De Soul to Soul à Mangoua Jacques : deux faits similaires, deux traitements opposés

Par Ivoirebusiness/Débats et Opinions - De Soul to Soul à Mangoua Jacques, deux faits similaires, deux traitements opposés.

Image d'illustration d'armes entreposées.

Dans ce billet, notre contributeur fait le lien entre la découverte d’armes enregistrée chez le vice-président du PDCI, Mangoua Jacques et celle chez Kamaraté Souleymane dit Soul to Soul, proche de Guillaume Soro.

Le samedi 21 septembre 2019, il a été découvert au domicile de Mangoua Jacques, président du conseil régional de Gbêkê sise à N’Guessankro, 991 munitions de guerre de 7,62 mm, 49 munitions de fusils de type calibre 12 et 40 nouvelles machettes.

Naturellement, une procédure est ouverte contre lui. Mais, ce qui est surprenant dans l'affaire, c'est la vitalité, l'efficacité et promptitude dont la justice fait preuve là où dans le cas Soul to soul, cette même justice a été incapable de faire connaître la vérité.

En effet, suite à la découverte de ces armes, Koné Braman, le Procureur de la République près du tribunal de première instance de Bouaké a animé un point de presse, ce lundi 30 septembre 2019 au cours duquel il a affirmé : « Faute d’avoir apporté la preuve de ce qu’il n’est pas le propriétaire des munitions découvertes, à son domicile Mangoua Jacques sera traduit devant le tribunal correctionnel suivant la procédure de flagrant délit. ».

Avant d'indiquer ceci : « Dès ce soir, il sera transféré au parquet pour être entendu et ensuite être déféré à la prison civile et correctionnelle de Bouaké ».

En si peu de temps, les Ivoiriens sont fixés sur la date du jugement de Mangoua Jacques. Certes nous ne sommes pas juristes mais avec un peu de bon sens, on se demande bien si le concerné n'est pas déclaré coupable avant même d'être transféré au parquet pour audition.

Ici nous devons peut-être féliciter la justice ivoirienne pour son efficacité puisque son rôle est de situer les responsabilités. Elle doit permettre aux Ivoiriens de connaître la vérité sur les sujets qui les engagent. Alors si éventuellement à la suite d'un procès équitable, Magoua Jacques est reconnu coupable, il devra subir la rigueur de la loi.

Mais le bémol ici c'est que là où notre brave justice prend quelques heures pour fixer la date d'un procès, elle a été incapable d'en faire autant lorsque des armes ont été découvertes chez soul to soul aux heures chaudes de la mutinerie qui a causé des dommages aux populations ivoiriennes.

En effet, dans la nuit du 11 au 12 mai 2017, des caisses d'armes dont le contenu était estimé à plus de 6 tonnes à en croire le procureur Adou Richard ont été découvertes dans la piscine reconvertie en cache d'armes dans une des résidences du protocole de Guillaume Soro. Accusé de "complot contre l'autorité", il a été auditionné le 22 mai 2107. Contrairement à Mangoua Jacques, il est reparti libre à l’issue de cette convocation.
Le 10 octobre 2017, il est arrêté et écroué à la MACA. Étant dans le milieu carcéral, il a porté des accusations graves contre les autorités du pays. Dans une lettre qu'il a rédigé de mains propres, Il écrivait :

« Quelle est aberrante cette histoire d’armes dont on veut me faire à tout prix le détenteur exclusif ? Où aurais-je pu trouver l’argent pour les acquérir ? Comment tout seul, j’aurais pu les entreposer dans ma maison ?

(…) J’aurais dû dire non. Et refuser de céder ma maison pour que les militaires s’en serve comme base logistique pour leurs opérations quand nous étions reclus au Golf »,
il ajoute « Je suis mis en prison à cause des armes qui ont mis Alassane Ouattara au pouvoir.

Alors que les Ivoiriens attendaient son procès pour connaître toute la vérité sur ce dossier, Soul to Soul n'a pas été jugé. Quelques mois plus tard, dans le cadre d'une grâce présidentielle, il est libéré le 8 Août 2018.
Peut-être qu'il ne sera jamais jugé. Pourtant, Mangoua Jacques sera jugé et certainement condamné au regard des propos du procureur du tribunal de Bouaké.

Sommes-nous ici dans une procédure publiquement motivée. Nous ne serons le dire seulement, au regard de ce qui précède, les questions que nous posons à la justice sont les suivantes :

1) pourquoi elle est restée si nonchalante lorsqu'il s'agissait de traiter le cas Soul to Soul mais elle retrouve ses lettres de rigueur et de noblesse quand il s'agit de l'autre ?
2) Devons-nous comprendre que détenir 991 munitions de guerre de 7,62 mm, 49 munitions de fusils de type calibre 12 et 40 nouvelle machettes est plus grave que détenir 6 tonnes d'armes ?
3) Existe-t-il dans ce pays de "bons" délits et des mauvais délits ?

Nous l'avons dit à maintes reprises. La pire des choses qui puisse arriver dans un pays, c'est que les justiciables aient l'impression que la justice fonctionne à géométrie variable. La justice doit être impartiale et au service du peuple et non au service des politiques.

Malheureusement ces cas flagrants de fonctionnement à géométrie variable sont légion. Là où Diana Blé, la jeune étudiante est condamné à un an de prison pour trouble à l'ordre suite à des propos jugés téméraires dans le cadre de la profanation de la tombe de Dj Arafat, des députés se permettent de tenir des propos ahurissants sans que la justice ne lève le petit doigt.

Faisons attention car là où les peuples arrivent à se convaincre que la justice existe que pour les plus forts, ils vivent dans la frustration permanente.
Là où la politique s'invite dans la justice, les citoyens ont l'impression que la justice est injuste car elle fonctionne nécessairement à géométrie variable.

Il est temps de travailler véritablement pour l'indépendance de notre système judiciaire pour ne pas créer d'autres frustrations. Toutefois, nous ne disons pas que nous sommes contre la procédure engagée contre Mr Mangoua Jacques mais nous disons que tous les citoyens doivent être traités de la même manière. Nous ne devons pas avoir l'impression qu'il y a d'un côté les "bons" ivoiriens qui peut se permettre de tout faire et de l'autre côté, ceux qui vivent dans une prison à ciel ouvert.
Voilà j'ai plaidé....

Par Gnamien Attoubre

In Observateurcitoyen.net