Après plus de 20 jours d’affrontements entre FRCI et miliciens - Yopougon, au coeur d’une commune à deux visages

Publié le jeudi 5 mai 2011 | L'intelligent d'Abidjan
Yopougon la joie serait-elle devenue Yopougon la guerre? Les Forces républicaines qui ont gagné du terrain dans l’opération de

pacification se trouvent confrontées à des poches de résistance dans certaines zones réputées favorables à l’ex-président. Si dans les parties libérées de la commune Nord, Est, Ouest et Centre, la vie a repris, ce n’est pas le cas dans la partie Sud qui se vide de ses populations et s’est transformée en champs de bataille. Découverte des décombres d’une commune à deux visages. Reportage.

Yopougon: Ville fantôme! Une rue en zone industrielle.

Publié le jeudi 5 mai 2011 | L'intelligent d'Abidjan
Yopougon la joie serait-elle devenue Yopougon la guerre? Les Forces républicaines qui ont gagné du terrain dans l’opération de

pacification se trouvent confrontées à des poches de résistance dans certaines zones réputées favorables à l’ex-président. Si dans les parties libérées de la commune Nord, Est, Ouest et Centre, la vie a repris, ce n’est pas le cas dans la partie Sud qui se vide de ses populations et s’est transformée en champs de bataille. Découverte des décombres d’une commune à deux visages. Reportage.

Partagée entre le désespoir de la population qui fuit les combats dans une partie de la commune et l’autre qui retrouve la sérénité et qui se remet au travail, notre équipe de reportage a fait le constat de deux mondes, de deux cités à l’intérieur de Yopougon. Une cité de la joie avec une population qui retrouve ses habitudes des jours d’avant la crise postélectorale et une autre en guerre avec une population apeurée et sous le choc, parcourant les rues avec des baluchons sur la tête à la recherche d’un abri paisible. Ce sont ces files indiennes d’habitants fuyant les combats que nous rencontrons au niveau de la Siporex et Sable à l’entrée de Yopougon. Ceux qui ont plus de moyens empruntent des ‘’Gbagkas’’ et taxis-compteurs pour quitter la commune. Les plus chanceux sont ceux qui ont des parents, amis ou connaissances qui viennent les chercher en voiture. Une scène qui nous rappelle celle de la vague des déplacements des populations d’Abobo vers d’autres communes du district d’Abidjan et villes de l’intérieur du pays. « Je suis obligé de partir avec ma famille à Koumassi chez un cousin, le temps pour moi de rentrer à San-Pedro. Tous mes voisins sont partis et les morts par balles perdues se comptent par dizaines. Nous avons peur pour notre vie et celle de nos enfants », confie l’un des déplacés rencontré au niveau de la Pharmacie Bel air du côté de la Rue Princesse. Une rue, jadis très animée, qui n’attire plus grand monde. Nous avancions quelques 2 kilomètres pour nous retrouver au quartier camp militaire. Un passant nous fait signe de faire marche-arrière. Sur notre insistance de lui arracher quelques mots, il nous dira que la zone de nouveau quartier qui abrite l’escadron de gendarmerie est sous les feux des combats. Selon lui, les éléments des FRCI qui ont pris le contrôle des lieux font un ratissage. Sur ce, on fait un détour pour nous retrouver au niveau du tribunal de Yopougon. Non loin de là, des détonations d’armes légères et d’armes lourdes sont entendues dans les environs des quartiers précaires Kpinbly et Niangon-continu. Nous nous rendons à Niangon. Une fois sur le pont qui relie Sideci à Niangon, nous sommes dans l’obligation de faire demi -tour à cause de l’intensité des tirs d’obus et de roquettes. Femmes, hommes, jeunes et enfants couraient dans tous les sens. Nous obtenons la réaction d’un sexagénaire essoufflé par la distance parcourue. « Vous-même vous voyez que c’est gâté à Niangon-continu et Kpinbly. Les militaires tirent sur les miliciens et mercenaries qui les attaquent aussi », fait-il savoir. Balluchon sur la tête en compagnie de ses deux enfants, dame Ziaé Madeleine vient de franchir la zone rouge en dépit des combats qui font rage à Kpinbly, un quartier situé entre Azito et Kouté village. «Mon frère, mes enfants et moi avons frôlé la mort à Kpinbly. Habituellement je leur demande de rester au salon et de rester couchés quand les combats commencent. Mais hier (ndlr mardi 3 Mai 2011), c’est dans le salon que nous avons reçu les balles qui ont transpercé notre porte. Nous allons dans la chambre et c’est un obus qui nous reçoit. Mon frère, Dieu est avec moi et mes enfants. Nous allons à la Gesco chez notre grand frère, le temps que notre quartier soit pacifié», raconte-t-elle avec une voix tremblante. Nous retournons sur nos pas pour nous rendre au 16ème arrondissement de police pour interroger le commissaire des lieux qui ne nous fait pas de difficultés de nous donner la situation exacte des combats et de rassurer que tout se passe pour le mieux pour libérer entièrement la commune de Yopougon. Notre brève rencontre avec le nouveau commissaire hier a permis de mesurer l’ampleur des combats. ‘’Les combats continuent du côté de la base navale de Lokodjro mais au plan général, Yopougon est bouclée par les Frci en attendant le grand ratissage. Ce ratissage consistera à débusquer les caches d’armes. Les miliciens qui ont pu s’échapper ont attaqué nos positions à Dabou. Et au moment où je vous parle, ils ont aussi surpris nos hommes à Grand-Lahou où des combats ont lieu en ce moment. Ce sont pour la plupart des mercenaires libériens qui cherchent à rallier leur pays le Libéria. Ils ont même arraché plusieurs véhicules qui sont en leur possession. Nous avons envoyé donc des détachements en direction de Dabou et de Grand-Lahou’’, a confié le commissaire Lézou. Autre fait qui a attiré notre attention, ce sont des témoignages de certaines personnes qui ont perdu des parents mais dans l’impossibilité de récupérer les corps, ont été obligés de les ensevelir à l’intérieur des résidences quitte à les exhumer plus tard pour leur transfert dans le cimetière municipal. «Mon mari a été tué par les éclats d’un obus lors des combats dans le quartier Doukouré. Son corps est resté pendant plus de deux jours sur la route. On m’a dit que si le corps n’est pas enlevé, des gens vont mettre le feu dessus. Nous étions obligés de faire l’enterrement dans une cour», nous relate la veuve. Dans les quartiers tels que Siporex, Port-Bouët 2, Banco2, Gesco, Andokoi, Maroc, Académie, Sicogi, Sogefiha et Niangon-Nord, la vie renaît petit à petit. Quelques taxis et véhicules de transport en commun ‘’Gbaka’’ circulent jusqu’à la Sideci. Des maquis ont même fait leur réapparition avec des chansons zouglou. On boit, on danse, on…renoue avec les vieilles habitudes. Les pantalons taille basse qui avaient entre-temps disparu sont de retour. C’est le show…dans la grande partie nord de la commune. « Au début, on avait subi ces mêmes affrontements, mais les Forces Républicaines ont vite libéré notre quartier et la quiétude est revenue », témoigne un habitant du quartier Ananeraie rencontré sur la voie qui relie le quartier Maroc à celui de Niangon Nord à droite. Nous avons surpris des enfants faire une partie de jeu sur un terrain nu de football du quartier Maroc. Preuve que la situation est à la normale là-bas. Un marchand ambulant de produits cosmétiques dira même que tout se passe bien. «Dans les quartiers de Port-Bouët 2 jusqu’à Niangon Nord, tout est calme. C’est l’armée régulière qui fait des patrouilles».
Reportage réalisé par P. Pohé et D.Villard