Afrique : « un avenir meilleur nécessitera une vision stratégique sans précédent »

Par APA Afrique « un avenir meilleur nécessitera une vision stratégique sans précédent ».

Un collectif d’experts indépendants soutient que « le changement climatique, les politiques de développement mal avisées et les dépendances coloniales ont enfermé les pays africains dans des pièges perpétuels, notamment l’endettement extérieur. »

Faire de l’Afrique le continent du 21e siècle, c’est le pari d’un rapport de 89 pages intitulé « Transition juste. Une vision pour le climat, l’énergie et le développement de l’Afrique. » Sous la direction de Youba Sokona, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les auteurs présentent à cet effet « des possibilités de développement durable et collaboratif. »

Le document montre « comment le continent peut entamer une transition juste africaine » au moment où il continue de « subir les effets destructeurs du changement climatique et de nombreuses autres crises. » En outre, il explique « comment la collaboration panafricaine peut placer durablement le continent sur une nouvelle trajectoire de développement et de transition juste, en exploitant toute son énergie renouvelable, et en s’appuyant sur la souveraineté alimentaire et le développement de son potentiel. »

Dans leur analyse, fruit de plus d’une décennie de collaboration et de partage d’expériences, les auteurs sont arrivés à la conclusion selon laquelle « le changement fournit des opportunités pour que l’Afrique prenne les rênes de son avenir. » Mais, soutiennent-ils, « un avenir meilleur nécessitera forcément une vision stratégique sans précédent. Elle devra s’ancrer dans l’histoire commune de l’Afrique, correspondre à son potentiel incroyable et se déployer avec assurance. »

Poursuivant, le groupe d’experts considère que trois pièges structurels menacent l’Afrique : « l’insécurité alimentaire, les importations alimentaires et la sous-alimentation », « la précarité énergétique créée par des systèmes inadéquats, fondés sur les combustibles fossiles » et « l’échec ou l’inefficacité des stratégies industrielles. »

« Une transition vers la souveraineté alimentaire grâce à l’agroécologie », « une transition énergétique juste vers des systèmes énergétiques entièrement renouvelables et focalisés sur l’humain » et « des politiques industrielles panafricaines qui mobilisent les ressources du continent, tout en veillant sur les populations et l’environnement », voilà pour eux les solutions afin de contourner lesdits pièges.

Préfacier du rapport, William Ruto, président du Kenya, rappelle que « l’Afrique regorge de possibilités et de ressources naturelles. Le potentiel d’énergies renouvelables du continent est 50 fois plus important que la demande d’électricité mondiale anticipée pour l’année 2040. Le continent possède également plus de 40 % des réserves mondiales de minéraux clés pour les batteries et les technologies de l’hydrogène. L’Afrique compte aussi les plus vastes étendues de terres cultivables et une population jeune : 70 % de ses habitants ont moins de 30 ans. »

Malgré tout cela, estiment M. Sokona et ses pairs, « le continent restera un site où les autres puissances mondiales se disputent le contrôle des ressources, des marchés et des institutions s’il ne renouvelle pas sa vision stratégique. » Le chef de l’État kényan est du même avis : « Réaliser le potentiel du continent nécessite de nouvelles approches audacieuses, à la hauteur du défi existentiel posé par le changement climatique dont l’Afrique souffre de façon disproportionnée. Ces mesures audacieuses doivent s’accompagner d’un sentiment d’urgence aigu et éviter les écueils et pièges des trajectoires de mal-développement, qui ont autrefois retardé le continent. Reproduire les erreurs du passé en espérant obtenir de nouveaux résultats n’est pas une option. »

Messages clés

Le rapport met en relief quatre leviers afin de placer l’Afrique sur les rampes du développement. Par rapport à la souveraineté alimentaire, le document souligne que le continent, « un importateur net de nourriture », privilégie « les cultures de rente, pourtant très onéreuses et polluantes », avant de proposer l’adoption de « pratiques agroécologiques (favorisant) la souveraineté alimentaire, tout en préservant la biodiversité, les variétés et les connaissances locales. »

En ce qui concerne la précarité énergétique touchant « plus de 600 millions d’Africains », le collectif d’experts indépendants conseille « de passer outre l’infrastructure énergétique sale liée aux combustibles fossiles responsables de la pollution de la planète et du changement climatique » pour utiliser « des formes d’énergies renouvelables plus propres, économiques et souples. »

De l’avis du vice-président du Giec, « l’Afrique (qui) se trouve à un carrefour énergétique » doit « montrer au monde qu’un autre développement est possible au 21e siècle (avec la mise) en place de politiques qui accordent la priorité au renouvelable et laissent les combustibles fossiles dans le sol. »

Le rapport prône une approche industrielle panafricaine. Ainsi, les auteurs « somment les dirigeants africains de se libérer du piège postcolonial de priorisation des industries d’extraction, de la production à la chaîne simple et des exportations à faible valeur ajoutée vers des pays étrangers », et de « développer les marchés intérieurs de l’Afrique, de formuler des partenariats et relations commerciales stratégiques, selon des conditions panafricaines, afin de créer des économies d’échelle dans de nouvelles industries africaines respectueuses de la société et de l’environnement. »

Enfin, promeut le document, l’Afrique peut, et se doit, de formuler une vision de « transition juste » s’inscrivant dans une réflexion profonde quant à la signification du « développement », celui qui priorise les droits de l’Homme et le bien-être.

ID/ac/APA