3e JOUR D’AUDIENCE DE GBAGBO - Marche sur la RTI, tueries d'Abobo, massacre de Yopougon: Bensouda ouvre le feu Simone Gbagbo, Blé Goudé, Abehi... épinglés Tout sur le One man show de l'Accusation, hier

Le 22 février 2013 par L'INTER - Bensouda ouvre le feu.

Audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo, acte III. Hier jeudi 21 février 2013, on a eu droit aux voix d'un seul camp, celles de l'Accusation.

Le procureur de la Cour pénale Internationale Fatou Bensouda
Dans une Cour toute ouïe, avec le principal accusé Laurent Gbagbo, assis, casque à l'oreille, écoutant impuissant, les crimes qui lui sont reprochés, et son avocat principal, Emmanuel Altit, réduit ce jour à prendre des notes, le bureau du Procureur Fatou Bensouda a déballé sa batterie. Avec des images filmées et des diapositives, ainsi que des témoignages et des détails précis, les collaborateurs du successeur de Luis Moreno-Ocampo ont dépeint les faits pour corroborer les charges retenues contre l'ancien président ivoirien.

Qu'il s'agisse de la marche sur la Radiodiffusion et télévision ivoirienne (RTI) le 16 décembre 2010, des tueries d'Abobo les 03 et 17 mars 2011, des massacres de Yopougon le 12 avril 2011, l'Accusation a bétonné ses charges contre le prévenu Laurent Gbagbo, non sans déduire, pour chaque événement, que l'ancien locataire du palais du Plateau, « est l'ultime responsable de la politique de violence contre les civils ». Le premier collaborateur de Bensouda, Gilles Dutertre, qui ouvre la série, fera remarquer que Laurent Gbagbo et ses fidèles, dont son épouse Simone, des officiers de l'armée, le leader de la galaxie patriotique Charles Blé Goudé, ont élaboré une politique de violence dans le seul but de se maintenir au pouvoir.

Que ce soit au sein du gouvernement, au sein de l'armée ou dans des structures comme la galaxie patriotique, M. Dutertre indiquera que cette « machine anti-Ouattara » était bien huilée et fonctionnait normalement. « En mars 2011, Simone Gbagbo convoque une réunion, la décision est alors prise avec elle, de brûler les maisons des membres du RHDP. Une liste de noms est donnée. Je ne cite pas de noms en audience publique, elle figure dans mon document. (...) L'adhésion à la politique de violence est également un fait chez les membres des FDS (Forces de défense et de sécurité sous Gbagbo) de l'organisation. Ainsi, en février 2011, le commissaire Robé, adjoint de Bi Poin, déclare que le CeCOS ( Centre de commandement des opérations de sécurité, une unité spéciale des FDS) est prêt pour le nettoyage et qu'il attend les ordres. Toutes ces personnes complètent ou fournissent à Laurent Gbagbo, les moyens armés de sa politique contre les civils », a expliqué le collaborateur de Bensouda.

Gbagbo contrôle toutes les opérations

Il dira ensuite que l'ancien président ivoirien avait le contrôle sur l'armée, à travers le ministre de la Défense, Alain Dogou, et le chef d'état-major, Philippe Mangou ; il contrôlait les jeunes patriotes à travers Blé Goudé ; il entretenait des mercenaires qui étaient placés, selon lui, sous l'autorité d'un officier au camp Agban d'Adjamé, et contrôlait les hommes politiques à travers le Congrès national pour la résistance et la démocratie (CNRD), une structure politique que dirigeait son épouse Simone Gbagbo. Il cite un témoin pour étayer ses propos. « Il y avait eu des réunions de crise qui étaient créées par Blé, des réunions créées par la Première Dame, des réunions qui étaient créées par le président-lui même. Il y avait des réunions tout le temps. Et les moyens suivent : entraînements, mise à disposition d'argent et fourniture d'armes par Blé Goudé et par Simone Gbagbo en provenance du palais présidentiel », a-t-il lu.

Le membre du bureau du Procureur indiquera ensuite, pour établir la responsabilité de Laurent Gbagbo dans les faits, que l'ex-président ivoirien était informé régulièrement de tout ce qui se passait, par le chef d'Etat-major, Mangou, le Général Kassaraté Tiapé (ancien patron de la Gendarmerie) et l'amiral Vagba Faussignaux, l'ex-patron de la Marine nationale. Il cite aussi Blé Goudé, qui avait des fréquentes visites au palais présidentiel. « Gbagbo savait ce qui se passait. Non seulement Gbagbo est informé de tout, mais c'est lui le décideur », a-t-il dit, citant toujours des témoins.

A ce niveau, et pour apporter des preuves de son allégation, il sollicitera une rapide audience à huis clos partiel, pour ne pas révéler le nom de son informateur en public. Ce qui lui a été accordé. De retour en plénière, le collaborateur de Bensouda continue de charger l'ancien président et son entourage. « C'est Laurent Gbagbo et ses ministres qui ont donné des instructions à Mangou pour la manifestation de la RTI le 16 décembre 2010, avec les conséquences qu'on connaît. C'est encore Gbagbo qui fin février-début mars 2011, dit qu'il ne veut pas perdre Abobo et demande de tenir à Abobo. C'est justement à Abobo qu'on a deux incidents en 2011. Non seulement Laurent Gbagbo donne des instructions aux officiers généraux, mais encore il contrôle directement certaines unités FDS qui sont au cœur des violences », a-t-il martelé, citant la Garde républicaine dont le chef était le Général Dogbo Blé, le CeCOS dirigé par le Général Guiai Bi Poin, et le Groupe d'escadron blindé (GEB) de la Gendarmerie, que commandait Jean Noël Abehi.

Tous ont été cités comme les auteurs directs des crimes commis pendant la marche sur la RTI, et lors des manifestations d'Abobo, le commanditaire étant Laurent Gbagbo. Idem pour les jeunes patriotes qui, selon l'Accusation, prenaient leurs ordres chez l'ancien président. « Gbagbo est là aussi aux commandes. Blé Goudé ne peut tenir un meeting, sans avoir informé Gbagbo. Tout ce que Blé Goudé faisait, c'est le président qui lui ordonnait. Blé Goudé ne pouvait pas aussi demander à la jeunesse de faire les parades sur toutes les rues d'Abidjan, de faire les contrôles et les chasses à l'homme, s'il n'a pas eu d'instructions de Gbagbo », déclare t-il, rapportant encore une fois les propos d'un témoin. « J'en viens à ma conclusion Mme la Présidente, honorables juges. La réalité, c'est qu'on voit que Laurent Gbagbo a mis en œuvre des moyens létaux contre les forces civiles. Les préparatifs, les nominations, les déclarations, les ordres, les actions des uns et des autres, toutes ces preuves directes ou circonstancielles mises bout à bout, mises les unes en lien avec les autres, montrent l'existence d'une politique de Laurent Gbagbo, adoptée par son organisation, pour cibler les partisans de Ouattara afin de rester au pouvoir. Une politique qui ne résulte pas d'initiatives des commandants sur le terrain. Laurent Gbagbo a lancé ses bras armés contre les civils. Il a été l'initiateur et il a été la finalité des actions des membres de l'organisation, à qui il disait, et je cite, '' si je tombe, vous tombez aussi ''. Le plan commun tournait autour de lui et pour cela, Mme la Présidente, honorables juges, il est aujourd'hui devant vous comme primo-responsable », a-t-il conclu.

A sa suite, les autres membres du bureau du Procureur, notamment Eric Mac Donalds, Maria Belikova, présenteront avec plus de détails, d'images et de vidéos, les différents événements, notamment la marche sur la Rti, la tuerie des femmes d'Abobo, le bombardement du marché d'Abobo, et les massacres de Yopougon, répertoriés par l'Accusation, pour constituer les charges contre Laurent Gbagbo. Une grosse batterie de charges que l'avocat de l'ancien président ivoirien devra casser pour sortir son client des griffes de la Cpi. Me Altit et ses collaborateurs sont donc attendus aujourd'hui.

Hamadou ZIAO

3e JOUR DU PROCÈS DE CONFIRMATION DES CHARGES CONTRE LE PRÉSIDENT GBAGBO: L'ACCUSATION RACONTE UN RÉCIT INVRAISEMBLABLE

Le 22 février 2013 par NOTRE VOIE

Le troisième jour de l’audience de confirmation des charges contre le président Laurent Gbagbo qui s’est déroulée était essentiellement consacré à la déposition de l’accusation. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les accusateurs du président Laurent Gbagbo non seulement ne savent pas de quoi ils parlent, mais, en plus, ils se donnent tout le mal du monde pour raconter une histoire invraisemblable pour qui a vécu la crise ivoirienne.
Par exemple, sur la marche des femmes d’Abobo qui est au cœur de l’acte d’accusation, le parquet a expliqué le plus tranquillement du monde que trois mille femmes manifestaient pacifiquement au niveau du rond-point d’Anador, quand un convoi militaire en provenance du camp commando a fait brutalement feu sur elles, faisant sept morts. Selon l’accusation, s’appuyant sur des images vidéo, ce serait un tank de la gendarmerie ou de la garde républicaine qui serait à la base de l’attaque. Le hic dans l’affaire, c’est que le char qui a tiré à bout portant sur une foule de trois mille personnes n’a fait que sept victimes. Pis, pour des femmes supposées avoir été tuées par des canons, les corps étaient en bon état, hormis la victime à la tête éclaboussée. En tout état de cause, une autopsie des corps et une analyse balistique sérieuse seront obligatoires pour déterminer si c’est bien le tank de l’armée ivoirienne visible dans la vidéo qui est à l’origine de l’attaque. Et on se demande bien comment le parquet va réussir à convaincre les juges d’une telle éventualité. En tout état de cause, l’accusation n’a pas expliqué pour quoi, alors que, selon elle, les femmes manifestaient dans un périmètre qui n’obstruait pas le chemin du convoi militaire, les soldats ont eu besoin de tirer sur elles.
Autre fait intrigant, alors que le représentant du parquet a affirmé à maintes reprises qu’aucun homme ne figurait parmi les manifestants, on voit bien dans la vidéo que non seulement il y avait beaucoup d’hommes, mais qu’en plus, certains étaient armés.
L’autre fait sur lequel s’est appuyée l’accusation, c’est le supposé bombardement d’un marché d’Abobo, le 17 mars 2011. Selon le récit raconté hier à la barre de la Cour pénale internationale (Cpi) par les collaborateurs de Fatou Bensouda, des éléments du Bataillon artillerie sol air (Basa) basés au camp commando d’Abobo sont à l’origine de ces bombardements. A en croire l’accusation, ces bombardements auraient visé le quartier d’Abobo derrière rail, le Village Sos et la mairie d’Abobo et auraient fait vingt cinq victimes. Mais la question à laquelle l’accusation n’a pas répondu, c’est de savoir pourquoi l’armée a décidé de lancer des obus sur ces endroits précis et non ailleurs. Surtout que Mme Bensouda et ses collaborateurs affirment qu’au moment des faits, aucun individu armé n’était présent à Abobo. Comme si le «Commando invisible» dont on sait qu’il s’était rendu maître d’Abobo n’avait jamais existé. Autre motif d’interrogation, c’est le nombre de victimes au regard du mode d’action des meurtriers tel que décrit par l’accusation. En effet, tout au long de son exposé, le représentant du parquet a affirmé à plusieurs reprises que les éléments des forces de défense et de sécurité (FDS) tiraient aveuglément. On se demande alors comment, dans une zone « densément peuplée », comme l’accusation elle-même a décrit la commune d’Abobo, des tirs aveugles ne réussissent qu’à faire à peine une vingtaine de victimes. Surtout que plusieurs obus de mortier sont supposés être tombés sur un marché bondé de monde.
Mais la plus grande faiblesse de l’accusation, c’est qu’au cours des exposés, elle n’a jamais montré clairement l’implication personnelle et directe du président Gbagbo dans la commission des faits. En dehors d’affirmations générales sur le rôle de chef d’Etat et de chef suprême des armées, nulle part l’accusation n’a brandi un ordre verbal ou écrit explicite donné aux militaires pour tuer. Plus ridicule, l’accusation a cité régulièrement les généraux Mangou et Détoh comme étant les relais entre le président Gbagbo et l’armée. Or ces derniers, tout le monde le sait, sont aujourd’hui dans les bonnes grâces du régime Ouattara.
Aujourd’hui, la défense qui prendra la parole aura certainement l’occasion de relever toutes les incohérences et les contradictions d’une accusation dont on voit bien qu’elle n’a fait que recopier les rapports de l’Onuci et de certaines Ong. Croisons les doigts !

Guillaume T. Gbato
gtgbato@yahoo.fr