Horreur dans la forêt du Banco: Un rescapé raconte ce qui se passe dans les camps de concentration de Ouattara
Horreur dans la forêt du Banco: Un rescapé raconte ce qui se passe dans les camps de concentration de Ouattara.
Le 05 juin 2012 par IVOIREBUSINESS - Enlevé le 08 mai et quotidiennement torturé dans la forêt du Banco, il a miraculeusement retrouvé l’air de la liberté le 18 mai. Grâce à l’apparition providentielle de l’ONUCI. Au moment où le gouvernement projette d’évacuer les espaces verts secrètement militarisés, un rescapé de camp de concentration, malgré la peur,
nous a conté son cauchemar de dix jours, espérant que plus personne, après lui n’en sera victime.
A l’abri de toute indiscrétion, au cœur du joyau environnemental d’Abidjan, la forêt du Banco, se déroulent des choses insupportables. Là-bas, la journée commence toujours dans la douleur, se coule dans la maltraitance et s’achève quelquefois dans l’horreur. Quiconque est susceptible d’être soupçonné de mauvaises intentions contre le régime en place, n’est à l’abri d’un enlèvement brutal et de traitement inhumain dans la forêt du Banco. Quand un heureux survivant raconte son terrible passage dans ce camp de concentration il en faut du courage pour ne pas trembler de peur et écraser une larme au vu des stigmates de la violence exercée sur son corps. C’est horrible ! C’est impensable ! C. M. partagé entre la crainte d’être retrouvé demain par ses bourreaux, après la parution certaine de son récit dans le journal et la révolte que lui inspire la souffrance vécue en ces lieux, cherche quelquefois les mots pour décrire ce qu’il a vu et entendu. Puis quand le débit devient spontané et régulier, des larmes perlent alors ses joues, la voix devient tremblante et soudain le regard absent. « C’est difficile à raconter, marmonne-t-il. Je suis là en face de vous mais je m’interroge encore si je suis vraiment capable de dire avec les mots qui conviennent mon cauchemar ». Il a été arrêté le matin du 08 mai alors qu’il venait régler la facture CIE de son oncle à l’agence de la compagnie d’électricité à Niangon. Quand il franchit l’entrée et se dirige vers la caisse, il est hélé par les vigiles. Invité à revenir sur ses pas, C. M. se retrouve nez à nez avec des éléments en tenue militaire qui lui intiment immédiatement l’ordre de les suivre pour prendre place à bord de leur véhicule de commandement. « Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? », interroge-t-il. Plutôt que de recevoir des explications, dit-il, il est brutalisé et conduit de force au véhicule. « Il était environ 10h lorsque j’ai été enlevé, mais jusqu’à 18h, précise-t-il, nous avons fait le tour de toute la commune de Yopougon sans qu’on me dise ce qu’on me reproche.» Au fur et à mesure que dure cette balade forcée à travers la plus vaste commune de Côte d’Ivoire, les éléments en tenue militaire procèdent à plusieurs autres arrestations. « Le soir, après 18h, le véhicule a pris la direction de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA). J’ai été pris de frayeur, confesse-t-il ? ». Mais, alors qu’il est envahi par la peur d’être conduit dans cette célèbre prison, sans raison apparente et sans aucune forme de procès, le 4×4 militaire passe à vive allure sans marquer d’arrêt au niveau de la MACA. Il avance et, plus loin, bifurque à droite et, par une piste à travers le bois, fonce, fonce et fonce dans la forêt du Banco. C. M. est plus que jamais terrifié par la peur. « En une fraction de seconde j’ai tout imaginé sauf être aujourd’hui en face de vous pour expliquer ce qu’on a vécu », se rappelle-t-il. Pendant que le véhicule poursuit son chemin dans la forêt, C. M. fait intérieurement des prières, certain qu’il vit là effectivement les derniers instants de son existence sur terre. Il avait déjà entendu parler des enlèvements et des exécutions extrajudiciaires qui ont ouvert et jalonné la crise ivoirienne mais jamais il ne s’était interrogé sur les méthodes d’arrestation et les lieux d’accomplissement de ces projets macabres. « Je m’interrogeais encore lorsque soudain on nous a dit : descendez », raconte C. M. avant de soupirer les yeux larmoyants : « nous étions loin, mes compagnons d’infortune et moi, de nous imaginer que ce soir-là venait de débuter pour nous les plus longues journées et les plus longues nuits d’un calvaire indescriptible. Je n’avais jamais pensé qu’au sein de la forêt du Banco il y avait des constructions habitables, ajoute C. M. » Mais il avoue que sa surprise a été grande le lendemain de constater que l’endroit qui les accueillait était une enclave de six bâtiments dont deux servent de cellules de détention tandis que les quatre autres sont utilisés comme dortoirs par ceux qui gouvernent les lieux : plusieurs éléments en tenue militaire dont le chef se surnomme waraba et une quinzaine de dozos. Il affirme que dès leur arrivée ils ont été obligés de se mettre en tenue d’Adam avant d’être enfermés dans la cellule. « Peu après ils m’ont fait sortir pour me soumettre à un interrogatoire serré, poursuit-il. Ils m’ont violemment projeté à terre et, très menaçants, ils m’ont traité de milicien à abattre. Lorsque j’ai répondu que je n’en étais pas un, ils m’ont roué sans arrêt de violents coups en me disant que tous les miliciens disent la même chose quand on les arrête. J’étais très affaibli lorsqu’ils m’ont demandé de rejoindre la cellule. Mais ils m’ont prévenu qu’ils avaient des moyens pour me faire dire la vérité ». Le lendemain 09 mai, on sort les « détenus » à tour de rôle pour l’interrogatoire promis : « sous une bâche dressée dans la cour, une table se tient qui sert de salle à manger mais aussi à l’interrogatoire ; un fourneau, contenant des baguettes de fer incandescentes est posé là à côté de celui qui doit conduire l’interrogatoire. » Puis C. M. s’entend dire : « Toi là viens ici ! Tu ne veux pas reconnaitre que tu es milicien non ? On va voir si tu peux tenir longtemps. Puis un jeune en tenue militaire beaucoup plus excité a retiré des braises du fourneau une baguette de fer et, pendant que l’autre continuait de m’assener de questions, il l’a posé sur mon dos nu à plusieurs reprises. Chaque fois que je criais de douleur, celui qui conduisait l’interrogatoire s’étonnait et me disait qu’il déplore qu’un garçon comme moi je ne puisse retenir ses pleurs ». C. M. en est fortement marqué. Moralement et physiquement. A tel point qu’il paraît encore ressentir la douleur du fer chauffé lorsqu’il relève sa chemise pour nous présenter son dos zébré de plusieurs petites plaies profondes. « Je ne sais pas comment vous le dire mais nous avons trop souffert », marmonne-t-il. Selon lui chaque jour apporte son lot de « raflés » qui sont repartis dans les cellules en fonction des sexes : « Quel que soit le groupe, tout le monde est nu dans la cellule. Les gens abusent fréquemment des filles qui sont généralement des prostituées. »
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A en croire C. M. les garçons ne sont pas en reste. « Un jour, raconte-t-il, une jeune fille en tenue militaire a fait sortir de la cellule un de nos compagnons de fortune. Elle s’est mise à jouer avec ses parties génitales lorsque…vlan ! Un coup de pied à son bas-ventre. » Ces scènes, selon C. M. constituent le vécu des incarcérés de la forêt du Banco. Mais leurs bourreaux trouvent le temps à consacrer à des sorties sur la ville d’où ils reviennent souvent avec de nouveaux « raflés », des téléphones portables, des téléviseurs…et aussi de la drogue. « Pendant les quartiers libres ils s’en donnent à cœur joie », précise C. M. Mais quelquefois il peut se produire le pire : « Un jour, prétendant accorder la liberté à un détenu, ils lui ont demandé de sortir de la cellule et lui ont indiqué un chemin à emprunter. Apparemment le détenu flairait quelque chose. Il ne voulait pas bouger. Mais quand finalement il s’est décidé à avancer sur le chemin qu’on lui indiquait un élément s’est proposé de l’accompagner. Celui-ci est revenu quelques instants après, tout heureux d’avoir réalisé quelque chose ». Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? « L’atmosphère est devenue subitement lourde dans notre cellule. Moi je suis resté pensif tout le reste de la journée », confie C. M. Il ajoute qu’en dix jours de présence en ce lieu, il a vu se produire deux fois pareille scène. « Les rôles sont bien repartis entre eux : les éléments en tenue militaire viennent par équipe en ville pour effectuer des arrestations et ramener un butin à se partager, et les dozos, eux, font la chasse pour le repas quotidien. Bien sûr ils reçoivent de la nourriture de la ville mais ils préfèrent la servir aux détenus. Nous sommes alors tenus de vider les plats sinon… », formule difficilement C. M, la gorge presque nouée. Les journées des incarcérés de la forêt du Banco sont meublées par la torture physique et morale mais aussi des travaux d’entretien du domaine qui fait office de camp militaire. Heureusement que pour C. M. et ses compagnons la providence va ouvrir les portes de la liberté le 18 mai : « des éléments du contingent béninois de l’ONUCI sont arrivés. Mais avant qu’ils n’atteignent les lieux, ceux qui nous surveillaient ont disparu dans la forêt.
Quand les militaires de l’ONUCI sont venus, ils ont jeté un coup d’œil rapide et ils voulaient repartir. Mais un parmi nous a crié pour les alerter. Ils nous ont demandé ce qu’on faisait là et donné l’impression de s’étonner devant le traitement qu’on subissait. Ce qui nous a étonnés c’est qu’ils ont ajouté que s’ils avaient trouvé ceux qui nous ont mis là, ils n’allaient pas nous libérer parce qu’ils ne savaient pas ce qu’on avait fait pour être enfermés. Ils nous ont sortis des cellules et nous ont transporté jusque sur l’autoroute du nord mais ils ont refusé de prendre nos contacts et nous ont dit de ne pas chercher à les recontacter. Ils disent qu’ils ne veulent pas s’attirer des ennuis. Ils ont insisté pour qu’on ne dise rien sur eux, mais après réflexion et malgré la peur j’ai décidé de faire savoir ce qui se passe dans la forêt du Banco pour que l’opinion nationale et internationale sache ce qui menace chacun de nous ». En vérité, c’est une pierre dans le jardin du gouvernement qui communique en ce moment-ci sur le retrait des FRCI de plusieurs lieux qui ne leur sont pas destinés, au plus tard fin juin.
Source: Aujourd’hui