Accusé de fraude forestière: L`ancien chef de cabinet du ministre Nabo fait le grand déballage
Publié le jeudi 23 février 2012 | L'Inter - •Koné Maméry: «Mes solutions pour sauver la forêt ivoirienne»
Publié le jeudi 23 février 2012 | L'Inter - •Koné Maméry: «Mes solutions pour sauver la forêt ivoirienne»
Titulaire d'un Masters en finances comptabilité et des marchés des capitaux, Koné Maméry a été de tous les combats du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI). Après avoir intégré ce mouvement armé en 2002, il a assuré la lourde fonction de responsable de la Coordination nationale pour la révolution ivoirienne baptisée «Révolution orange», qui a visé à mettre fin au pouvoir de Laurent Gbagbo après l'élection présidentielle qu'il a perdue. A la faveur de la formation du premier gouvernement Ouattara, il a été nommé chef de cabinet au ministère des Eaux et Forêts. Malheureusement, il a été dégommé de ce poste le 13 janvier 2012 avant d'être arrêté pour complicité de fraude dans l'exploitation forestière. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, avant son déplacement à Paris, l'homme revient sur cet épisode et propose des solutions pour la sauvegarde du couvert forestier ivoirien.
Vous êtes une figure de proue de l'ex-rébellion ivoirienne dirigée par Guillaume Soro. Qu'est-ce qui vous a rapproché de lui ?
Son engagement pour le triomphe de la justice et de la démocratie. Il nous a enseigné des valeurs cardinales de travail, d’honnêteté et de rigueur dans la gestion de la chose publique. Il nous a aussi appris à toujours mettre l’intérêt général au dessus des intérêts particuliers. Pour lui, la vie est un combat du bien contre le mal et qu’il est nécessaire de se tenir en permanence aux côtés du bien et du peuple. Pendant ces 10 années de rébellion, nous sommes passés par tous les états, de la confrontation armée à l’instauration et au triomphe de la démocratie. En somme, le don de soi.
Vous avez été le 3è personnage du ministère des Eaux et Forêts jusqu’en janvier dernier. Quelle était votre vision en arrivant dans ce ministère?
Aux côtés du ministre des Eaux et Forêts, je n’avais pas de vision particulière encore moins personnelle. Mais, mon idéal de justice, de loyauté et une obstination permanente de lutter contre toute forme de fraudes, et de préparer l’avènement de la bonne gouvernance dans la gestion des ressources naturelles, est resté vif. Il s’agissait d’agir afin que le cabinet de ce ministère tourne excellemment bien, tâches que je pense humblement avoir réussie. J’ai joué le rôle de chef d’orchestre au cabinet. J’avais réussi à remettre tout le monde au travail et les horaires légaux étaient rigoureusement respectés. Nous travaillions à la chaîne et avec célérité de telle sorte que tous les maillons du système étaient valorisés et respectés. Cadres et personnel d’appui étaient épanouis et avaient repris goût au travail bien fait. Nous avons réussi à remettre de l’ordre dans cette administration, il n’y avait plus de place pour la fraude. J’ai traqué les fraudeurs, mais j’ai été victime de mon idéal de probité et de gestion rigoureuse. Nous avons introduit dans la gestion du ministère, des critères de management d’une entreprise privée, donc de compétence et d’éthique. Cela a aidé le ministre dans le choix des personnalités du ministère. Tout le monde était évalué et les objectifs étaient solidairement fixés avant d'être déclinés en activités. Ce qui nous a valu des félicitations pendant les deux séminaires gouvernementaux. Des femmes et des jeunes ont été nommées au poste de responsabilité afin de préparer la relève ; ce qui est une grande révolution dans la corporation. Cependant, le ministre des Eaux et Forêts a reçu la mission du président de la République de conduire la politique forestière du gouvernement ; notamment la préservation de notre patrimoine forestier, le reboisement de nos forêts dégradées et la mise en œuvre de la loi portant code de l’eau.
Comment expliquez-vous qu'après un tel bilan, le ministre Nabo ait mis fin à votre collaboration?
Seul ceux qui ont porté plainte contre moi devant le parquet pourront répondre à cette question. Cependant, je peux affirmer que j’ai été blanchi par le parquet après une enquête rigoureuse. Je voudrais profiter de votre journal pour remercier mon épouse, mes parents, mes collaborateurs et les Ivoiriens d’ici et hors du territoire pour le soutien massif dont j’ai été l’objet pendant cette période difficile que j’ai traversée. J’ai été victime d’une grande injustice et d’arbitraire. J’ai été fortement blessé. Pour moi, l’honnêteté est une valeur cardinale et je me suis inscrit dans cette logique. Je peux humblement l’affirmer sans risque de me tromper, que le président de la République est un modèle vivant de patience, de combattant contre l’injustice, de rigueur et de réussite, alors je m’inscris dans cette dynamique et le combat continue.
Quels sentiments vous animent après avoir été blanchi?
Quand je me suis engagé au MPCI, ma conviction était de me battre contre l’injustice et l’arbitraire. Quand je m’engageais pour la révolution orange, cs’était pour combattre le régime corrompu de la Refondation. Et je me battrai avec ma dernière énergie contre l’injustice et l’arbitraire. J’ai été gardé au camp commando de Koumassi pendant une semaine, sans la moindre preuve. J'ai toujours été révolté et amer contre les systèmes corrompus qui semblent, malheureusement, résister au temps et aux différents régimes. Mais, je suis satisfait de la réactivité du parquet d’Abidjan. Mes amis, mes proches et mes avocats m’ont proposé de porter une plainte contre l’Etat de Côte d’ Ivoire pour réclamer réparation pour les dommages subis. Je vous informe que malgré le fait que j'aie été blanchi, je n’ai pu réintégrer mon poste. Pis, tous mes collaborateurs ont été licenciés du cabinet et des autres structures du ministère, sans raison valable. Je garde espoir que le changement de mentalité tant entendu verra le jour. Je ne peux porter plainte contre qui que ce soit, encore moins contre ma patrie qui m’a tant donné. Dieu, en qui je crois, est seul souverain et maître de notre destin. Il me rendra justice.
Aujourd’hui, quel est votre nouveau combat ?
Ma flamme de lutte contre l’arbitraire et l’injustice reste allumée. Que ceux qui pensent entamer mon engagement en me diffamant se détrompent. Cependant, mon combat afin que la Côte d’Ivoire demeure un pays forestier va continuer parce que ce secteur mérite qu'on y apporte beaucoup plus d'attention. Si notre pays est premier producteur mondial de cacao, d’hévéas, de palmier à huile etc., c’est parce que nos aînés nous ont légué une végétation favorable. La forêt a tant donné aux Ivoiriens, alors elle mérite qu’on s’y attache énormément. Il faut rappeler que notre pays a été soutenu par la Banque Mondiale et l’Etat allemand dans les années 90 à hauteur de plusieurs centaines de milliards de nos francs pour reconstituer et préserver nos forêts.
La Banque Mondiale et la République d’Allemagne ont investi des centaines de milliards de F CFA pour la reconstitution du couvert forestier. Pourquoi cet important investissement n’a pas garanti la pérennité de notre gisement forestier ?
Ces appuis importants ont permis à notre pays de conclure le programme sectoriel forestier 1 (PSF1) permettant de reboiser des milliers d’hectares d’essences. Ce gisement de bois planté, notamment le teck, devait permettre de disposer d’au moins 40 ans de bois exploitable. Mais en 10 ans, ce capital a été abusivement exploité et à ce jour, nous ne disposons que de peu de bois exploitable, sinon plus rien. Aussi, du fait de la crise et avec l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat ainsi qu’avec la complicité de nos compatriotes, toutes nos forêts classées ont été infiltrées par des exploitants agricoles véreux. J’ose espérer que des solutions appropriées sauront être trouvées. Pour moi, la solution ne peut être qu’inclusive, participative et civique. Il s’agira de mettre en cohérence les actions de tous les ministères impliqués dans la gestion du domaine rural. Par exemple pour un gros campement créé en pleine forêt classée, cette situation induit forcément des problèmes sociaux, d’éducation, administration déconcentrée, sanitaires etc. La solution devrait être proposée et analysée par les assises de la forêt ivoirienne, au cours desquelles une politique de gestion de nos forêts sera planifiée pour les 100 prochaines années.
Nous venons justement d’effectuer un reportage dans plusieurs parcs et réserves. Dans ces forêts à statut particulier, nous avons constaté qu’elles sont infiltrées par des agriculteurs sans oublier certains exploitants forestiers qui pillent les essences.
Nous sommes dans une sortie de crise, alors soyons patients mais fixons-nous des objectifs. Il faudra commencer à sanctionner ceux de nos compatriotes qui n’ont aucun respect pour le patrimoine public. J’espère que des séances de sensibilisation et d’actions vigoureuses seront engagées afin d’exfiltrer tous ceux qui squattent ces forêts, sans considération ethnique, de nationalité, régionale et religieuse.
Comment expliquez-vous le phénomène de pillage des ressources naturelles ?
C’est vraiment dommage. Notre forêt est en danger et pris en otage par un groupe de personnes d’exploitants véreux sans foi ni loi. Pendant de nombreuses années, aucune gestion rationnelle n’a été entreprise par l’administration forestière. La forêt classée est un domaine inviolable ; toute l’exploitation au dessus du 8e parallèle est proscrite. Mais nous assistons à la violation de tous les interdits, la prolifération d’une nouvelle corporation d’exploitants, je veux parler des scieurs clandestins qui pillent nos forêts. Les scieries ne sont plus aux normes, aucun investissement n’a été réalisé afin de permettre de transformer au 3è degré les bois coupés dans nos forêts. Ces investissements, entre autres, induiraient une valeur ajoutée et la création de milliers d’emplois ainsi qu’une maîtrise totale de l’exploitation de nos forêts. Bien entendu, il ne faut pas s’étonner devant ce constat de pillage systématique de nos ressources forestières tant les fléaux comme l’enrichissement illicite, la gabegie et l'anarchie ont pignon sur rue dans l’administration forestière. Ce qui doit changer, c’est d’abord les mentalités de nos élites qui ont en charge la gestion de nos ressources. Il faut que cette élite comprenne que nous avons hérité de la forêt de nos aînés et donc nous avons l’obligation morale de la léguer à nos enfants.
Faut-il revoir, alors, les méthodes de gestion actuelle de la forêt ?
Malheureusement oui, il faut des changements profonds. La forêt est malade, et nous manquons d’ambition pour elle. Pourtant, elle nous a tant donné. Dans la gestion de nos forêts, il faut commencer par faire l’inventaire rigoureux de notre patrimoine forestier, réviser le code forestier, impliquer les populations et particulièrement nos cadres dans la protection de nos forêts, recruter au moins deux mille jeunes parmi les ex-combattants qui seront commis à la surveillance de nos massifs forestiers et enfin redynamiser la recherche scientifique et réaliser plus de reboisement dans le nord du pays pour inverser la tendance de la ''savanisation'' de cette partie du territoire.
Quelles sont vos solutions dans la préservation et la reconstitution du couvert forestier ivoirien ?
Un changement profond est nécessaire et une prise de conscience collective s’impose. Ce qui exige bien entendu un traitement de choc au sein de l’administration forestière. En tout état de cause, nous n’avons pas le choix si nous voulons toujours bénéficier d’un micro-climat favorable pour notre agriculture donc une économie florissante. Alors nous devons agir maintenant pour rectifier le tir, sans complaisance. Nous rappelons qu’en 1988, le président Houphouët-Boigny avait investi un milliard de nos francs sur le budget national dans les activités forestières. Ce sacrifice du père fondateur a suscité un réel engouement chez les bailleurs de fonds et les amis de la Côte d’Ivoire. Donc, si les autorités politiques placent la reconstitution de la forêt au rang des priorités nationales, vous verrez que les appuis financiers seront massifs. Mais il n’est pas ingénieux de construire sur du sable mouvant. Pour terminer, je voudrais dire à mes proches et amis que MAMERY a été accusé à tort et blanchi par la justice ivoirienne. C'est pourquoi ma flamme pour la justice et les valeurs de la République et humaines reste allumée. Aux dirigeants politiques, je demande, sans cesse, d’être du côté de la justice et des plus faibles. Et je suis à leur disposition pour toute tâche qu’ils voudront bien me confier.
Réalisée par :
G. DE GNAMIEN