Audience du 30 octobre à la Cpi: Voici les chances de Gbagbo d'être libéré

Le 23 octobre 2012 par SOIR INFO - Des chances pour Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire, détenu depuis près 10 mois dans l'établissement pénitencier de

Scheveningen, de bénéficier d’une liberté provisoire existent.

Le Président Laurent Gbagbo le 05 décembre 2011 à La CPI.

Le 23 octobre 2012 par SOIR INFO - Des chances pour Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire, détenu depuis près 10 mois dans l'établissement pénitencier de

Scheveningen, de bénéficier d’une liberté provisoire existent.

Des politiques, des juristes et autres observateurs attentifs n’écartent pas cette hypothèse. Nombreux sont les partisans de l'ancien chef d’État ivoirien qui fondent leur espoir sur l’audience du reste déterminante convoquée le 30 octobre 2012, à la Cpi. L'avocat français, pénaliste international, Me Emmanuel Altit qui est à la tête d'un collectif de juristes, assurant la défense de Laurent Gbagbo, semble avoir mis toutes les choses du côté de son client. Maîtrisant les rouages de la Justice internationale, Me Altit joue, avec tact, sur un tableau certes délicat, mais qui pourrait valoir une liberté, même à titre provisoire à Laurent Gbagbo. Le pénaliste international tisse sa stratégie de défense sur les conditions de détention de l'ex-numéro 1 ivoirien avant sa déportation à La Haye et sur les conséquences de cet état de fait sur la santé de son client.

En effet, le 24 mai 2012, l'avocat défenseur a déposé auprès de la juridiction internationale un document volumineux sous la forme d'une requête « en incompétence » de la Cpi. Il y évoque l'absence de tout fondement légal à l'arrestation et la détention de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire puis son transfèrement à La Haye. Selon le requérant, le leader de l'ex-majorité présidentielle ivoirienne porte les séquelles d'une maltraitance.

Un rapport médical produit par des experts en la matière donne non seulement raison à Me Altit, mais laisse entrevoir que l'accusé ne serait pas apte à suivre la procédure. Ce rapport tout à l'avantage de Gbagbo pèserait sans doute dans la décision de la chambre préliminaire 1 qui a tenu une audience à huis clos sur la question et dont le verdict est attendu.

De solides arguments

On retient que la défense de Gbagbo a réussi à bousculer les choses à ce niveau et à contraindre la Cpi à se pencher sérieusement sur le cas du prisonnier le plus célèbre de La Haye avec beaucoup d'attention. Elle obtient donc gain de cause, puisqu'elle arrache une audience à la Cpi qui devra ainsi se prononcer sur la libération provisoire ou non de Laurent Gbagbo, le 30 octobre 2012. «Le fait d'arriver à cette audience est une grande chance pour Gbagbo et ses avocats. Il est alors fort possible que le juge Silvia Fernandez de Gurmendi tienne compte des observations de la défense et accède à sa demande de liberté provisoire», fait remarquer, Sven Moudou Akendé, juriste congolais avec qui nous avons échangé récemment.

On estime d'ailleurs que Me Altit disposerait de solides arguments pour dénoncer, à cette audience, la manière dont Gbagbo a été traité et fonder sa plaidoirie sur le strict plan juridique, à l'effet de faire plier la Cour. Pour bien d'observateurs, la Cour pénale internationale (Cpi) n’est certainement pas une juridiction devant laquelle on est condamné d'avance ni un chemin de non-retour qu'empruntent les personnes poursuivies, même si l'opinion qu'on a de cette Cour incline à penser le contraire.

Réalités d'hier et d'aujourd'hui

On cite parfois abondamment le cas de l'ex-vice-président de la République démocratique du Congo. Ce dernier a bénéficié d'une mise en liberté provisoire en août 2009, même si par la suite cette décision a été «cassée» par la cour d'appel de la Cpi. Toutefois, il faudrait faire remarquer que tout n'est pas joué pour Laurent Gbagbo. Au mois de juillet 2012, il avait essuyé le refus de la chambre préliminaire 1 de la Cpi de lui accorder une liberté provisoire. La juge Silvia De Gurmendi avait argué que «le maintien en détention apparaît nécessaire pour assurer la comparution de M. Gbagbo devant la cour (...) Les assurances de M. Gbagbo ne sont pas en soi suffisantes». Aussi a-t-elle ajouté que l'ancien chef d’État ivoirien étant encore très populaire et assuré du soutien de bien de réseaux, il y avait des risques de fuite.

A ce sujet, une autre chance s'offre à Laurent Gbagbo que devraient saisir ses avocats en montrant toutes les garanties et l'engagement de l'accusé de coopérer et de comparaître à tout moment une fois libéré provisoirement. Mme De Gurmendi va-t-elle, malgré tout, opposer le même argument? Beaucoup de choses se sont passées entre-temps. Et trois mois après, les réalités d'hier, dans ce dossier, pourraient être ou ne pas être celles...du 30 octobre 2012

A. BOUABRE

PROCÈS DE GBAGBO: LA CPI FAIT DU SURPLACE

A la Cour Pénale Internationale, l’audience de confirmation des charges contre l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo n’a toujours pas eu lieu. Que se passe-t-il à La Haye?
Philippe Duval – slateafrique.com
Bientôt onze mois, et une procédure toujours au point mort. L’audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo, l’ex-président ivoirien, transféré nuitamment le 30 novembre 2011 de sa prison ivoirienne de Korhogo à celle de La Haye, n’a toujours pas eu lieu. Et la CPI n’a pas encore répondu à cette question:
«Existe-il des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que l’ex-président ivoirien a commis chacun des crimes qui lui sont imputés dans le document de notification des charges présenté par le procureur?»
Dans un acte d’accusation produit le 16 mai dernier, l’ex-procureur de la CPI, l’argentin Luis Moreno-Ocampo, remplacé le 15 juin par la Gambienne Fatou Bensouda, avait accusé Gbagbo d’être «le coauteur indirect de meurtre, de viol et d’acte inhumain constituant un crime contre l’humanité».
Et depuis, plus rien.
Ou plutôt deux reports de la fameuse audience le 18 juin puis le 3 août, sans qu’il soit fixé une autre date. Et ensuite, une autre séance les 24 et 25 septembre, cette fois pour examiner à huis clos l’état de santé de l’accusé et le rapport de trois experts qui l’avait ausculté sous toutes les coutures.
Et, quatre semaines plus tard, on ne sait toujours pas si Laurent Gbabgo est assez costaud pour affronter un procès de dix jours, en admettant que les accusations de Moreno-Ocampo aient été confirmées par la Cour. A un journaliste du quotidien ivoirien Nord-Sud qui s’impatiente, les services du Procureur répliquent que «les juges n’ont pas encore rendu leur décision et le feront en temps voulu. Il n’y a pas de délai limite dans les textes pour que la Chambre décide de cette question et donc pas de certitude quant au délai.»
Pour clore cette longue séance de surplace, voilà maintenant une autre audience le 30 octobre. Les statuts de la Cour prévoient que tous les prévenus doivent comparaître au moins une fois par an (la première et dernière comparution de Laurent Gbagbo date du 5 décembre 2011) et que leur demande de remise en liberté provisoire doit être réexaminée tous les cent vingt jours (une requête en ce sens a fait l’objet d’un rejet le 5 juillet 2012).
Les crimes ont été commis par les deux camps
Donc, deux raisons pour l’argentine Silvia Fernandez de Gurmendi, la juge unique de la Chambre préliminaire, d’examiner à nouveau le cas Gbagbo. Une séance prévue avec un timing très précis, trente minutes pour les observations du procureur, vingt minutes pour le représentant des victimes et trente minutes pour la défense, représentée par l’avocat français Emmanuel Altit.
Soit quatre-vingt minutes au total avec à la clé la question du maintien en détention ou de la libération de l’ex-président ivoirien. Qui sera, elle aussi, mise en délibéré pendant au moins une semaine. Ensuite, sauf coup de théâtre, on repartira pour un nouveau cycle de cent vingt jours, pour encore et toujours, gagner de temps dans un dossier fortement «encalminé» par des interférences politiques… Pour deux raisons :
1. Même les partisans de Ouattara le reconnaissent, en Côte d’Ivoire, les crimes ont été commis par les deux camps. Or, le nouveau président ivoirien refuse de livrer à la CPI ceux de ses soutiens, accusés, eux aussi, de crimes contre l’humanité. La juridiction internationale de La Haye ne peut donc juger le seul Gbagbo sans encourir une accusation de partialité.
2. La CPI est une juridiction autonome mais son indépendance s’arrête aux portes du conseil de sécurité de l’ONU dont elle est, selon ses détracteurs, le bras armé. C’est une évidence dans le cas syrien où des crimes à grande échelle sont commis en toute impunité sans que la juridiction de La Haye puisse s’interposer. Les tentatives de certains pays comme la France visant à associer la CPI au règlement de la crise syrienne sont «dépourvues de tout fondement juridique», vient de déclarer le ministère russe des Affaires étrangères.
Pour la Russie, qui possède comme la France un droit de veto au Conseil de sécurité, le tribunal de La Haye «ne doit ni devancer les actions du Conseil de sécurité, ni adopter de décisions allant à l’encontre de ces actions. Cela signifie que la prérogative du Conseil de sécurité en matière de droit international ne doit pas être remise en cause». On ne saurait être plus clair.
Dilemne de l’ONU face au cas ivoirien
Dans le cas ivoirien, la France de Nicolas Sarkozy a joué, avec son ambassadeur à l’ONU, Gérard Araud, un rôle moteur dans le dénouement du conflit post-électoral dont l’envoi de Gbagbo à La Haye est l’un des actes. Sans que la Russie et la Chine ne se mettent en travers de son chemin.
Dix-huit mois après l’arrivée de Ouattara au pouvoir, le Conseil de sécurité de l’ONU s’interroge. S’il décerne un satisfecit à Ouattara en constatant que «l’économie de la Côte d’Ivoire est en train de se redresser», il constate que «ce tableau positif ne doit pas occulter le fait que le pays continue de faire face à des difficultés et à des menaces importantes qui entravent ses efforts de transition vers la consolidation de la paix».
Le diagnostic date de juillet mais, depuis, la situation sécuritaire s’est encore aggravée avec, ces derniers jours, l’attaque d’une centrale thermique perpétrée par des éléments des Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), la nouvelle armée mise sur pied par Ouattara. Des affrontements armés se sont aussi produits à Abobo, dans la banlieue d’Abidjan, entre FRCI et Dioulas (commerçants ambulants d’Afrique occidentale) menacés de déguerpissement.
Deux leaders du FPI (Front populaire ivoirien), le parti de l’ex-président, ont été récemment emprisonnés tandis que de nombreux de ses proches (dont son épouse Simone et son fils Michel) croupissent sans jugement dans des prisons du nord du pays depuis dix-huit mois.
Un rapport fourre-tout et confus
Les prix flambent et la pauvreté s’accroît. Le processus de réconciliation est en panne, les pro-Gbagbo refusant d’y participer tant que leur leader reste emprisonné à La Haye. Dans un rapport de 44 pages destiné au président du Conseil de Sécurité de l’ONU, un groupe d’experts indépendants dresse un constat alarmant de la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire. Avec quelques approximations et non-dits.
Ces enquêteurs notent que les exilés pro-Gbagbo se réunissent régulièrement, disposent de comptes en banque, se structurent et s’entraînent pour mener des actions sur le territoire ivoirien. Sans apporter la moindre preuve qu’ils soient les auteurs de la vingtaine d’attaques meurtrières menées depuis avril.
Les experts font aussi état de contacts entre Ansar Dine, l’organisation islamiste qui sème la terreur dans le nord Mali, et partisans de l’ex-président. A l’appui de leurs accusations, ils affirment qu’un responsable d’Ansar Dine aurait rencontré un membre du réseau politique et militaire mis en place pour déstabiliser le régime Ouattara. En hésitant sur l’identité de ce pro-Gbagbo qui aurait ensuite échangé des «messages courts» avec les fous de Dieu.
Le rapport fourre-tout et confus, qui mélange des faits antérieurs et postérieurs à la crise post-électorale, s’attarde assez longuement sur les violations de l’embargo sur les achats d’armes qui auraient été commises par le régime Ouattara. Souvent par le biais du Burkina-Faso de Blaise Compaoré.
Il dénonce aussi les trafics d’or, de diamant, la contrebande de cacao et de noix de cajou, les exactions menées par des éléments FRCI incontrôlés, notamment dans le nord du pays. Bref, il accrédite l’idée que Ouattara n’y arrive pas et que, sans un vrai processus de réconciliation incluant les pro-Gbagbo, la Côte d’Ivoire risque de rechuter.
Une évidence qui ne saurait échapper très longtemps aux membres du Conseil de Sécurité de l’ONU.

Philippe Duval