Audience du 18 juin: Gbagbo sort son joker
Le 28 avril 2012 par Le Nouveau Courrier - Gbagbo va faire une demande de mise en liberté.
Du nouveau du côté de La Haye. On en sait un peu plus sur la stratégie de défense du président Gbagbo qui comparaitra le 18 juin prochain devant le tribunal de la Cour pénale internationale (CPI) pour l’audience de confirmation de charges.
Le 28 avril 2012 par Le Nouveau Courrier - Gbagbo va faire une demande de mise en liberté.
Du nouveau du côté de La Haye. On en sait un peu plus sur la stratégie de défense du président Gbagbo qui comparaitra le 18 juin prochain devant le tribunal de la Cour pénale internationale (CPI) pour l’audience de confirmation de charges.
Selon nos informations, ce sera avant le 18 juin prochain. Incarcéré à la prison de Scheveningen, aux Pays-Bas, dans le cadre de la procédure ouverte contre lui par le procureur de la Cour pénale internationale – Louis Moreno-Ocampo, qui sera bientôt remplacé par son adjointe Fatou Bensouda –, le président Laurent Gbagbo va faire une
demande de mise en liberté provisoire avant l’échéance de la très attendue audience de confirmation des charges.
«C’est un homme qui a subi des traitements assimilables à de la torture à Korhogo, il a été maltraité au-delà de l’imaginable. L’ONU le savait, la France le savait, les Etats-Unis le savaient, et la CPI le sait. Cette institution doit montrer qu’elle n’approuve pas ces traitements qui l’ont profondément affaibli aux points de vue physique et psychologique, et elle doit créer les conditions optimales pour lui permettre de récupérer. La procédure est longue, et c’est dans l’intérêt de la CPI de maintenir en forme le président – qui n’est pas encore accusé encore moins reconnu coupable», explique un membre de sa «task-force» juridique.
Cette demande de mise en liberté provisoire sera-t-elle acceptée par les juges ? Difficile à dire. D’une certaine manière, le contexte général – justice des vainqueurs, refus du régime Ouattara de livrer ses hommes et manoeuvres partisanes d’Ocampo – joue en faveur de Gbagbo. Lui accorder la liberté provisoire recrédibiliserait quelque peu sur le continent une institution considérée par beaucoup comme un bagne uniquement réservé aux Africains «récalcitrants».
Cela dit, les facteurs politiques sont prédominants dans ce type de dossier. La France et les Etats-Unis, qui ont surinvesti sur leur allié Ouattara et connaissent sa fragilité, voudront sans doute éviter de donner une victoire psychologique à son opposition. Même si Laurent Gbagbo est loin d’être un chef de guerre, et que c’est bel et bien sa présence à La Haye qui peut hystériser ses partisans et entraver le processus de paix.
Quel pays accepterait d’accueillir le fondateur du FPI ? L’on se souvient que, par exemple, la CPI a accordé une mise en liberté provisoire au Congolais Jean- Pierre Bemba en 2009 avant de se rebiffer en appel, en mettant notamment en avant la difficulté à trouver un pays d’accueil – les pays pressentis s’étant rebiffés et la République démocratique du Congo ayant refusé de le recevoir. On peut penser que Gbagbo conserve tout de même quelques solidarités à l’étranger, contrairement à Bemba… Mais son habileté politique, sa prise de parole qui peut faire mal et son aura auprès des Africains le rendent tout de même dangereux pour la «coopérative des puissants», au-delà de la personne d’Alassane Ouattara.
Comment le bureau du procureur de la CPI veut «coincer» Gbagbo
Par ailleurs, on en sait un peu plus sur la stratégie du duo Ocampo-Bensouda pour «coincer» le «réprouvé de Scheveningen». Partis avec la certitude que le dossier Gbagbo serait un dossier facile, bercés de fausses assurances sur les «preuves en béton» de la France et de Ouattara, ils se rendent progressivement compte qu’ils peuvent perdre leur procès. Ils axent toute leur stratégie sur leurs complicités douteuses avec le régime Ouattara. Il est question de faire parler les «ralliés» au nouveau régime, qui «vendront» leur ancien bienfaiteur contre quelques témoignages orientés – et pourquoi pas imaginaires… Il est également question de faire «craquer», par l’arme de la torture, un général ou du moins un officier supérieur en vue lors des années Gbagbo, et aujourd’hui traité dans les pires conditions dans un des mouroirs du régime, comme celui de Korhogo, tenu par Fofié Kouakou, considéré comme un criminel contre l’humanité par l’ONU –qui l’a soumis à des sanctions pour cette raison.
Habilement «retourné», rassuré par un «deal» sur une peine d’emprisonnement «light» puis transféré à La Haye, un tel pion viendrait établir une relation directe entre Gbagbo et les exactions qu’on lui imputerait, en jouant «le témoin-clé qui a tout vu et tout entendu». Un problème demeure : réussiront-ils à retourner un officier supérieur «pro- Gbagbo» par l’arme de la torture ? Serat- il «fiable» jusqu’au bout ? Craquerait-il en face du «chef» calomnié par ses soins ? Plus profondément, le choix d’Alassane Ouattara de ne pas envoyer le moindre sous-fifre de son camp à La Haye, et du coup de ne plus transférer aucun Ivoirien, brouille la stratégie du bureau du procureur. Qui, pour la première fois, n’a plus les mêmes intérêts que les actuels maîtres d’Abidjan.
Philippe Brou
nouveau courrier