Crimes économiques: Le COPACI exige l'ouverture du dossier Bédié-Guikahué dans "l'Affaire des 18 milliards de l'Union européenne"
Le 30 septembre 2011 par IvoireBusiness - CPI, paix, reconciliation, législative, justice ivoirienne, mission de l'ONU en Côte-d'IVoire, etc... Dans une interview qu'il a accordé
au quotidien Le Temps , Blaise Pascal Logbo, président du Courant de Pensée et d'Action de Côte-d'Ivoire (COPACI), donne de façon incisive la position de son parti sur ces sujets marquant de l'actualité politique ivoirienne. Nous vous proposons l'intégralité de cette interview.
Le 30 septembre 2011 par IvoireBusiness - CPI, paix, reconciliation, législative, justice ivoirienne, mission de l'ONU en Côte-d'IVoire, etc... Dans une interview qu'il a accordé
au quotidien Le Temps , Blaise Pascal Logbo, président du Courant de Pensée et d'Action de Côte-d'Ivoire (COPACI), donne de façon incisive la position de son parti sur ces sujets marquant de l'actualité politique ivoirienne. Nous vous proposons l'intégralité de cette interview.
Le Temps: Bonjour ! le COPACI le Parti Politique que vous dirigez a déposé une plainte auprès de la CPI pour les crimes économiques et humains commis en côte d’ivoire depuis le 19 septembre 2002. Où en êtes-vous avec cette saisine ?
J e tiens avant tout à préciser que le COPACI n’a porté plainte contre personne. Notre pays a connu le viol de la démocratie et de la paix, et de graves violations des droits de l’homme. Ayant inscrit dans notre programme d’actions politiques le combat pour la justice et l’Etat de droit, Il nous était inacceptable d’assister au règne de l’impunité. Nous avons donc décidé d’agir en faisant une saisine de la Cour pénale internationale pour qu’en vertu de l’article 15 du statut de Rome, son procureur se saisisse du dossier ivoirien. En tant que parti politique, le COPACI ne pouvait se substituer ni à l’Etat de Côte-d’Ivoire ni aux victimes pour porter des plaintes auprès de la CPI. Toutefois nous soutenons les plaintes qui ont été déposées par les victimes ou leurs représentants et par certaines Associations. Notre saisine est d’actualité. Le procureur a introduit une demande auprès de la Cour pour mener des enquêtes. Nous attendons ce qui sera décidé. Mais en attendant cette décision, nous suivons les choses de près et menons des actions concrètes pour exiger de la CPI une justice indépendante et impartiale prenant en compte tous les crimes commis depuis le 19 septembre 2002.
L.T: Pensez-vous que votre saisine aura droit de cité, quand on sait que le procureur de la CPI de par ses déclarations prend déjà fait et cause pour le compte du pourvoir en place en ne prenant en compte que les exactions de la période post-électorale?
Pensez-vous que votre saisine aura droit de cité quand on sait que le procureur de la CPI de par ses déclarations prend déjà fait et cause pour le compte du pourvoir en place en ne prenant en compte que les exactions de la période post-électorale?
Le procureur n’a fait qu’exprimer sa volonté d’orienter ses enquêtes sur les crimes de la période post-électorale. Mais ce n’est pas lui qui décide en dernier ressort. Les juges chargés d’examiner sa demande peuvent lui recommander de commencer ses enquête à partir du 19 septembre 2002. Quoiqu’il en soit, s’il raye de son champ d’enquêtes tous les crimes antérieurs à la crise post-électorale, certes cela aura pour effet une amputation de la vérité et des peines, mais ne changera pas grande chose dans le fond, étant donné que depuis le 19 septembre 2002 les acteurs n’ont pas changé ainsi que leurs agissements. Les auteurs et les responsables de graves crimes n’ayant pas changé depuis le 19 septembre 2002, ils n’échapperont donc pas au filet de la CPI, si elle est une justice véritablement indépendante et impartiale. Partant de cette analyse, nous pensons qu’il est possible que notre saisine ait gain de cause. Nous parlons de possibilité et non de certitude, parce qu'une action judiciaire n‘est pas une opération mathématique. Je voudrais aussi dire que nous sommes déterminés dans notre combat pour la justice et l'Etat de droit. D'où l'appel que nous lançons aux ivoiriens de la diaspora vivant en Europe pour une grande manifestation le 11 novembre prochain devant le Haut-commassariat aux droits de l'homme des Nations Unis à Genève.
L.T: Les nouvelles autorités ivoiriennes envisagent des poursuites judiciaires contre toutes les personnes ayant commis des exactions pendants la crise post-électorale. Que vous inspire cette décision qui ne prend en compte que la période post-électorale ?
Les nouvelles autorités du pays veulent faire croire qu'elles sont pour la justice. Dans ce cas nous voudrions savoir ce que le procureur de la république fait de l'affaire "Bedié- Guikaué et les 18 millards de l'union europeenne" destinés aux hôpitaux de Côte d'Ivoire, du cambriolage des agences de la BCEAO de Bouaké, de Man et de Korhogo, pour ne citer que ces crimes économiques. Mais nous pensons que tout ce qui a lieu en ce moment dans notre pays peut être qualifié de tous les noms, sauf de justice. Nous assistons à une parodie de justice. Cela est regrettable. Nous dénonçons et condamnons avec force cette parodie de justice. La réalité politique en Côte-d’Ivoire comme ailleurs montre bien dans la pratique la faiblesse et la limite du principe libéral de la séparation des pouvoirs. En théorie l’on nous dit que les pouvoirs exécutif ,législatif et judiciaire sont séparés et indépendants. Mais en pratique, les pouvoirs législatif et judiciaire sont le prolongement, les serviteurs serviles de l’exécutif. Il y a dans ces conditions une réelle menace des libertés. Pensez-vous que nous aurions tous ces chefs rebelles en liberté et promus, si la justice de notre pays était véritablement libre et indépendante? Nous sommes dans le cas d’une justice sélective. On choisit de façon arbitraire les hommes et les crimes qui doivent être jugés. Par ces agissements, l’on jette le discrédit sur nos institutions judiciaires. Et cela est dangereux pour les libertés et la paix sociale. Pour la liberté et l’indépendance de la justice ivoirienne le COPACI propose l’élection du procureur de la République, qu’on pourra peut-être appeler «procureur de la nation», par un collège de magistrats, afin de défendre en toute liberté et indépendance les vrais intérêts de la République et non ceux des gouvernants. Le gouvernement pourra peut-être nommer des procureurs du gouvernement qui agiront pour ses intérêts publiques. Nous pensons qu’il est temps de mettre fin au dévoiement de la notion de «procureur de la république», qui par le mode de désignation et dans les faits, demeure une notion fallacieuse. Le procureur de la République doit cesser d’être le serviteur servile de l’exécutif, au détriment des droits des citoyens et des vrais intérêts de la République. Il y a de l’illogique dans notre constitution. Elle prévoit l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’exécutif et du législatif. Elle nous dit que le président de la République est le garant de l’indépendance de la justice, mais qu’il préside le Conseil supérieur de la magistrature et a pouvoir de nommer des procureurs militants dont les agissements influencent négativement le cours et l’image de la justice. Il y a une réelle problématique à résoudre à ce niveau.
L.T: Choi est parti de la Côte d’Ivoire le 1 er septembre dernier. Quel Bilan tirez-vous de ses 4 années passées à la tête de l’ONUCI ?
Vous nous demandez de faire le bilan de la marionnette Choi? Mais ce bilan, point n’est besoin de le faire, nous le constatons comme chaos démocratique, social et économique. Cette marionnette a fait du bon boulot du point de vue de ses maîtres, puisqu’ils ont atteint leur objectif. Comment comprendre que dans la quasi-totalité des résolutions onusiennes sur la Côte d’Ivoire, l’on affirme la souveraineté de notre pays et la balaie du revers de la main dans les faits? Depuis l’assassinat de Patrice Lumumba le 17 janvier 1961 avec la complicité de l’ONU, sans oublier sa complicité passive dans le génocide rwandais, les pays africains auraient du prendre leur distance vis-à-vis de cette Organisation au service de l’impérialisme occidental. Nos États peuvent-ils se passer de l’ONU, où le droit de veto, accordé à quelques puissances, n'est rien d'autre qu'un contrat de dupe, un contrat d'asservissement? Telle est la question essentielle, qu’ils doivent se poser s’ils sont véritablement souverains. Car en Côte-d’Ivoire, l’ONU a bien montré qu’elle est l’ennemi des souverainetés africaines.
L.T: La Paix, la réconciliation est la préoccupation des nouvelles autorités actuelles. Le COPACI s’inscrit-il dans cette logique ?
Au COPACI nous voulons la paix, nous voulons la réconciliation. Notre pays en a plus que jamais besoin. Mais nous refusons que ces mots soient des formules incantatoires pour les nouvelles autorités. Ce n’est pas à force de répéter «paix», «réconciliation», comme dans un exercice d’incantation que la paix et la réconciliation vont être réalisées dans notre pays. Les mots doivent être accompagnés d’actes concrets. On ne peut pas dire vouloir la paix et la réconciliation et accumuler les frustrations et les injustices jours après jours. Mais avant tout, il faut se demander ce que c’est que la réconciliation. Les ivoiriens méritent qu’on leur demande ce qu’ils entendent par réconciliation. Ils doivent d’abord s’accorder sur le sens du mot, afin de s’engager dans un processus de réconciliation. Sans cet accord la réconciliation prônée sera un rendez-vous de la cacophonie. Pour nous , la réconciliation commence par la fin des emprisonnements arbitraires, des violations des droits de l’homme et les réparations des injustices commises.
L.T: Vous avez déclaré une fois dans la presse qu’aucune paix ne peut se faire sans justice. Des proches du Président Laurent GBAGBO sont inculpés, emprisonnés, pendant que des proches d’Alassane Ouattara, notamment ceux de la rébellion à leur tête Soro Guillaumes, Wattao, Commandant Fofié et autres, ont du sang des ivoiriens sur les mains et son en liberté. Ils ont même été formellement indexés par certaines institutions internationales de droits de l’homme. On ne vous a pas entendu sur cette justice partiale ?
Nous nous sommes déjà exprimé sur ce sujet. Le 31 mai dernier nous avons écrit au procureur et au président de la CPI pour leur exprimer notre refus de toute justice partisane et dépendante. En le disant, nous nous attaquions indirectement à cette façon pitoyable de manipuler la justice. Nous sommes en droit et avons le devoir de condamner cette façon de faire et nous la condamnons vivement. Mais comprenons que nous sommes en politique et ceux qui gouvernent le pays sont loin d’être des idiots. Ces noms que vous citez sont ceux qui ont contribué à faire de Ouattara président suite à la guerre et au coup d’État du 11 avril dernier. Il a conquis le pouvoir par les armes et c’est par les armes qu’il compte le conserver. Dans ces conditions, il n’est pas prêt à se débarrasser de ses guerriers. Il est dans la logique de la realpolitik. C’est pourquoi le COPACI, comme je l’ai déjà dit, propose l’élection du procureur de la république, capable de poursuivre en toute liberté, indépendance et impartialité tout citoyen, quelque soit sa fonction et ses liens avec le pouvoir, sauf exception prévue par nos lois.
L.T: Lorsque je parcours certaines de vos déclarations, j’ai le sentiment que vous rejoignez certains observateurs de la vie politique ivoirienne qui estiment que Alassane Dramane Ouattara est Président de la République de la Côte d’ivoire suite à un Coup d’Etat commencé le 19 septembre 2002 et qui a pris fin le 11 avril 2011. Vraie ou faux ?
Notre position sur ce sujet se fonde en droit. Quand dans un processus électoral démocratique, le droit constitutionnel d’un État souverain est clairement dit et appliqué concernant le vainqueur de l’élection présidentielle, tout renversement de la situation issue de ce droit par quelque moyen que ce soit s’appelle coup d’État. En Côte-d’Ivoire il y a donc bien eu coup d’État le 11 avril 2011, qui a conduit Ouattara au pouvoir. Tout ce qui a suivi n’est que du plagiat juridique, du vernissage pour tenter de masquer la laideur de ce coup d’État. Nous ne faisons que dire ce que dit le droit.
L.T: Pensez-vous que le président Laurent GBAGBO et ses proches en prison ainsi que ceux en exils ont un rôle à jouer dans le tissu social économique et politique de la Côte d’Ivoire ?
Ils ont bien sûr un rôle à jouer dans le tissu social, économique et politique de notre pays , en tant que politiciens, fonctionnaires, simples citoyens. En plus, leur libération permettra la réconciliation que recherche les nouvelles autorités, s’il la veulent vraiment. Cette libération créera la normalisation de la situation, en favorisant le retour massif des réfugiés. Cette normalisation influencera positivement le tissu social, économique et politique.
L.T: C’est donc vraie aucune réconciliation vraie ne peux se faire tant que le Président Laurent GBAGBO et ses proches seront emprisonnés ?
Cela est vrai.Ceux mêmes qui parlent de réconciliation en sont conscients. C’est pourquoi nous nous posons la question de savoir s’ils veulent vraiment la réconciliation en les maintenant en prison. Gbagbo reste le leader politique d’une grande majorité d’ivoiriens qui n’approuvent pas sa détention arbitraire et celle de ses proches. Vous ne pouvez priver injustement tous ces ivoiriens de leur leader et les appeler à la réconciliation. C’est les appeler à jouer le jeu de l’hypocrisie. Que gagnera-t-on dans ces conditions, après avoir gaspillé de l’argent dans une telle entreprise?
L.T: DIDIER DROGBA a été choisi pour représenter les Ivoiriens de la diaspora au sein de la commission vérité, paix et réconciliation. Même si l’intéressé n’a pas encore officiellement donné son accord contrairement à ce qui se dit à Abidjan, que vous inspire ce choix ?
Le choix des réconciliateurs est certes important mais n’est pas le plus important. Il faut qu’ils soient sages pour proposer des solutions concrètes au problème à l’origine de la discorde. Vous comprenez donc que ce n’est pas la personnalité ou l’influence des réconciliateurs qui va créer la réconciliation mais la solution au problème posé. Ce n’est pas le médecin qui guérit le malade, c’est le remède qu’il prescrit. Cette vérité est valable pour la réconciliation en Côte d’Ivoire. A priori, nous pouvons dire que le choix de Didier Drogba est bon. A posteriori nous aviserons.
L.T: Les nouvelles autorités Ivoiriennes programment les prochaines législatives pour le mois de décembre. Le COPACI compte -t-il y participer ? Ou alors posez-vous des réservent comme le FPI ?
Avant de répondre à votre question nous tenons à critiquer le fait que le pouvoir actuel s’est plusieurs fois illustré dans la violation des lois de la République, avant et après le 11 avril, et cette situation ne fait que perdurer. Alors pendant qu’il montre son mépris pour les lois de la République, quel intérêt politique a-t-il à organiser des élections législatives? Les gouvernants actuels ont montré que leurs volontés et caprices sont au-dessus des lois. Dans ces conditions des élections législatives, n’ont pour eux aucun intérêt politique et sont loin de s’inscrire dans le jeu normal de la démocratie. Sans doute ils veulent des législatives pour donner des indemnités parlementaires à leurs camarades politiques qui n’ont pu être nommés ministres ou à d'autres hautes fonctions de l'administration. Les législatives à venir seront pour le pouvoir l’occasion très heureuse de conquérir par tous les moyens, y compris la fraude, une légitimité et de mettre fin au débat sur «qui a gagné la présidentielle du 28 novembre 2010?». Dans ce cas, ils se donneront les moyens pour dire que les législatives confirment bien que le président Gbagbo avait volé, avec l’aide de son ami Yao Paul N’Dré, leur victoire électorale du 28 novembre 2010. Les conditions d’élections libres, transparentes et démocratiques sont-elles réunies? Pour le moment, notre constat de la situation nous force à répondre par la négative. Alors nous posons une réserve. Nous irons aux élections législatives quand les conditions qui viennent d’être évoquées seront réunies. Quand on ne peut pas sauver la démocratie, mieux vaut ne pas être complice de son assassinat en participant à des élections wouya-wouya. En politique, il faut éviter de contribuer à sa propre humiliation électorale quand les règles du jeu sont faussées.
L.T: Quel est votre analyse sur le vaste chantier de recensement des fonctionnaires et agents de l’Etat ? N’est-ce pas de la poudre aux yeux, une stratégie pour radier les proches du Président Laurent GBAGBO en exil ?
Cet énième recensement des fonctionnaires montre combien de fois l’État ivoirien n’a pas cessé d’être désorganisé, au point de ne jamais maîtriser l’effectif réel et le contrôle effectif de ses fonctionnaires. Cette situation ressemble à un système mafieux mis en place pour détourner l’argent des ivoiriens avec la complicité de certaines banques. On crée de faux fonctionnaires dont les salaires sont virés dans des banques et que l’on récupère par la suite pour le partage du butin. Il faut mettre fin à tout ce désordre et à ce vol organisé. Nous ne sommes pas sûrs que ceux qui font le recensement actuel veulent y mettre fin. Ce recensement pourrait avoir pour objectif la bonne maîtrise de ce système mafieux pour mieux en profiter. Rassurez vous, pour radier des proches du président Gbagbo en exil, le pouvoir actuel n’a pas besoin de recensement. Il n’a qu’à constater un abandon de poste sans motif valable. Car la vérité est qu’on peut venir se faire recenser et abandonner son poste sans motif valable. Or on est payé pour le travail qu’on fait. Mais nous pensons qu’il ne faut pas persévérer dans les frustrations des ivoiriens. Ceux des fonctionnaires en exil, qui jouissent d’un statut de réfugié ne doivent pas être radiés si facilement. A la limite, l’on peut suspendre leurs salaires et les remplacer temporellement par des contractuels.
L.T: Que diriez-vous au président Alassane Ouattara si vous aviez un message à lui donner ?
Je lui dirais que tout pouvoir humain est temporel et non éternel. C’est pourquoi il ne faut pas transformer ces adversaires politiques en ennemis permanents pour leur faire une guerre quotidienne par tous les moyens. Car aucune guerre n’est gagnée d’avance. Nous savons qu’il est venu prononcer la messe de requiem de la démocratie en Côte-d’Ivoire. Mais en tant que démocrates, nous avons foi que la démocratie ressuscitera de sa tombe, parce que le peuple ivoirien a su montrer sa soif, sa mobilisation et sa détermination pour la démocratie en 1990 et en 2000.
Une interview réalisée par OSIRI ALEX CEDRIC
Source: Le Temps du 29 septembre 2011.