Agriculture : LE CACAO IVOIRIEN A MAL A LA CABOSSE

Le 04 janvier 2011 par Framat.info - Les producteurs de cacao de Côte d’Ivoire en ont le sommeil troublé : leurs plantations subissent régulièrement les assauts de deux

Un planteur dans son champ de cacao.

Le 04 janvier 2011 par Framat.info - Les producteurs de cacao de Côte d’Ivoire en ont le sommeil troublé : leurs plantations subissent régulièrement les assauts de deux

maladies virulentes, le Swollenshoot et, récemment, la pourriture brune. Cette dernière s’est déclarée en juillet dernier dans les villes côtières de San Pedro, Tabou et Sassandra, situées entre 380 et 500 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, capitale économique du pays, a annoncé le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (IRIN). Puis au mois d’octobre, c’était au tour de l’agence ivoirienne de presse (Aip) de rapporter une perte de production due aux affres du Swollen shoot, s’élevant àprès de 1000 hectares par an entre 2007 et 2010, dans la région de la Marahoué, zone pourvoyeuses d’une grande partie de la production cacaoyère ivoirienne. En effet, à l’occasion du lancement de l’activité d’appui spécial au développement du cacao à N’denoukro, village situé à 20 km de Bouaflé (chef-lieu de la région de la Marahoué), M. Célestin N’guessan, administrateur provisoire du Fonds de développement des activités des producteurs de café-cacao (Fdpcc), déclarait : « le verger du cacao de la Marahoué, estimé à 82 000 hectares est passé à 79 000 hectares, et cela en moins de trois ans ». Ces maladies, encore méconnues des scientifiques, pourraient causer la perte d’un tiers des récoltes du premier producteur mondial de cacao, déclare pour sa part le site internet www.maxisciences.com .

Swollen shoot ou « sida » du cacao ivoirien
Surnommé « sida » du cacao en raison de sa virulence et du fait qu’aucun traitement n’a jusqu’ici pu en venir à bout, le Swollenshoot a été décrit depuis 1943 dans certains secteurs du verger ivoirien, notamment dans la zone Est à Sankadiokro (département d'Abengourou) et Kongodia (département d'Agnibilékro). Mais les effets du Swollen shoot se sont fait lourdement sentir au début de la décennie 2000, provoquant, de fait, ainsi que le déplacement forcé de milliers de paysans qui ont quitté leurs plantations situées dans l’ouest du pays. En 2000, les producteurs de la région de Sinfra, dans le centre-ouest, ont été frappés par le virus du Swollenshoot qui a détruit 40% des plantations, relate M. AdouEbotie, responsable à l’Agence nationale d’appui au développement rural (Anader) du département de Sinfra.
En 2003, explique la documentation disponible au Centre national de recherche agronomique (Cnra), une prospection a permis de découvrir un nouveau foyer dans le Centre-Ouest du pays dans les départements de Sinfra et Bouaflé. En effet, les localités de N'Zikro et Tanokro dans le département de Sinfra, Petit-Gohitafla et Yobouet-Kouassikro, dans le département de Bouaflé ont été sinistrées. Plusieurs vergers de cacaoyers ont été réduits à l'état de jachère par la maladie, offrant ainsi un paysage agricole de désolation. Les pertes de production varient de 40 à 100%.
Presque tous les planteurs ont constaté la mortalité de cacaoyers dans leurs parcelles. Le virus se transmettant essentiellement par la cochenille par simple piqûre sur la plante, les exploitants avaient observé, avant le dessèchement complet du cacaoyer, le gonflement de parties de tiges, la décoloration et la déformation des feuilles et une réduction de la taille des cabosses. Ainsi, le nombre moyen de cabosses est de 12 sur les cacaoyers malades et de 21 sur les ca caoyers sains. De plus, le poids moyen des cabosses d'arbres malades est de 287 grammes contre 420 grammes pour ceux des arbres sains. Les fèves des arbres malades sont quant à elles plus petites, leur poids moyen est de 65 grammes contre 104 grammes pour celles provanent d'arbres sains. De plus, les cabosses d'arbres malades ont deux fois plus de fèves plates que les saines.
Le gonflement des rameaux, à la base, à l'extrémité ou dans l'entre-nœud, constitue le symptôme le plus spectaculaire de la maladie. Le gonflement des rameaux est fréquent et prononcé. Les renflements peuvent également apparaître sur les racines. Les symptômes foliaires se caractérisent, sur les jeunes feuilles, par un éclaircissement le long des nervures, sur les feuilles matures par l'apparition d'un éclaircissement jaunâtre, la décoloration et la panachure. La déformation des feuilles et des cabosses est également observée. Les feuilles ont une forme effilée, une surface de limbe réduite et se recroquevillent. Les cabosses sont plus petites et ont une forme arrondie. En revanche, tous les symptômes énumérés ne s'observent pas tous dans une même localité. Mais une forte défoliation suivie de la mort des arbres malades est observée dans tous les cas.
Vu la gravité de cette maladie, le Centre national de recherche agronomique a entrepris de mener deux types d'actions de recherche. A court terme, une étude épidémiologique devrait permettre d'identifier et de circonscrire les foyers d'infection dans les différentes régions de production de la Côte d'Ivoire. Des mesures d'hygiène et de prophylaxie seront alors appliquées pour freiner la progression du Swollen shoot. A moyen et long termes, l'étude de l'agent pathogène et des vecteurs sera entreprise, de même que la sélection et la diffusion de variétés de cacaoyer résistantes ou tolérantes au virus.
La pourriture brune, plus récente mais toute aussi virulente
C’est vers le mois de juillet dernier que les récoltes de nombreux producteurs du sud-ouest de la Côte d’Ivoire, ont commencé à être décimées par une attaque de pourriture brune des cabosses du cacaoyer. L’information rapportée par l’IRIN, fait état de ce que la maladie de la pourriture brune (également connue sous le nom de pourriture des cabosses) prolifère dans l’humidité, rendant les cabosses de cacaoyers noires et visqueuses, et les fèves immangeables et invendables. Or, chaque ville a enregistré 10 jours de pluie en 20 jours fin juin et début juillet, selon la Direction de la météorologie nationale.
Les dégâts occasionnés par la pourriture brune sont considérables : trois quarts de la production disparaissent sous les effets de ce mal virulent. « En cette période-là de l’année (juin-juillet), je devais normalement pouvoir remplir de fèves quatre sacs de jute, mais pour l’instant, je n’ai réussi qu’à en remplir un seul ; voilà la gravité de la situation. Actuellement, la pourriture brune est en train de dévorer la région de San Pedro »explique M. Anaïs Koffi, producteur de cacao près de la petite ville portuaire animée de San Pedro. Qui déclare avec amertumequ’il a dû abattre un arbre sur 10 pour tenter de maîtriser la propagation de la maladie.
Pour traiter la maladie de la pourriture brune, il convient de pulvériser les cacaoyers d’insecticide et de fongicide une fois par mois.M ais à ce jour, seul un petit nombre de plantations a été pulvérisé, car «ce traitement est tellement coûteux que les producteurs ont recours à des méthodes précaires et dépassées - le retrait des cabosses pourries ou l’abattage des arbres pour faire passer l’air », explique M. Patrice Rox, porte-parole du Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (Fdpcc). Avant d’évoquer la distribution de substances chimiques destinés à traiter 550 hectares à l’insecticide et 225 hectares au fongicide, cette année, pendant la période de production du cacao, qui a débuté le 1er octobre dernier.
Si l’attaque actuelle de pourriture brune ne touche pour l’heure qu'un pourcentage relativement faible de producteurs, nombre d’entre eux craignent qu’une propagation de la maladie n’ait des conséquences dévastatrices. C’est le cas des paysans réunis au sein de l’ANAPROCI premier syndicat de producteurs de cacao du pays. Par la voix de leur vice-président M. Bilé Bilé, ils estiment que les pouvoirs publics « doivent faire plus pour aider les producteurs à lutter contre la pourriture brune des cabosses ».
Six millions d’Ivoiriens dépendent de la production de cacao pour survivre. La Côte d’Ivoire compte environ 900 000 cultivateurs de cacao et a produit 1,22 million de tonnes de cacao en 2009, soit 36% de la production mondiale, d’après l’International Cocoa Organization. Le cacao est une des principales sources de devises du pays, auquel il a rapporté un milliard de dollars en 2006, contre 1,3 milliard pour le pétrole et autres produits raffinés, selon le Fonds monétaire international.
Un projet public de recherches sur le Swollen shoot, doté d’un budget de 1,67 million de dollars, a été suspendu en juin 2008, lorsque 23 membres des organismes responsables de la production de cacao, qui avaient contribué à définir les plans de recherche, ont été arrêtés pour corruption. De même, les travaux d’une commission formée pour examiner les différentes pratiques observées dans le secteur ivoirien du cacao sont retardés, en partie parce que les producteurs sont mécontents de bon nombre des recommandations de la commission.
Cette année, Kouassi N'Guessan, cultivateur dans le département de Bouaflé, a abandonné la plantation de cacaoyers de son père, après la destruction de 16 de ses 17 hectares de cacao. « Je plante des hévéas à la place, mais il faut compter deux ans pour qu’ils arrivent à maturité et puissent nous rapporter de l’argent. C’est dur d’avoir de l’espoir. Nous sommes malheureux parce que nous avons perdu notre moyen de subsistance » regrette-t-il.

Ghislaine ATTA