Affaire «Oubli» de trois fédérations d’outre-mer dans le décompte: L’UMP EXPLOSE EN PLEIN VOL

Le 22 novembre 2012 par IVOIREBUSINESS – RÉCIT D’UNE FOLLE JOURNÉE. Le camp de François Fillon a contesté, mercredi 21 novembre, les résultats du scrutin pour

François Fillon l'air grave hier à son Qg de campagne. Photo Le Monde.

Le 22 novembre 2012 par IVOIREBUSINESS – RÉCIT D’UNE FOLLE JOURNÉE. Le camp de François Fillon a contesté, mercredi 21 novembre, les résultats du scrutin pour

la présidence de l'UMP, assurant que 1 304 voix de trois fédérations d'outre-mer ont été oubliées dans le décompte, et que leur réintégration désignerait leur champion comme vainqueur. Alain Juppé s'est déclaré "prêt" à répondre à la demande de François Fillon de jouer un rôle de médiateur dans ce conflit à la tête du parti, mais seulement si Jean-François Copé était d'accord avec cette proposition. Ce dernier reste sur sa ligne, incitant les fillonistes à faire une requête devant la commission des recours. De son côté, François Fillon menace d'un recours en justice si la solution de médiation n'est pas acceptée.

Les secousses des dernières 48 heures n’étaient que des prémices. C’est hier, en début d’après-midi, que la droite a vraiment pris feu. Entre fillonistes et copéistes la guerre est déclarée. Plus de compromis possible : si l’un des deux camps ne capitule pas, la scission de l’UMP paraît inévitable. Alors qu’il avait «pris acte» de l’élection de dimanche, François Fillon s’est invité hier soir au 20 heures TF1 pour expliquer qu’il ne pouvait accepter que Jean-François Copé reste président de l’UMP. Cause de ce revirement : l’oubli - «si c’est un oubli» - de trois fédérations d’outre-mer lors des opérations de dépouillement (lire page 4). Fillon assure qu’il n’est plus candidat. Il en appelle à Alain Juppé et menace, s’il n’est pas entendu, de saisir la justice. Une bombe atomique. «Je ne peux imaginer qu’il aille jusqu’à une telle extrémité», réplique Copé, quelques minutes plus tard, sur France 2. Il invite son rival à «retrouver de la hauteur» et à «accepter les résultats proclamés». Mais ne donne aucune explication sur «l’oubli» des militants d’outre-mer.

Juste avant l’intervention des deux concurrents à la télévision, sur Twitter, Alain Juppé avait soufflé le chaud et le froid : «Un appel m’a été lancé pour organiser une médiation. J’y suis prêt à la condition absolue qu’elle se fasse avec l’accord et la collaboration des deux parties. Cette condition n’est à l’évidence pas remplie aujourd’hui.» L’impasse semble totale et on peine à voir quel chemin pourrait prendre une sortie de crise. La journée avait pourtant bien commencé pour l’ambitieux député maire de Meaux, enfin proclamé président de l’UMP.
A 9 h 30, il est aux anges : son premier bureau politique se déroule sans tension. On a «caricaturé» ma campagne, regrette-t-il. Xavier Bertrand, pro-Fillon, appelle à «l’unité», tout comme les non alignés Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet. «Quand j’entends toutes ces prises de parole, tout baigne. Il faut que tu équilibres la gouvernance. En tout cas, moi je t’aiderai», lance alors Juppé, tout miel, loin d’imaginer que, quelques heures plus tard, on le solliciterait comme un ultime recours pour sauver le parti politique dont il a été le premier président, il y a… dix ans.
A 10 h 30, au siège de l’UMP, le président Copé tient sa première conférence de presse. Le vote des militants a-t-il permis de trancher la ligne ? «La ligne est large», élude Copé. Quant à la fracture morale évoquée la veille par Fillon, elle a été réparée par Juppé.
A 11 heures, Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Copé improvise un débriefing «off» : les 40 000 militants qui avaient parrainé sa candidature étaient, potentiellement, autant de porteurs de procuration. Copé se savait en mesure de réunir 80 000 voix, les fillonistes ont pêché par excès de confiance…
A midi, du côté du Palais-Bourbon, les fillonistes errent comme des âmes en peine. Comment cette victoire a-t-elle pu leur échapper ? Fillon n’aurait «jamais dû accepter que Copé reste patron du parti pendant toute la campagne. On était des poissons rouges lâchés chez les piranhas».
Mais à 14 h 30, la bombe explose. Sous les regards ahuris et presque admiratifs des élus PS - experts en matière de déchirement -, les députés UMP improvisent un spectacle d’anthologie. Les fillonistes relaient la nouvelle : on a oublié de compter 1 300 bulletins. Christian Estrosi est solennel. «Nous demandons à Juppé de prendre la direction provisoire de l’UMP.» Les Savoyards Dominique Dord et Lionel Tardy rayonnent : «C’est la panique.» Fillon envoie un communiqué : «Je réclame la vérité, nous la devons à nos adhérents.»
A 14 h 45 , voici qu’entrent en scène les non alignés. Nathalie Kosciusko-Morizet passe en trombe sans un regard pour personne dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Elle n’a visiblement pas envie de commenter. Bruno Le Maire est plus bavard : «Des résultats ont été proclamés, Fillon doit les accepter. Il faut sortir de ce psychodrame.» Benoist Apparu estime que «si trois fédérations ont bien été oubliées, Copé n’a plus de légitimité». Il faut Juppé, vite : «On ne peut pas tenir 24 heures de plus comme ça. Regardons ce qui se passe à Gaza ! S’il faut recompter, recomptons. S’il faut revoter, revotons.» Gérald Darmanin, proche de Xavier Bertrand «en appelle à Nicolas Sarkozy». Peu de chance qu’il soit entendu. L’ex-président est, au même moment à Londres pour une conférence privée. Il refuse de répondre aux sollicitations des journalistes. «Il était très détendu, très impliqué, très vivant», commente l’un des organisateurs.
A 15 heures, Jean-François Copé apparaît salle des quatre colonnes, à l’Assemblée nationale. Blême : «Il y a eu des résultats, il faut maintenant se rassembler et travailler ensemble», e xplique-t-il d’une voix blanche. Président il est, président il restera. Si Fillon n’est pas d’accord, il n’a qu’à saisir la commission des recours, conformément aux statuts. Appelé en renfort, tout le clan Copé débarque. La nouvelle secrétaire générale Michèle Tabarot fait valoir que la Cocoe a «siégé pendant vingt heures» et que «le feuilleton à assez duré». Tous les copéistes mettent en avant les statuts et somment les fillonistes de porter l’affaire devant la commission des recours : «Mais alors, il faudra tout recompter», insiste Jérôme Lavrilleux. C’est que depuis dimanche matin, les copéistes se disent victimes de fraudes importantes dans les Alpes-Maritimes…
16 heures, Henri Guaino, ennemi intime de François Fillon, pique une grosse colère en quittant l’hémicycle : «Tout cela est indigne et suicidaire ! Jusqu’à quand allons nous chercher dans les couloirs des bulletins de vote égarés.» Pour l’ex-conseiller de Sarkozy, «Juppé n’a aucune légitimité à présider quoi que ce soit».
17 heures : Plus d’une centaine de parlementaires se réunissent autour de François Fillon au Musée social, dans le VIIe arrondissement. Ses amis l’applaudissent et restent solidaires. «On nous a volé la victoire. Pour Fillon il n’est pas concevable qu’on puisse laisser le parti à Copé.» Les élus présents diffusent un communiqué : «Nous ne demandons pas qu’un candidat ou un autre soit déclaré vainqueur. Compte tenu de l’écart minime de voix, seule une collégialité derrière le fondateur historique de l’UMP [Juppé, ndlr] nous paraît de nature à permettre la sortie de crise de notre mouvement.» Trois heures plus tard, sur TF1, Fillon relance le bras de fer…

• Fillon "renonce à la présidence" de l'UMP, mais "ira jusqu'au bout"
L'ancien premier ministre François Fillon a fait sa première déclaration publique depuis lundi soir, mercredi sur le plateau du 20 heures de TF1. Il a expliqué qu'il n'envisageait pas de quitter l'UMP, qu'il renonçait à la présidence du parti, mais qu'il était prêt à aller devant la justice pour clarifier les accusations d'irrégularités dans le décompte des votes.
"Je demande que soit rectifié ce vote. Je ne demande pas la présidence de l'UMP. Je renonce à la présidence de l'UMP. (...) Ce que je demande, c'est qu'Alain Juppé nous propose une sortie de crise. L'UMP ne peut pas vivre sur un mensonge. (...) Je n'ai pas confiance. Il n'y a jamais eu à la direction de l'UMP une instance impartiale. Je ne renonce pas à déposer un recours, mais si je dois déposer un recours, ce serait devant la justice. (...) Si on ne met pas en place une équipe collective, je ferai un recours devant la justice."
• Copé défie Fillon de saisir la commission des recours de l'UMP
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, n'a pas varié d'un iota par rapport à ses déclarations de l'après-midi sur BFMTV. Mercredi soir, lors du 20 heures de France 2, il a enjoint François Fillon à saisir la commission des recours s'il souhaitait contester les résultats. Les mots employés sont exactement identiques : M. Copé s'est posé en "garant des statuts de l'UMP".
En réaction à la déclaration de François Fillon déclarant envisager de saisir la justice, Jean-François Copé a précisé : "Je ne peux pas imaginer que Fillon aille jusqu'à une telle extrémité, je vais parler avec lui." "Je ne peux pas accepter que Fillon et ses amis parlent de fracture morale et ne se sentent jamais concernés. Il n'y aura pas de scission, car le problème n'est pas juridique, il est politique", a-t-il souligné, répétant ses éléments de langage du début de soirée.
Déjà, sur BFMTV, il tenait sa ligne de conduite. Une manière de jouer la montre, ou au moins de renvoyer la balle à son rival François Fillon.
"Nos statuts sont clairs : si on veut contester ces résultats, est prévue une autre instance, la commission nationale des recours. Si M. Fillon veut le faire, seront rééxaminés la totalité des bureaux de vote. (...) Si M. Fillon veut faire un deuxième recours, c'est son droit le plus strict. Je redis à M. Fillon ma disponibilité totale pour le voir."
Ce matin, Jean-François Copé avait déjà opposé une fin de non-recevoir à ses adversaires. Plus tôt devant la presse, il avait demandé d'arrêter les "chicayas". "Il y a une commission des recours, on ira à la commission des recours s'il le faut. Comme ça, ça permettra de regarder de plus près les résultats à Nice !", a-t-il ensuite ajouté.

Catherine Balineau
Source : Liberation et Le Monde