Commercialisation du cacao : N'Guessan Edouard, Ex-Dga du Conseil café cacao, dénonce un appauvrissement des planteurs au profit des acheteurs et exportateurs

Par Linfodrome.com - Commercialisation du cacao. N'Guessan Edouard, Ex-Dga du Conseil café cacao, dénonce un appauvrissement des planteurs au profit des acheteurs et exportateurs.

N'Guessan Edouard, Ex-Dga du Conseil café cacao.

L'Ex-Directeur général adjoint du Conseil du café cacao, N'Guessan Edouard, présente les difficultés rencontrées par les producteurs de café cacao dans le cadre de la commercialisation de leurs produits.

Comment se porte la filière café cacao actuellement ?

Dans l'ensemble, la filière ne se porte pas très bien vu que la campagne principale écoulée ne s’est pas bien passée. Il y a eu des difficultés sur la commercialisation des produits. Les producteurs ont eu des problèmes pour écouler leurs productions. Des décotes systématiques de 150 Fcfa le Kilogramme (kg) à 250 Fcfa le kg ont été opérées sur le prix bord champ.

Ces sous paiements généralisés non jugulés par le Conseil café cacao (CCC) ont contribué à appauvrir les planteurs aux profit des acheteurs et exportateurs. Ces opérateurs ont tiré profit de la situation au détriment des producteurs et de l'État. De fait, on n'a pas tiré les leçons de la campagne 2016-2017.

Le CCC aurait dû prendre des dispositions pour acheter directement ou en passant par des opérateurs sélectionnés par ses soins et en utilisant les fonds de réserve et de stabilisation.

Ce qui n’a pas été fait, peut-être parce qu’il n’y avait pas de fonds suffisants. Ceci aurait permis de faire baisser la pression sur les planteurs et de mieux contrôler le prix à l’achat. Bien sûr, qu’il devait prendre des dispositions pour améliorer ses capacités de stockage. Les crises sont cycliques, elles reviennent toujours.

On a pensé que le DRD (différentiel de revenu décent de 400 dollars la tonne, soit 200 000 Fcfa) allait régler définitivement la question du revenu du planteur et du marché. On a oublié que c’est le marché qui fait le prix. Quand le CCC s’est rendu compte qu’il n’arrivait pas à vendre ses contrats parce que trop cher, il a commencé à jouer sur le différentiel pour ajuster le DRD ( il a vendu avec un différentiel de 100 FCFA le kg à 200 FCFA de décote sur le contrat).

On n’a pas trouvé rapidement la solution au blocage de la commercialisation et on a laissé le producteur payer l'ajustement sur le prix des contrats CCC et le marché. Le Ghana a un système de commercialisation intérieur ou la Cocoa Board est pratiquement seule à acheter le produit bord champs.

Ce qui fait que le producteur n’a pas de pression pour vendre son produit qui est acheté par la Cocoa Board qui se charge de le stocker et de le vendre plutard.

Même si elle le vend à perte, le déficit est directement géré par l’État. Le producteur n’a pas de baisse de revenu. Les contrats sont bouclés de concert avec la banque du Ghana et le ministère des Finances. On a conseillé après la crise de 2016/2017 de prendre des dispositions pour protéger les planteurs et mieux contrôler les prix par la mise en place d’un système électronique de paiement qui permet de tracer les transactions et de recouper les stocks.

À quel niveau se trouve ce projet et le recensement des producteurs qui restent la base de toute politique permettant de contrôler la production, de mieux suivre la commercialisation et de mettre en place des productions durables ?

Votre avis sur le prix de la campagne intermédiaire du cacao ? Ce prix est-il réaliste ?

On savait déjà que les prix allaient être ajustés au regard de l'évolution des effets du marché. Toutefois, on espère que ce prix sera respecté.

On peut dire que ce prix est réaliste, dans la mesure où, il obéit aux réalités du prix sur le marché international.

L’État peut garantir le prix fixé aux paysans en veillant au respect de son application par les acheteurs. Toutefois, il appartient au Conseil du café cacao de contrôler l'application du prix. Le Conseil du café cacao est le seul garant de l'application du prix. Il faut espérer que des contrats toxiques donc à défaut, ne sont pas dans le circuit.

Est-il judicieux d'interdire aux producteurs de créer de nouvelles plantations ?

Il faut avoir une idée de la cartographie du verger. Le Conseil café cacao a initié l'opération de recensement des producteurs et de leurs vergers. Il faut faire le point de ladite opération. Ce sont les résultats de cette opération qui permettront de savoir qui est planteur ou pas? A partir de cet instant, on pourra mieux gérer les parcelles existantes. On saura quel est la production qui sort des forêts classées.

Le Conseil café cacao avait pris la décision d’arrêter de distribuer les semences, cela n’a pas freiné la hausse de la production. Finissons le recensement et on verra quelles politiques mettre en place pour contrôler la production.

Dans le cadre de l’initiative forêts, le Ghana, la Côte d’Ivoire et les industriels du cacao ont pris l’engagement de ne pas commercialiser les productions issues des forêts classées depuis 2017.

Aujourd’hui, les consommateurs exigent des productions durables qui tiennent compte des concepts d’agriculture zéro déforestation et de protection de l’environnement, qui prennent en compte aussi bien la protection des enfants et le bien-être des planteurs.

Il faut très rapidement finaliser le recensement des producteurs et de leurs vergers, valider et mettre en œuvre nos standards de productions durables avec un système d’incitation fiscal de bonus malus et une prime aux producteurs et ensuite mettre en œuvre les systèmes de traçabilité physique et financière des produits.

Il faut espérer que les 300 milliards Fcfa de prêts à la filière, dont on parle, servent à des investissements productifs qui permettent de faciliter les remboursements et qui soient bénéfiques aux producteurs parce qu’au final, ce sont ces derniers qui payeront.

Propos recueillis par Irène BATH