TRIBUNE: L'AFRIQUE ET SON DESTIN

Le 19 octobre 2012 par Correspondance particulière -Dans la lutte pour leur émancipation, les africains se doivent d'éviter de tomber, avant tout, dans de nombreux pièges qui leur sont tendus, tant sur le plan

Passation de service entre Mme Zuma, nouvelle présidente de la Commission de l'Union africaine, et le sortant Jean Ping.

Le 19 octobre 2012 par Correspondance particulière -Dans la lutte pour leur émancipation, les africains se doivent d'éviter de tomber, avant tout, dans de nombreux pièges qui leur sont tendus, tant sur le plan

politique, économique, culturel que spirituel, pour ne pas que la panafricanisme soit surtout perçu, comme un mouvement de faux illuminés qui mène une croisade contre un monde occidental diabolisé, siège de la franc-maçonnerie. Après les accusations d'experts indépendants qui taxeraient les pro-Gbagbo d'intégristes religieux, nous courons le risque d'être perçus comme des intégristes chrétiens. Dans le secret de
notre chambre, nous prions tous, afin que Dieu nous libère de la tyrannie du monde occidental, cependant sur la scène politique, nous nous devons de combattre avec des armes propres à ce monde, en concluant des alliances politiques utiles à notre indépendance réelle, en définissant des stratégies politiques, économiques, financières, rationnelles, dans le cadre de notre lutte. Le président Hollande vient de tenir un discours qui met officiellement fin à la françafrique, cette main tendue nous
nous devons de la saisir avec beaucoup de prudence, certes, mais elle s'impose à nous, dans un monde globalisé, où vivre en autarcie, c'est signer son arrêt de mort.
S'il est constaté que la France s'ingère, de nouveau, dans les affaires ivoiroivoiriennes, en sillonnant nos rues avec ses chars, en occupant notre espace aérien
avec ses avions, nous conclurons que ses discours tenus en Afrique, dans le cadre de la francophonie, ne sont pas abolitionnistes, mais s'inscrivent dans l'art de la tromperie dont sont passés maîtres des hommes politiques français. Nous pouvons, pour l'instant, nous permettre de croire à la sincérité du président Hollande, parce que
l'abolition de l'esclavage qui consiste à interdire juridiquement l'esclavage a divisé, au cours des siècles, le monde occidental en deux groupes. Disons, de manière
sommaire, que la première abolition connue fut celle des athéniens asservis pour
dettes, et libérés par le grec Solon au VI e siècle av. JC. En Angleterre, en 1673, le
non-conformiste Richard Baxter considérait que les négriers étaient des ennemis de
l'humanité. En 1748, Montesquieu, dans un texte satirique intitulé De l'esclavage des
nègres, trouvait ridicule les justifications idéologiques de l'esclavage négrier. Brissot
créa en 1788 La Société des amis des Noirs dont faisaient partie d'éminentes
personnes comme l'Abbé Grégoire, Mirabeau, Lafayette, Sieyès. Victor Schoelcher
emboîta le pas à ces derniers et obtint l'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848. Le
président Hollande se veut héritier spirituel de ces illustres personnes qui se sont
opposées avec acharnement aux marchands d'esclaves et leurs alliés, comme le
député Barnave qui s'exclama durant ces débats houleux : « Le nègre ne peut croire
qu'il est l'égal du blanc ». Dans cette guerre psychologique que nous livrent les
partisans de Barnave, les africains doivent sortir de cette logique conflictuelle, de
l'opposition systématique et radicale, dans laquelle veulent nous confiner, à dessein,
certains intellectuels. Il nous faut savoir tirer profit du moment propice en exploitant,
de manière positive, ces discours abolitionnistes, courageux. Les africains ne
prendront en main leur destin que s'ils opèrent, à la face du monde, des choix clairs,
responsables. Il nous faut, dans un premier temps, savoir distinguer les partisans du
panafricanisme proches de la droite française, conceptrice de la Françafrique, de ceux
dont l'idéologie politique est partagée par la gauche française, favorable à l'égalité des
droits entre tous les hommes. Les premiers leaders politiques de l'Afrique
francophone, étaient, dans leur majorité, des socialistes, parce qu'ils luttaient en
faveur des droits de leurs peuples. Senghor était de la SFIO, section française de
l'Internationale ouvrière. Modibo Kéïta était un panafricaniste et un tiers-mondiste
convaincu. Il mourut malheureusement en détention, au camp des commandos
parachutistes de Djikoroni Para à Bamako, empoisonné par ses geôliers africains,
sous le président Moussa Traoré. Houphouët s'allia d'abord avec le groupe
communiste français (PCF), puis à l'Union démocratique et socialiste de la Résistance
(UDSR) de François Mitterand, en 1952. La droite française, arguant de l'incapacité
des africains à prendre en main leur destin, mit sur pied la françafrique et obligea les
présidents socialistes africains à devenir des alliés de la droite française. Tout leader
de l'Afrique francophone qui refusait de se soumettre à cette dictature était
physiquement éliminé. Les premiers responsables de ces meurtres sont les
gouvernements français qui se sont succédés, puisque la politique intérieure des
nations africaines a été jusqu'à ce jour, organisée, conformément à l'article 55 de la
Constitution française. Le président Hollande, conscient de la force que représente
désormais le panafricanisme, et de l'importance de la francophonie dans la politique
africaine de la France nous tend la main. C'est une opportunité que doivent saisir les
ivoiriens voire les africains, dans le but de poser la pierre angulaire sur laquelle doit
reposer toute l'architecture institutionnelle de nos nations africaines pour peser de
tout notre poids sur les accords internationaux. Le premier jalon consiste à lutter pour
le respect de notre droit de vote. Certaines autorités africaines et européennes
accusent les partisans du panafricanisme d'être hantés par la figure charismatique du
président Laurent Gbagbo. Elles demandent aux ivoiriens de se réconcilier, en
tournant cette page tragique de notre histoire. Nous ne pouvons, malgré nous, passée
à la page suivante de notre Histoire, parce que le président Laurent Gbagbo, au-delà
de toutes choses, incarne tout simplement un droit nié aux africains, aux ivoiriens :
LE DROIT DE VOTE. Tourner la page du président Gbagbo, c'est éloigner l'Afrique
de son propre destin, c'est accepter que la métropole continue d'imposer aux nations
africaines les présidents de leur choix. Le contentieux électoral ivoirien corrompt,
jusqu'à ce jour, les bases de la nation ivoirienne, parce que le droit de vote n'est
concédé qu'aux partisans d'Alassane Ouattara. Refuser de prendre en compte la
requête des pro-Gbagbo, à savoir le recomptage des voies, c'est leur nier, en quelque
sorte leur droit de vote. Sans le respect de ce droit, on ne peut construire les
démocraties africaines. Tout ce que nous construirons, sans le respect de ce droit, est
voué à la ruine, parce qu'on ne peut bâtir une nation sur l'injustice, en refusant de
concéder au peuple sa souveraineté, dans la gestion des affaires de la nation. La
réconciliation n'est véritablement possible que si ce contentieux est vidé. Que valent
en effet les discours abolitionnistes du président Hollande si les africains sont
incapables de choisir des leaders politiques, partisans du panafricanisme, favorables à
des accords gagnant-gagnant avec l'ex-métropole, et adversaires convaincus de la
Françafrique ? C'est grâce au respect de notre droit de vote que nous aurons en
Afrique le schéma politique classique des grandes démocraties occidentales, puisque
l'électeur aura à choisir entre le parti de droite d'Alassane Ouattara affilié clairement,
officiellement, à la droite française de Sarkosy pour défendre les intérêts des
multinationales, de «la peine du fouet», et le parti de gauche du président Laurent
Gbagbo capable de signer des accords gagnant-gagnant avec les français pour une
Afrique plus digne qui fera un pas de géant dans l'Histoire de l'Humanité, grâce au
panafricanisme, qui n'aura rien à envier à l'européanisme : l'unification de l'Europe
dans un processus confédéral et non fédéral. Cette lutte pour l'indépendance véritable
de l'Afrique, Hollande ne peut la faire à notre place. Victor Schoelcher proclama une
loi abolitionniste, que les esclaves se chargèrent de faire respecter pour être des
hommes libres. La non-ingérance de la France dans les affaires africaines sous
Hollande est comparable à une loi abolitionniste.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)