Analyse et commentaire / La Côte d’Ivoire veut enfin ratifier le Statut de Rome sur la CPI / Des LMP exultent : ‘‘Gbagbo sera libéré et Soro bientôt arrêté’’

Le 28 septembre 2012 par L'INTELLIGENT D'ABIDJAN - Aucun geste ni acte politique n’est innocent. Il obéit et répond toujours à de nombreuses interprétations. Ainsi en est-il de la décision du gouvernement ivoirien de procéder à la ratification du Statut de Rome,

Juges de la CPI.

Le 28 septembre 2012 par L'INTELLIGENT D'ABIDJAN - Aucun geste ni acte politique n’est innocent. Il obéit et répond toujours à de nombreuses interprétations. Ainsi en est-il de la décision du gouvernement ivoirien de procéder à la ratification du Statut de Rome,

portant statut de la Cour Pénale internationale. La ratification du Statut nécessite une modification de la Constitution ivoirienne, au 2/3 des voix, selon l’article 125 de la Constitution en ce que les dispositions concernées n’ont rien à voir avec l’élection présidentielle, ni les pouvoirs du Président de la République, pour la modification desquelles un referendum n’est pas nécessaire. Si les défenseurs des droits de l’homme semblent satisfaits, dans les états-majors politiques, les interprétations varient.
La ratification du Statut de Rome tout comme la ratification ou l’adhésion de la Côte d’Ivoire à l’Onu, à l’Union Africaine, à la Cedeao et autres organisations internationales tombent sous le coup de l’article 87 de la Constitution ivoirienne, dès lors que les conditions des articles 84, 85 et 86 sont remplies. Et que dit l’article 87 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque Traité ou accord, de son application par l’autre partie».
En son temps, la justice ivoirienne avait dit, qu’elle n’avait pas dans son arsenal pénal et juridique, les instruments et éléments nécessaires pour poursuivre et juger l’ex-président ivoirien, selon les qualifications retenues par le Statut de Rome et la Cour Pénale internationale. Question: si le Statut est ratifié, la Côte d’Ivoire, peut-(doit) elle exiger le retour de Laurent Gbagbo, pour le juger en territoire ivoirien, surtout que les avocats de l’ex-chef de l’Etat mettent en cause la compétence de la CPI, avant même tout débat de fond sur la qualité de co-auteur sans la présence des auteurs et coupables présumés. Le dossier est aujourd’hui en appel, et devrait aller vers d’autres juridictions supérieures si nécessaires. Quels sont les arguments des avocats de l’ex-président ? Selon eux, la lettre de Laurent Gbagbo datée de 2003, reconnaissant la compétence de la CPI était une lettre limitée dans le temps, ne pouvant pas permettre de mener une enquête pour des événements ne pouvant être prévus à l’époque et intervenus 7 ans plus tard, lors de la crise postélectorale de 2010. Ensuite, la lettre écrite par le Président Alassane Ouattara le 3 Décembre 2010 ne pouvait pas, selon eux, engager l’Etat de Côte d’Ivoire puisqu’à cette date, le président élu (selon l’Union Africaine) n’était pas encore régulièrement investi. Mieux la seconde lettre écrite en Mai 2011, a été adressée, selon les avocats de Laurent Gbagbo, à la Cour 48 heures avant l’investiture du Président Alassane Ouattara par le Conseil Constitutionnel dirigé encore par Paul Yao Ndré. Les avocats de la défense ajoutent que malgré ces faits qui constituent à leurs yeux, des anomalies et irrégularités, le Bureau du Procureur, de façon illégale, avait déjà commencé à mener sans aucun mandat régulier une enquête et une coopération avec les autorités du gouvernement Ouattara. Maître Altit Emmanuel met en avant ces arguments pour obtenir des vices de procédures et déclarer la Cour incompétente. La défense a été déjà déboutée une première fois, mais elle a fait appel.
De l’eau au moulin?
La procédure de révision de la Constitution ivoirienne pour une ratification par le Président de la République ne vient-elle pas apporter l’eau au moulin des partisans de l’ex-président ? S’agit-il simplement de se mettre à jour, y avait-il urgence ? Cette procédure ne peut-elle pas interférer sur le cours des débats ? Vu sous cet angle, les pro-Gbagbo applaudissent et estiment que la CPI pourrait être fragilisée et prendre acte de ce que la Côte d’Ivoire, ayant désormais tous les moyens politiques et instruments juridiques pour lutter contre les crimes de guerre, les pires atrocités et crimes contre l’humanité, rendra le détenu à son pays d’origine pour être jugé. Toutefois d’autres LMP, moins euphoriques et moins optimistes, qui ne souhaitent nullement que Laurent Gbagbo rentre en Côte d’Ivoire pour être encore devant la justice, affirment plutôt que c’est l’actuel Président de l’Assemblée nationale qui devrait se faire désormais des soucis. La Cour ayant autorisé l’élargissement des enquêtes à la demande du procureur d’une part , d’autre part, la Commission nationale d’enquête ayant indiqué que des pro-Ouattara ont commis des crimes et atrocités pour environ mille morts, le porte-parole de la CPI, ayant également indiqué qu’aucune immunité n’est opposable à la CPI, certains partisans de l’ex-chef de l’Etat jubilent à l’idée que le Président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro pourrait avoir des déboires avec la CPI. Selon les usages, la CPI intervient dans un pays non signataire du Statut de Rome, sous certaines conditions : d’abord sur saisine des Nations Unies, ensuite à la demande du pays en question, et enfin sur saisine d’un autre pays tiers signataire du Statut. Mais dans tous les cas, la CPI doit toujours pouvoir bénéficier de la coopération des Etats Parties, ou de l’Etat visé pour accomplir son travail avec efficacité. Concernant le Soudan, l’on voit bien la difficulté qu’éprouve la CPI, sans oublier le récent cas libyen, alors que le Congo tout comme la Côte d’Ivoire et le Liberia ont pleinement coopéré pour ce qui est des cas Jean Pierre Bemba, Charles Taylor, Laurent Gbagbo.
L’agenda des députés ivoiriens
Au delà de toutes ces questions, il faut aussi s’interroger sur l’agenda de la représentation nationale ivoirienne. La session qui s’ouvre le 3 Octobre 2012 est une session dite budgétaire, même si des dossiers relatifs aux élections municipales seront présentés, ainsi que d’autres projets de lois. Le projet de loi de modification de la Constitution pour permettre la ratification du Statut de Rome adopté hier en conseil des Ministres, sera-t-il transmis à la session qui démarre la semaine prochaine à Yamoussoukro , ou bien faudra-t-il attendre avril 2013,ou même plus tard ? Le débat déjà ouvert est relancé. Tandis que les pro-Gbagbo exultent et dansent, il faut également noter la réaction des partisans du gouvernement qui saluent la tenue d’une autre promesse faite par Alassane Ouattara, et ils y voient le signe de son engagement à lutter sans crainte contre toutes les formes d’impunité. Ils rappellent que durant dix ans, Laurent Gbagbo avait eu l’occasion de procéder à la ratification du Statut de Rome, mais, déplorent les pro-Ouattara, l’ex-chef de l’Etat avait fait le choix des petits arrangements politiques entre amis, pour passer par pertes et profits, les nombreuses exactions commises de part et d’autre de 2000 à 2010, avant même la crise postélectorale.
Charles Kouassi

APRES DEUX JOURS DE HUIS CLOS A LA HAYE : L’ETAT IVOIRIEN DÉCLARE LA CPI INCOMPÉTENTE A JUGER GBAGBO

Par AUJOURD'HUI - Est-ce une gaffe pour le moins inédite ou un simple souci d’affronter la réalité face à la polémique qui atteint jusqu’au cœur la CPI elle-même ?
En tout cas, la présidence ivoirienne a promis hier d’appeler officiellement à la ratification du traité de Rome instituant la CPI au risque d’ajouter sa voix à celles des avocats de Gbagbo qui affirment depuis plusieurs mois que Gbagbo ne peut pas être jugé par elle parce que la Côte d’Ivoire ne l’a pas ratifié ?
Selon un communiqué de la présidence ivoirienne, le gouvernement va demander au parlement de ratifier le traité de Rome instituant la cour pénale internationale. Une telle décision n’est pas sans conséquence avec ce qui se passe actuellement à la cour pénale internationale où un huis-clos bien gardé autour du cas Gbagbo a eu lieu du 24 au 25 septembre, soit deux jours plus tôt. Les avocats du président Gbagbo qui ont été entendus à cette occasion plaident depuis longtemps la relaxe pure et simple de leur client parce que la CPI est incompétente pour deux raisons fondamentales. A savoir les mauvais traitements infligés au président Gbagbo qui deviendrait, du coup, inapte à être jugé par la CPI et l’absence de ratification qui ne permet pas à la CPI de garder Gbagbo dans ses prisons.
Jusque-là, la CPI avait allégué qu’elle était compétente pour juger le président Gbagbo en raison d’un courrier que celui-ci lui avait envoyé en 2002 pour demander d’enquêter sur les crimes de cette année-là. Mais la CPI avait aussi estimé que le fait que Ouattara qui lui ait envoyé un autre courrier depuis son QG du Golfe Hôtel est un autre acte de reconnaissance tacite. C’est finalement cette partie de la polémique que la décision de la présidence ivoirienne referme. Car elle montre que la Côte d’Ivoire n’a jamais ratifié le traité. Or comme la loi n’est pas rétroactive, c’est-à-dire qu’elle ne s’applique pas aux délits qui avaient été commis avant qu’elle ne soit créée, cette ratification officielle qui fait entrer le traité dans le champ des lois ivoiriennes ne peut pas s’appliquer au président Gbagbo. C’est donc un coup de pouce inespéré pour le camp Gbagbo et particulièrement pour ses avocats qui s’évertuent depuis de longs mois à l’expliquer aux juges de la CPI. Désormais, celle-ci ne peut plus continuer à harceler le président Gbagbo sans se discréditer et faire penser à un sordide règlement de comptes de la communauté internationale.
Joseph Titi

CPI- LES DESSOUS DU HUIS CLOS: POUR LAURENT « C’EST MAMA OU RIEN »
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Par IVOIREBUSINESS – Le huis clos des 24 et 25 septembre du procès du Président Laurent Gbagbo à la CPI, commence à
livrer ses secrets. Selon nos sources, cet huis clos a fait pataquès. Il a accouché d’une souris, et toutes les parties se sont quittées dans le brouillard le plus total, sans aucune date pour le prochain procès.
Les temps ont beaucoup changé depuis que Laurent Gbagbo est arrivé à la CPI le 30 novembre 2011, dépeint alors comme le dictateur le plus dangereux au monde, l’homme qui s’arcboutait au pouvoir, au point d’avoir commis des crimes de sang, des crimes économiques et génocides, rien que pour se maintenir au pouvoir.
Puis après, devant la mobilisation exceptionnelle en sa faveur et la mise à jour de nouvelles preuves, la Cpi a reconnu qu’en fait, c’était un homme très populaire dans son pays, et même en Afrique et dans le monde, au point de lui refuser la liberté provisoire comme demandé par son avocat, Me Emmanuel Altit. Pour la Cour, beaucoup de gens puissants pouvaient cacher Gbagbo afin qu’il ne se présente pas à son procès. Bizarre pour un homme qui est resté au palais présidentiel sous les bombes françaises.
Aujourd’hui on parle avec insistance de sa libération, avec ou sans condition. En fait, c’est Laurent Gbagbo qui semble poser désormais ses conditions à la CPI.
DURANT CES DEUX JOURS DE HUIS CLOS, on a essentiellement parlé de la santé du Président Laurent Gbagbo et de sa libération sous condition, vers une terre d’exil comme l’Ougnda, la Zambie ou l’Angola. En effet, l’état de santé du président Gbagbo inquiète plus d’un car il a été torturé puis empoisonné pendant plusieurs mois au bagne de Korhogo, par le sinistre Fofié Kouakou, com’zone FRCI de la ville. Les séquelles de ses sévices corporels sont tels qu’ils sont aujourd’hui des arguments de poids pour ses avocats, afin de demander sa relaxe pure et simple.
Selon nos sources, c’est en effet ce qu’ont demandé ses avocats durant le huis clos.
Pour eux, la santé du Président Gbagbo, telle que mentionnée dans le rapport des experts médicaux, ne lui permet plus de subir un procès éprouvant qui pourrait durer plusieurs années.
Me Altit réclame donc la relaxe pure et simple de son client pour raison médicale.
Sur la question de la libération du Président Laurent Gbagbo, la CPI aurait consenti à le libérer, mais sous condition, et avec un pays d’accueil comme l’Ouganda, la Zambie, ou l’Angola.
Sur ce dernier point, le Président Laurent Gbagbo aurait été d’une fermeté sans failles: « Ce sera MAMA ou RIEN », et « Qu’on me dise enfin qui a gagné les élections », aurait-il dit. Pour rappel, MAMA est le village natal du Président Laurent Gbagbo.
Autrement dit, Laurent Gbagbo aurait posé comme préalable à sa libération, d’une part, qu’il soit accepté qu’on recompte les voix pour qu’on sache qui a gagné les élections, et que sa destination finale soit son village natal « MAMA », d’autre part.
La CPI aurait avancé des raisons de sécurité qui empêcheraient le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Le régime Ouattara ne serait pas du tout prêt à assurer sa sécurité. Les avocats de Laurent Gbagbo auraient avancé que ce sont des choses qui pourraient se discuter. Qu’on pourrait confier la sécurité de leur client à l’Angola ou à l’Afrique du Sud. Mais la CPI préfère une liberté sous condition dans un pays africain. Laurent Gbagbo aurait une fois encore tranché : « C’est MAMA ou rien ». D’où le blocage.
La cour s’est séparée sans même donner une nouvelle date d'audience.
Il faut dire que le cas Laurent Gbagbo est devenu un os dans la gorge des juges de la CPI, laquelle joue même sa survie dans ce procès.
La complexité du cas Laurent Gbagbo pousse les juges de la CPI au bord de la crise de nerf.
C’est ainsi que la juge Silvia Fernandez de Gurmendi a menacé de rendre le tablier si SORO et les hommes du camp Ouattara impliqués dans les crimes de masse en Côte d’Ivoire ne lui sont pas livrés au plus tard en DÉCEMBRE prochain.
A la Cpi, certains juges ont même mis en doute les preuves de l’ex-procureur Ocampo. C’est le cas du juge allemand Hans-peter Kaul qui s’en est pris violemment à lui.
Il l’a même ouvertement accusé de fabriquer de «fausses preuves» avec «des témoins qui ne savent rien» du tout.
Nous y reviendrons.

Christian Vabé avec Michèle Laffont, correspondante aux Pays Bas