La rencontre de Bruxelles: Les prémices de la prise de conscience d'une faute historique, Par Dr Kock Obhusu

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - La rencontre de Bruxelles. Les prémices de la prise de conscience d'une faute historique, Par Dr Kock Obhusu.
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Dr Kock Obhusu.

Le Président Henri Konan BEDIE est allé à Bruxelles pour rencontrer le Président Laurent GBAGBO le 29 juillet 2019. C’est une bonne chose. Mais disons tout de suite aux lecteurs que cette rencontre ne s’inscrit pas du tout dans une perspective de préparation des élections présidentielles de 2020 comme l’on s’empresse d’affirmer.

Elle ne s’inscrit pas non plus dans une démarche de mise en place d’une alliance quelconque entre le Parti démocratique de Côte d’Ivoire et le Front populaire ivoirien.

Néanmoins, c’est une bonne chose. C’est une bonne chose d’autant plus qu'elle traduit la prise de conscience du Président Henri Konan BEDIE et d’une majorité des cadres de son parti de leur faute historique.
Henri Konan BEDIE est l’un des acteurs politiques ivoiriens de premier plan de la tragédie que connaît actuellement le peuple ivoirien.

C’est indéniable. Est-il vraiment besoin de rappeler ici les détails de cette tragédie ? Non, ce n’est pas nécessaire car chacun de nous l’a vécue et la vit encore aujourd'hui au quotidien. Les couteaux sont encore dans les plaies !

Il est aussi de façon incontestable, celui qui a cautionné la déportation du Président Laurent GBAGBO et du ministre Charles Blé Goudé à La Haye, le maintien en exil de nombreux cadres et citoyens du pays. Il a participé à l’emprisonnement de nombre de citoyens, de personnalités civiles et de militaires. C'est une responsabilité historique dont il ne peut se dérober. Il peut juste faire acte de contrition pour être pardonné par les ivoiriens. Et nous pensons que sa démarche actuelle s’inscrit dans cette perspective.

Certains veulent voir dans cette rencontre les préliminaires de constitution d’une alliance entre le Parti démocratique de Côte d’Ivoire sous-section du Rassemblement démocratique africain et le Font populaire ivoirien ainsi que l’ouverture d’un chemin au dialogue. Mais de quel dialogue s’agit-il ?

De quel dialogue s’agit-il qui n’ait jamais été ouvert en Côte d’Ivoire ?
A moins qu’il ne s’agisse-là, d’une ouverture au dialogue du PDCI-RDA qui à un moment de l’histoire de la nation ivoirienne a choisi de prendre un chemin de traverse. Par contre, s’agissant du Président Laurent GBAGBO et du Front Populaire Ivoirien aucun chemin au dialogue n’a jamais été fermé. Le Président GBAGBO a toujours été ouvert à tous les échanges possibles.

Dès son accession au pouvoir, il s’est empressé d’organiser un forum de réconciliation nationale voyant que l'équilibre social avait été soumis à rudes épreuves par le coup d'Etat de 1999 et l'exercice du pouvoir par les militaires quelque peu désaxé.

Il a pris toutes les dispositions nécessaires pour que son prédécesseur, le Président Robert Guéï égaré dans des turpitudes revienne dans la République, pour que Ouattara et Bédié qui s’étaient exilés en France reviennent au pays en toute sécurité et bénéficient de toutes les garanties matérielles possibles. Tous les échanges pouvant permettre d’épargner au peuple ivoirien ce qui a fini par lui arriver ont été engagés à travers l’engagement de discussion et de mesures concrètes.

Souvenons-nous, lorsque les assaillants ont attaqué la Côte d’Ivoire en 2002 et que la France, prétextant jouer les médiateurs, a invité la classe politique et les assaillants à Marcoussis, Laurent GBAGBO a donné son accord. Ses ministres sont allés en France pour dialoguer en espérant trouver une solution à la crise déclarée.

On sait tous ce qu’ils en ont rapporté: une gouvernement de bric et de brocs. Les déplacements qui ont donné lieu à la signature d’accords – disons le - abracadabrantesquesà Accra, à Lomé, à Johannesburg jusqu’aux accords de Ouagadougou s’inscrivent incontestablement dans cette disposition d’ouverture du Président Laurent GBAGBO au dialogue et son indéniable attachement à ce principe qui fonde sa philosophie de la vie, de l’action publique et politique :
« asseyons-nous et discutons ».

Lorsqu’il a été question d’aller aux élections en 2010, il a fait confiance aux assaillants et à la communauté internationale qui les portait sans exiger le désarmement avant alors que sans grande expertise l’on pouvait facilement voir ce qui allait arriver à savoir : la victoire par les armes au détriment de la victoire par les urnes.

Si aujourd’hui, le Président Konan BEDIE à la lueur des constats de situation qu’il fait des malheurs du peuple ivoirien décide de s’inscrire dans la démarche de dialogue tant mieux.
Comme dit l’adage « mieux vaut tard que jamais ».

Tout ce que l’on peut souhaiter est qu’il soit avec toute son équipe du PDCI dans une démarche sincère et sans arrière pensée. Une démarche qui privilégie l’intérêt de la côte d’Ivoire et de son peuple et qui ne s’embarrasse pas d’intérêts politiques mesquins et éphémères.

Ce qu’il convient de préciser du contexte actuel est de dire que les élections de 2020 ne constituent pas une priorité pour le Front Populaire Ivoirien. Pour le FPI, il s’agit prioritairement de créer les conditions d’une réconciliation véritable du pays. Cette réconciliation c’est de recoudre le tissu social déchiré par la rébellion et mis en miettes par la prise violente du pouvoir par les armes, c’est de reconstituer le lien social aujourd’hui coupé entre les ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire et ceux des autres régions de ce pays.

Il faut permettre au koyaka, au sénoufo, au lobi, au yacouba et autres ethnies faussement abusées et qui peinent à s’ouvrir aux frères et aux sœurs du sud, du centre, de l’est et de l’ouest de le faire sans crainte. Les enfants de Côte d'Ivoire doivent se mêler comme ils l’ont toujours été sans crainte du qu'en dira t-on familial.

La deuxième chose à savoir est qu’il n’est pas question à court comme à moyen terme de faire une quelconque alliance entre PDCI et le FPI. Tout sépare au plan philosophique, au plan de la conduite de l’action publique et économique ces deux partis.

Cette rencontre signe donc tout simplement le début d’une prise de conscience de Henri Konan BEDIE et du PDCI d’une erreur historique aux conséquentes lourdes pour le peuple de Côte d’Ivoire. Elle marque aussi malgré les souffrances qu'il a endurées du Président Laurent GBAGBO de son attachement à l'intérêt de l'homme ivoirien de quelque région qu'il soit.

La prochaine étape que nous espérons et que le peuple ivoirien attend avec une grande impatience, c’est un discours solennel du Président Henri Konan BEDIE devant la nation toute entière pour dire humblement qu’il s’est trompé, qu’il éprouve une grande douleur face à leurs souffrances et qu’il demande pardon au nom de son parti au peuple ivoirien.

Ainsi, renouerait-il avec quelques lignes des discours de Houphouët Boignydont son parti se réclame qui consiste à dire que « l’humilité n’a jamais été incompatible avec la dignité ». Cà serait une bonne manière de commencer à s'essuyer véritablement les mains. Les ivoiriens comprendraient bien cela.

Dr Kock Obhusu, économiste.