Affaire « 3000 morts »/ Le journaliste Germain Sehoué recadre Joël N’Guessan : « Être au pouvoir ne signifie pas que le RHDP est innocent »

Par Lhorizoninfo.net - Affaire des « 3000 morts ». Le journaliste Germain Sehoué recadre Joël N’Guessan « Être au pouvoir ne signifie pas que le RHDP est innocent ».

Le journaliste Germain Sehoué et le ministre Joël N'guessan. Photomontage d'illustration.

Affaire des « 3000 morts »/Ma lettre à Joël N’Guessan : « Etre au pouvoir ne signifie pas que le RHDP est innocent »

Monsieur le ministre Joël N’Guessan,
Membre du Conseil politique du RHDP,
Cher frère,

Je viens de suivre votre intervention au débat de France 24 du mercredi 2 juin 2021 face à Georges Aka du FPI sur le retour en Côte d’ivoire du président Laurent Gbagbo.

Et je voudrais déjà vous saluer pour la précision et le rappel utiles que vous avez faits d’entrée en affirmant que Laurent Gbagbo a été acquitté par une justice qui n’a rien à voir avec la Côte d’ivoire ; donc par des juges qui ne sont pas des amis de Gbagbo. Cela est extrêmement important pour la suite des débats.

Mais monsieur le ministre et cher frère, là où votre logique s’est noyée, c’est en voulant en même temps imposer à cet homme acquitté par une justice « impartiale », des mots de repentance dès sa descente d’avion. Parce que selon vous, les 3000 morts de la crise de 2010-2011, ne sont pas morts comme ça, d’eux-mêmes.

La première des choses, c’est que vous devez avoir un rapport conflictuel avec la notion de repentance. Il convient donc avant tout, de vider ce contentieux. Selon le Dictionnaire, la repentance, c’est le « Souvenir douloureux, regret de ses fautes, de ses péchés. »

Comme l’a donc dit votre vis-à-vis sur le plateau télé, on demande la repentance à celui dont la faute est établie, reconnue, et non à celui qui est innocenté. Or, Laurent Gbagbo dont il est question, vient d’être acquitté, blanchi, innocenté par une justice dont vous reconnaissez la distance, l’impartialité dans ce dossier.

Monsieur le ministre et cher frère,
De même, demander aujourd’hui à Laurent Gbagbo la repentance avant toute chose, c’est lui demander de plaider coupable devant une juridiction. Or, on n’est plus à ce stade. Depuis sa première comparution devant la Chambre préliminaire 1 de la CPI, le 5 décembre 2011, Laurent Gbagbo a plaidé non coupable et c’est ce qui a été confirmé le 31 mars 2021 par son acquittement définitif.

Et dans son article du 27 janvier 2016, Afp a donné cette précision importante : « Les deux accusés ont plaidé non coupable pour les quatre crimes contre l’humanité dont ils sont accusés: meurtres, viols, actes inhumains et persécutions ».

Dès lors monsieur le membre du Conseil politique du RHDP et cher frère,
la Justice, aidez-moi à comprendre. Quelle est la pertinence et où se trouve la justice dans le fait qu’on demande, après un procès qui a duré 10 ans, à quelqu’un qui vient d’être acquitté, de plaider coupable ? Où sont la pertinence et la justice de cette posture ?

Pourquoi donc cher frère, accabler quelqu’un qui sort de cet enfer de 10 ans de prison inutiles (parce qu’il est blanchi), de la croix de repentance ? Pourquoi ?
C’est plutôt vous, RHDP, vous qui l’avez fait souffrir inutilement par erreur ou par méchanceté pendant 10 ans, qui devez lui présenter vos excuses publiques, lui demander pardon pour les années que vous avez volées à sa vie et les traumatismes qu’il a subis.

Ce n’est pas à lui de dire : je suis innocent, pardon. Cela n’aurait pas de sens, dans la mesure où le dossier de la BCEAO, où d’ailleurs rien n’est prouvé, n’a pas de rapport avec les 3000 morts pour lesquels on parle de repentance.

Deuxièmement, monsieur le ministre et cher frère, vous soutenez que les 3000 morts de la crise postélectorale de 2010-2011 ne sont pas morts comme ça, par eux-mêmes. C’est vrai. Mais c’est là aussi que vous semblez n’avoir pas encore tiré les conséquences de la décision de la CPI d’acquitter Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.

Cette décision signifie selon le bon sens, que désormais, Gbagbo étant innocenté, le bourreau présumé des 3000 morts, c’est vous, le RHDP, vous avec qui Gbagbo était en conflit. Frère, ne cherchez plus un autre bourreau ailleurs, c’est vous-même. C’est vous seul qui restez en lice des deux belligérants. Fouillez dans vos rangs et vous ne serez pas déçus. Ce n’est plus Gbagbo. Faites nous avancer s’il vous plaît.

C’est logique. Frère, c’est celui qui a été le plus violent, qui a gagné la guerre. Et c’est cette violence qui a tué le maximum de gens. Et c’est cette même violence qui vous maintient, vous RHDP, au pouvoir.

Donc être au pouvoir, avoir les moyens de communication et toutes les puissances de l’Etat ne fait de vous, RHDP, un acteur innocent de cette crise. C’est la justice qui va établir votre innocence et non votre autocélébration. Or, des deux camps en conflit, c’est seulement vous qui n’êtes pas encore passé devant la justice pour démontrer votre innocence.

Cher frère, vous avez donc des raisons de vous calmer parce que vous n’êtes pas encore passé devant la CPI qui a jugé Gbagbo. Et le monde entier a compris maintenant. Avec les moyens de l’Etat, vous pouvez manipuler l’opinion, diviser l’Opposition, inquiéter vos contradicteurs, mais cela ne fera pas de vous RHDP, des innocents. Cela se passe devant la justice.

Monsieur le représentant du RHDP et cher frère,

Être au pouvoir ne signifie pas que le RHDP est innocent. Cela reste à démontrer devant la justice. C’est pourquoi cessez d’épaissir l’atmosphère de la réconciliation vraie des Ivoiriens. Ils vous seraient reconnaissants.

Que Dieu nous éclaire.

Germain Séhoué
Journaliste-Ecrivain
gs05895444@yahoo.fr

NB: Le titre est de la rédaction.