Audience de confirmation des charges contre Gbagbo: Fatou Bensouda jette l’éponge !

Le 21 février 2013 par EventNews - Fatou Bensouda jette l’éponge !

L’audience de confirmation des charges retenues contre le président Laurent Gbagbo se tient en ce moment à la Haye et s’étend du 19 au 28 février 2013.
Les débats se déroulent tous les jours ouvrables de la semaine et durent 4 heures (14h30 à 18h30) en général, avec des subdivisions de trois sessions d’une heure de débat par jour et 30 mn de pause entre chaque session. Le président Laurent Gbagbo assiste en personne à l’audience depuis l’ouverture avec un air serein et n’a toujours pas pris la parole, mais suit les contradictions et n’hésite pas à glisser des notes à ses avocats. Il est annoncé sa prise de parole le 27 et 28 février (dernier jour de l’audience).

Mardi 19 février 2013
C’est le bureau du procureur qui ouvre le bal avec la lecture des charges. Les quelles charges sont contenues dans le document de notification des charges et remis aux autres parties le 17 janvier 2013.
Selon l’accusation (procureur), le président Laurent Gbagbo est poursuivi devant la CPI pour des crimes contre l’humanité. Ces crimes auraient été commis entre le 28 novembre 2010 et le 12 avril 2011 et auraient été perpétrés lors de quatre évènements que sont : L’attaque liées aux manifestations devant le siège de la RTI (du 16 décembre 2010) ; L’attaque lancée lors d’une manifestation de femmes d’Abobo (3 mars 2011) ; Le bombardement du marché d’Abobo et ses environs (17 mars 2011) ; et le massacre de yopougon ( 12 avril 2011).
Pendant tous ces évènements, le président Laurent Gbagbo aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle. Il devra donc répondre de 4 chefs d’accusations en tant que co-auteur indirect :
Chef 1 : Meurtre de 166 personnes
Chef 2 : Viol de 34 femmes
Chef 3 : Actes inhumains contre 94 personnes avec tentative de meurtre
Chef 4 : Persécution pour motif politique, ethnique, religieux contre 294 personnes.
Le bureau du procureur allèguera aussi que le président Laurent Gbagbo est responsable des actes qu’auraient commis ses proches appelés « pro-Gbagbo » dans l’affaire et que sont : Les FDS, les jeunes patriotes, les forces pro-gbagbo mixtes ou miliciens. Pour cela il devra répondre pour les mêmes chefs d’accusation cités plus haut.
A la suite du procureur, la juge présidente, Silvia Fernandèz De Gurmendi reprit la parole pour faire des précisions : « Cette audience n’est pas un procès, ni un mini procès. C’est une audience qui doit déterminer si oui ou non il peut y avoir un procès ».
Elle annoncera que le président Laurent Gbagbo pourrait s’il le souhaite se reposer pendant les pauses.
Après cette brève précision, la parole a été donnée à Me Emmanuel Altit (avocat principal de Gbagbo) pour son exposé sur sa requête concernant l’irrecevabilité de l’affaire et formulée à quatre jours de l’ouverture de cette audience.
Pour cet exercice, c’est le professeur de Droit pénal international, Dove Jacobs qui a été mis à contribution.
Il s’étalera sur la question de la complémentarité dans cette affaire entre cette procédure et le comportement de l’état ivoirien. « Il y a-t-il eu enquête en Côte d’Ivoire ? L’état ivoirien était-il capable ou non ou en avait-il la volonté ? » S’est interrogé l’équipe de défense, faisant allusion à l’article 17 du Statut de Rome : « Une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque : L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuite de la part d’un Etat ayant la compétence en l’espèce, à moins que cet état n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites… ».
Pour la défense, le président Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril 2011 a passé 8 mois en détention arbitraire à Korhogo avant son transfèrement à la Haye, le 29 novembre 2011. Il n’a été mis en examen que le 18 août 2011. « Les poursuites contre le président Laurent Gbagbo ont-elles été mises fin avant son transfèrement » ? A interrogé le professeur Jacobs. Avant de dire que le prétendu crime économique pour lequel l’état ivoirien poursuit uniquement le président Laurent Gbagbo n’est qu’un habillage.
Toujours pour la défense de Gbagbo « l’état n’est ni incapable ou n’a pas l’incapacité juridique de poursuivre son client ». Pour le prouver, la défense fera allusion au cas des prisonniers politiques détenus dans le nord de la Côte d’Ivoire et rappelle que l’état ivoirien lui-même n’hésite pas à proclame qu’il est apte donc capable à les poursuivre en Côte d’Ivoire. En l’occurrence Simone Gbagbo ou encore Charles Blé Goudé, deux personnages cités par le procureur comme étant les co-auteurs du président Gbagbo.
La défense poursuit sa démonstration en expliquant qu’il y a eu bien une coopération entre l’ONUCI, la France et l’Etat de Côte d’Ivoire. A peine ce volet abordé qu’il sera interrompu par le bureau du procureur qui estime que la, défense va vite en besogne et qu’il ne s’agit pas d’une déclaration liminaire qui sera à l’ordre du jour les jours suivants. Me Altit, reprendra la parole pour soutenir son substitut, qui reprit à son tour la parole pour demander que cette audience soit repousser. Il (Jacobs) fera pour finir des commentaires sur cette coopération. « Comment cela se fait que ni l’ONUCI, ni la France, qui sont parties prenantes dans cette crise ivoirienne n’aient aucune image des 4 évènements mentionnés par le bureau du procureur ? » Enfin, selon la Défense, pour toutes ces raisons citées plus haut, la juge présidente doit déclarer cette affaire irrecevable et permettre au président Gbagbo d’être jugé en Côte d’Ivoire.
Après le plaidoyer de la Défense, ce fut au tour du bureau des représentants des victimes de faire ses observations sur cette question d’irrecevabilité. Celui-ci contestera les arguments de la défense et affirmera que la défense utilise cette technique pour faire retarder l’audience de confirmation des charges. « Nous reconnaissons que les mêmes crimes font l’objet de poursuites en Côte d’Ivoire, mais rien ne nous indique que l’état ivoirien peut juger ces crimes ».
Quant au procureur, il soutient que son bureau était disposé à intercéder auprès des autorités ivoiriennes si la défense l’avait souhaité afin que celle-ci ait accès à certaines informations.
En réaction à toutes ces observations, Me Altit déclare : « Il ne s’agit pas de technique pour retarder quoi que ce soit, mais il s’agit de Droit essentiel pour une procédure équitable ».
A la fin de ces échanges, la juge présidente et son équipe se retirent et rendre le verdict suivant : « La chambre préliminaire I refuse d’ajourner l’audience. Concernant le document de notification des charges, la chambre se prononcera au moment du verdict de l’audience de confirmation. Concernant la coopération, la chambre estime qu’il n’y a pas de base légale pour établir une quelconque connexion entre l’ONUCI-la France et l’Etat ivoirien…Pour cela cette audience va se poursuivre ».
Cette décision prise en moins de 5 minutes ouvrira véritablement l’audience de confirmation des charges. Ce qui donnera droit à la procureure Fatou Bensouda de faire sa déclaration liminaire. « M. Gbagbo a renoncé au processus électoral démocratique pour recourir à la force afin de se maintenir au pouvoir » a-t-elle introduit avant de poursuivre : « Dans cette affaire, il ne s’agit pas de qui a gagné ou perdu les élections. Il s’agit d’une affaire politique. Et cette affaire doit être un message en direction de tous les chefs d’états qui voudront s’éterniser au pouvoir par la force ».
Après cette brève allocution, elle passera la parole à son premier substitut, Eric Mc Donald qui reviendra sur les quatre évènements incriminés sans rentrer dans les détails. Les faits ne seront exposés que le lendemain (mercredi 20 février, ndlr).
Il est 18h45 lorsque la juge présidente mis fin à l’audience de cette première journée.
Coulisses : Il faut retenir que durant toute l’audience le président Gbagbo était très attentif, même s’il se levait par moment pour aller aux toilettes. Il a pris beaucoup de notes, avec des lunettes de Gandhi. Il a aussi beaucoup communiqué par des signes avec l’avocate Habiba Touré assise dans la salle VIP réservée aux journalistes et diplomates. Il a à chaque reprise de session fait des signes de salutation aux proches qu’il reconnaissait parmi l’assistance en salle VIP.
A l’extérieur, les manifestants pro-Gbagbo qui avaient été confinés au jardin Maliwelt le matin ont fini par revenir devant la CPI vers 13h, juste après l’entrée du fourgon de Gbagbo à la CPI. Ils ont été dispersés peu avant la fin de l’audience et bien avant le retour de Gbagbo dans sa cellule de Scheveningen.

Mercredi 20 février 2013.
Au deuxième jour de l’audience, non seulement le bureau du procureur a fait des remplacements au sein de son équipe, mais il annoncera que la procureure Fatou Bensouda sera absente durant le reste de la phase de l’audience sans donner plus de détails sur cette absence alors que le bureau du procureur entame son grand oral qui durera jusqu’au vendredi 22 février.
La Chambre préliminaire a rendu hier mercredi 20 février une courte ordonnance concernant la conférence de mise en état sur la procédure de mise en liberté provisoire du président Laurent Gbagbo : « Toutes les parties ont jusqu’au 5 mars pour déposer leurs observations sur la procédure de mise en liberté provisoire de M. Gbagbo qui n’est plus loin ». Il faut rappeler que cette procédure est révisée tous les 120 jours selon l’article 122 des Règles de procédure du statut de Rome.
Nous reviendrons dans nos prochaines publications sur la déclaration liminaire du bureau des victimes et l’exposé des Faits du bureau du procureur qui ont sanctionnés cette deuxième journée de l’audience de confirmation des charges. Mais déjà il faut savoir que le président Gbagbo a encore beaucoup communiqué avec ses avocats par des petites notes et ses quelques partisans par des gestes à travers la belle vitrée qui les sépare sans s’entendre (environ une petite dizaine décidée à suivre l’audience au moins jusqu’à la fin de cette semaine). A une question de Abel Naki (cri panafricain) qui était visiblement ému de voir le président Gbagbo assis pendant toute l’audience et à qui il semblait demander s’il reviendrait demain (jeudi 21, ndlr), le président Gbagbo semblait lui répondre par l’affirmative avec de grands gestes.
Le président Gbagbo a beaucoup félicité Me Altit à la fin de l’audience.

Philippe KOUHON/ Envoyé spécial à la Haye (Eventnews Tv)