"Noire et belle": en Côte d'Ivoire, un concours pour lutter contre la dépigmentation et valoriser la peau noire

Par RTBF.BE - - "Noire et belle": en Côte d'Ivoire, un concours pour lutter contre la dépigmentation et valoriser la peau noire.

"Noire et belle : en Côte d’Ivoire, un concours pour lutter contre la dépigmentation et valoriser la peau noire - © Tous droits réservés.

« Je suis un diamant noir », « la dépigmentation n’a jamais été synonyme de beauté » : sur le podium, les 26 candidates de la compétition « Mousso’ko (‘affaire de femmes en langue mandingue), miss noire et belle », valorisent leur teint naturel, sous les acclamations du public. Samedi 16 mars à Abidjan, plus d’un demi-millier de personnes, majoritairement des jeunes femmes, ont assisté à la finale de la deuxième édition de ce concours de beauté visant à lutter contre la dépigmentation — « tchatcho » en Nouchi, l’argot ivoirien.

Un phénomène qui touche une femme sur trois ou quatre en Afrique de l’Ouest, selon le Pr Joseph Elidjé Ecra, du service de dermatologie d'un Centre hospitalier universitaire (CHU) abidjanais. Dans la capitale économique, c’est même une femme sur deux qui recourt à des produits éclaircissant la peau.

Laure Prisca Ibo, comédienne et influenceuse surnommée " Prissy la dégammeuse ", a lancé " Mousso’ko, miss noire et belle " après avoir perdu plusieurs amies des suites d’un cancer de la peau lié à la dépigmentation. Son constat : " Le teint clair vend beaucoup plus. Dans les pubs, les clips vidéos, on voit des femmes blanches ou métis, alors ce concours de beauté, c’est un combat contre ceux qui nous ont fait croire qu’on n’était pas jolies en étant noires. "

Pour " Prissy ", c’est souvent " par manque de confiance ou par ignorance " que certaines femmes recourent à la dépigmentation. Il suffit que leur compagnon " les trompe ou les largue pour une femme plus claire, et elles pensent que c’est parce qu’elles sont noires de peau ".

" C’était une mode "
Laetitia, 28 ans, a commencé à s’éclaircir la peau à son arrivée à Abidjan, en 2013. " Toutes les filles étaient claires, c’était une mode et ces filles-là plaisaient plus aux garçons ", se remémore-t-elle. La jeune étudiante se dépigmente de plus en plus, jusqu’à son hospitalisation pour anémie l’an dernier. " Les médecins m’ont dit d’arrêter. Ca n’a pas été facile de redevenir noire car pendant quelques mois, ta peau est vilaine et les gens se moquent de toi, mais aujourd’hui je suis fière d’avoir arrêté ", confie Laetitia.

Malgré leur interdiction par le gouvernement ivoirien depuis 2015, les lotions éclaircissantes continuent à se vendre massivement sur les marchés, à la vue de tous. Ces produits, en raison des corticoïdes qu’ils contiennent, amincissent la peau et la fragilisent, ce qui peut entraîner des complications lors d’interventions chirurgicales. Ils peuvent également provoquer des vergetures ou « des maladies internes, dont l’hypertension et le diabète », comme l’a averti le Pr Ecra, cité par l’Agence ivoirienne de presse.

Le « tchatcho » a pris tellement d’ampleur qu’il est difficile à contenir. Priscille Gnamien, miss « Noire et belle » 2018, a bien essayé de sensibiliser des jeunes Abidjanaises. « On leur demande d’arrêter, mais elles continuent, déplore-t-elle. Heureusement, certaines m’écoutent parce qu’elles trouvent que j’ai un beau teint ».

Jasmine Grah, la gagnante 2019, entend continuer ce combat. Salutaire pour Fanta, 21 ans, dans le public pour soutenir sa sœur candidate. « Il faut valoriser la peau noire. Je préfère avoir le teint naturel, je n’ai pas envie de me sacrifier pour un garçon ! », rit-elle.

Amandine Réaux