Affaire « Un autre qui veut plaire au restaurant » : Ma réponse à André Silver Konan, Par Dr Léandre Sahiri
Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Affaire « Un autre qui veut plaire au restaurant ». Ma réponse à André Silver Konan, Par Dr Léandre Sahiri.
MA REPONSE A MONSIEUR ANDRE SILVER KONAN
Dans un article intitulé « UN AUTRE QUI VEUT PLAIRE AU RESTAURANT » publié ce vendredi 5 mars 2021, Monsieur André Silver Konan cite les propos de Moïse Lida Kouassi qui estime qu’un Malinké répondant au nom de Kouyaté ne devrait pas faire de la politique à Lakota, parce qu’il ne serait pas Dida.
Puis, Monsieur André Silver Konan ajoute que : « Dire "va chez toi" à un Ivoirien en Côte d’Ivoire, c’est bel et bien une injure »..., parce que, selon lui, « notre culture est faite d’hospitalité et de fraternité. La Côte d’Ivoire est un « pays d’hospitalité », une « patrie de la fraternité », comme le proclame notre hymne national. La deuxième raison, toujours selon lui, est que « cela froisse les lois de notre République.
C’est une atteinte à la dignité d’un Ivoirien, que de lui dire qu’il n’est pas digne de vivre et de faire de la politique, sur un pan du territoire ivoirien. C’est une incitation à la haine, à la
violence et cela peut provoquer des troubles à l’ordre public ».
Comme Monsieur André Silver Konan souhaite et propose que « les choses soient définitivement claires pour tous », je voudrais lui répondre ceci :
1) Aucun Ivoirien, fils authentique du pays et originaire d’une région donnée, ne saurait être offusqué, ni prendre pour injure le fait qu’on lui dise d’aller vivre et faire de la politique dans sa région pour y être le porte-parole de ses propres parents qui ont consenti des sacrifices pour son éducation et sa formation. Cet état de fait ne peut « blesser » que ceux qui ne veulent pas reconnaître ou révéler leurs vraies origines ou statuts de fils d’immigrés, ceux qui n’ont, sur le territoire ivoirien, aucune région d’origine, et se trouveraient donc d’emblée hors compétitions électorales.
2) Pour nous Africains, c’est hélas ! bien souvent, la vérité que nous appelons « injure ». Ainsi donc, dire à un Kouyaté d’aller candidater
dans sa région pour être le porte-parole de ses parents, n’est pas une injure, mais la vérité. Contrairement à ce que veut nous faire accroire Monsieur André Silver Konan, cela ne saurait être considéré, ni comme de la xénophobie, ni comme de l’exclusion, ni comme «une atteinte à la dignité », ni comme «une incitation à la haine, à la violence et qui peut provoquer des troubles à l’ordre public»...
3) Monsieur André Silver Konan affirme que « la Côte d'Ivoire n'appartient à aucun Ivoirien en exclusivité et que chaque Ivoirien peut choisir de vivre où il veut et quand il veut ». Non ! C’est se faire illusion que de croire cela. Les Ivoiriens ne sont pas des animaux sauvages et ne se trouvent pas dans une jungle, ni dans un no-man’s land où n’importe qui peut choisir de vivre où il veut et faire ce qu’il veut à n’importe qui.
Mais, nous vivons dans un pays qui a une Constitution, des lois et des
traditions qui régulent nos vies et nos relations.
4) De ce point de vue, il faut rappeler que le mot « Pays » vient du latin « pagus » et désigne le lieu de naissance d'une personne ("pays natal",
"mal du pays"…), le territoire auquel l’on est attaché par ses ancêtres, sa ou ses langue(s), ses traditions, sa vision du monde, ses
produits, etc.
C’est par rapport à ces considérations que, même si nous sommes tous des êtres humains, un Américain n’est pas un Français, un Russe n’est pas un Sud-Africain, un Sénoufo n’est pas un Baoulé, etc.
Et, de ces faits, il est de bon aloi qu’un Sénoufo qui est supposé connaître mieux que quiconque les réalités de sa région et les
aspirations de ses parents parle au nom des Sénoufo et pas au nom des Baoulés, surtout lorsque les Baoulés ont des cadres à même de parler en
leur nom.
5) Certes, la Côte d’Ivoire, comme le proclame notre hymne national, est un « pays de l’hospitalité ». L'hospitalité est la plus belle des
vertus, elle est même une éthique. Mais, ne perdons pas de vue que la valeur de l'hospitalité dépend d’abord et surtout du mérite de celui que
l'on accueille.
Or, que constatons-nous ? Eh bien ! Ceux qui, hier, avaient faim et avec lesquels nous avons partagé notre pain et nos terres, ceux que
nous avons reçus avec joie et cordialité, ils ont fait de notre générosité un droit sans limite et à nos dépens, par la violence. Ils poussent l’outrecuidance et l’ingratitude jusqu’à verser notre sang, à nous exproprier en confondant droit d’exploitation et droit de propriété, à nier nos droits, à arracher nos libertés, y compris à vouloir parler en notre nom et à notre place, comme si nous étions incapables de le faire nous-mêmes.
6) Le vendredi 28 août 2020 à Gagnoa, Monsieur Hamed Bakayoko, s’adressant au peuple bhété, a dit : « être une terre de brassage, ce n’est pas un défaut, c’est un atout ». Certes ! Mais, force est de reconnaître que « l’étranger ne saurait venir se cacher derrière une termitière et vouloir que sa tête la dépasse ». Autrement dit, sur la «
terre de brassage », il n’est pas admissible, il n’est pas acceptable que, des allogènes (originaires d’ailleurs) veuillent imposer leurs lois, leurs us et coutumes aux autochtones, c’est-à-dire aux gens qui les ont accueillis sur la terre de leurs ancêtres, à moins qu’il s’agisse d’une colonisation qui ne dit pas son nom.
Pour ne pas être trop long, je vais conclure ici, en précisant que, au nom de notre hospitalité légendaire, nous continuerons d’accueillir des
étrangers chez nous, nous continuerons de reconnaître à nos hôtes le droit de vivre chez nous, d’y exercer leurs activités, d’y jouir de
leurs libertés. Mais, en ce qui concerne la politique, nous disons : chacun chez soi, afin que, à l’issue d’une véritable victoire par la voie des
urnes, nos parents soient bel et bien représentés dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale de chez nous, par les fils et les filles originaires
de leur terroir, comme cela se fait partout dans le monde.
Enfin, qu’on se tienne pour dit qu’il ne sert à rien de faire l’avocat du diable parce que le diable incarne le mal, et donc celui qu'on appelle "
l'avocat du diable ", c'est celui qui défend une opinion que la majorité pense mauvaise, sinon qui use de pratiques malicieuses pour persuader ou inciter à soutenir une cause perdue ou à suivre une mauvaise voie. Le débat reste ouvert. Sans rancœur ni rancune...
Léandre Sahiri