RDC: Démission du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Félix Tshisekedi a désormais les mains libres

Par Ivoirebusiness - RDC. Démission du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Félix Tshisekedi a désormais les mains libres à la tête du géant fragile de l'Afrique centrale.

Le Premier ministre, Sylvestre Ilunga, remettant sa lettre de démission au Président de la République, Félix Tshisekedi, au Palais de la nation. Le 29 janvier 2021. Photo presse présidentielle.

Le Premier ministre de la République démocratique du Congo, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, a démissionné le vendredi 29 janvier 2021 en remettant sa lettre de démission au Président de la République Félix Tshisekedi au Palais de la nation, a appris un journaliste d'Ivoirebusiness.

Déchu la veille par l’Assemblée nationale par 367 voix pour, 7 voix contre, et deux abstentions sur total de 500 députés, il avait 24 heures pour démissionner selon l'article 147 de la constitution soit le jeudi 28 janvier 2021.

Cet article dispose : « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures. »

Le Premier ministre, 73 ans, "a déclaré avoir tiré les conséquences de l'évolution de la situation politique actuelle", a indiqué la présidence sur son compte Twitter.

Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, dispose désormais des mains libres à la tête du géant fragile de l'Afrique centrale, après la démission d'un Premier ministre fidèle à Joseph Kabila, son tout-puissant prédécesseur qu'il a isolé en moins de deux mois.

Soutenu par les Américains et l'Union européenne, le chef de l'Etat, au pouvoir depuis deux ans, doit désormais appliquer les promesses qu'il a faites aux quelque 85 millions de Congolais en annonçant la fin de sa coalition avec M. Kabila le 6 décembre: lutter contre la corruption et la misère qui touche les 2/3 de la population, ramener la paix dans l'Est du pays, ensanglanté par les violences des groupes armés...

M. Tshisekedi, 57 ans, peut désormais gouverner seul, sans les contraintes de l'accord de coalition qu'il avait conclu avec M. Kabila et sa majorité parlementaire juste avant son investiture le 24 janvier 2019.

- Rumeurs de corruption -

Le fils de l'opposant historique Etienne Tshisekedi va commencer par nommer le Premier ministre et le gouvernement de son choix.

Pour ce faire, il dispose d'une large majorité de 391 députés sur 500 à l'Assemblée nationale, d'après le pointage du chargé de mission (un "informateur" en droit congolais) qu'il avait nommé pour identifier sa propre "majorité d'union sacrée de la Nation".

Agitant une menace de dissolution, le président a rallié à sa cause 24 "regroupements" politiques, dont certains affiliés hier encore au Front commun pour le Congo (FCC), la machine de guerre politique que M. Kabila avait mis en place pour quitter le pouvoir sans perdre son influence politique.

Dans ce pays où la politique et l'affairisme font cause commune, des députés FCC ont cédé à l'appât du gain, rapportent des rumeurs persistantes.

M. Tshisekedi a aussi rallié à sa cause deux opposants de poids, le riche homme d'affaires Katangais Moïse Katumbi, issu de l'est, et l'ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba, populaire à Kinshasa et dans l'ouest du pays.

- Gérer les appétits-

Le groupe parlementaire Mouvement de libération du Congo (MLC, le parti de M. Bemba) "a adhéré officiellement à l'Union sacrée de la nation", a indiqué l'un de ses cadres, Mohamed Bule."Nos deux leaders Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba ont décidé de travailler en synergie", a-t-il ajouté.

M. Tshisekedi va devoir désormais gérer les appétits de MM.Katumbi et Bemba, qui vont exiger des postes et des responsabilités au gouvernement et à l'Assemblée nationale.Le test aura lieu dès la semaine prochaine, lors de l'élection du nouveau bureau de l'Assemblée.

En moins de deux mois, Félix Tshisekedi a fait sauter tous les verrous que son prédécesseur Kabila avait mis en place avant de lui céder le pouvoir en janvier 2019, en espérant bien revenir aux affaires aux prochaines élections de 2023.

La coalition, la majorité pro-Kabila à l'Assemblée, le Premier ministre et son gouvernement pléthorique de 65 ministres dont les 2/3 étaient membres du FCC pro-Kabila: "Béton" Tshisekedi (l'un de ses surnoms) a abattu une par une toutes les murailles qui protégeaient Joseph Kabila.

Désormais isolé et replié dans son fief du Katanga, à Lubumbashi, avec quelques fidèles, Joseph Kabila, 49 ans, garde toujours le silence.

Eric Lassale