fait des stratégies et tactiques militaires, ni des décisions à chaud durant les combats. En l’occurrence, par exemple, une qualification des faits de cette sorte appliquée à Soro Guillaume n’apparaîtrait nullement incongrue.
Enise Kamagaté
NB: Le titre est de la rédaction.