Accord FPI-PDCI / Assoa Adou fait le grand déballage: "C’est un pas historique que nous venons d’accomplir "

Par Le Temps - Accord FPI-PDCI. Assoa Adou fait le grand déballage "C’est un pas historique que nous venons d’accomplir dans la marche de la Côte d’Ivoire".

Dr Assoa Adou, secrétaire général du FPI. Image d'archives.

"Le Fpi et le Pdci ont signé un accord cadre de collaboration, le 30 avril dernier. Quel sens donnez-vous à cet accord?

Cet accord est très important pour la Côte d’Ivoire. Vous savez que nous les africains, nous aimons les symboles. Si on veut parler de symbole de la lutte anticoloniale en Côte d’Ivoire, beaucoup de gens ont participé à la lutte, mais le nom de celui qui est resté, c’est celui de Félix Houphouët Boigny.
Il est le père de l’indépendance. Certains disent même qu’il est le père de la Nation.

Il a fondé le Rda, qui a sa section, le Pdci, en Côte d’Ivoire. Il y a eu la période du Parti unique. Mais avec l’évolution de la situation politique du pays, il fallait lutter pour la démocratie. Beaucoup d’ivoiriens se sont lancés dans la lutte. Mais qui a symbolisé cette lutte est celui de Laurent Gbagbo.

Cet accord que nous venons de signer, peut vouloir dire qu’il y a la jonction de deux grands partis politiques. L’un qui a lutté pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire et l’autre qui a lutté pour l’instauration de la démocratie en Côte d’Ivoire. C’est donc un pas historique que nous venons d’accomplir dans la marche de la Côte d’Ivoire.

En quoi cela constitue t-il un pas historique pour la Côte d’Ivoire?

Parce que les deux partis politiques ont décidé de se mettre ensemble pour sauver la Côte d’Ivoire. Dans ce pays, il y a eu des crises. Mais la crise qui a éclaté en 2002 jusqu’à maintenant, est une première dans ce pays. Il n’y a jamais eu autant de tueries que celles de 2002 et de 2010-2011. En dehors des luttes de résistance anticoloniales qui se sont déroulées dans les différentes régions du pays, c’est la première fois qu’une coalition internationale associée à des ivoiriens engage un combat contre la Côte d’Ivoire et instaure un système de répression. L’appel de Laurent Gbagbo lancé en novembre 2018 et qui s’est traduit par nos tournées en faveur de la réconciliation nationale et de la paix, a été aujourd’hui entendu par le Pdci-Rda. Le Président Bédié est allé voir son jeune frère Gbagbo; les deux hommes politiques se sont entendus pour apporter la paix aux ivoiriens à qui ils demandent de se réconcilier.

Ils ont d’ailleurs lancé depuis Bruxelles un appel conjoint dans ce sens. Nous sommes donc, avec le Pdci, dans cette dynamique de paix et de réconciliation. Mais cet appel s’adresse aussi à tous les partis politiques et à toutes les organisations de la société civile et confessionnelle. Le régime Ouattara vous répond invariablement que la Côte d’Ivoire est déjà réconciliée avec elle-même…C’est ce qu’on appelle faire la politique de l’autruche. C’est refuser devoir la réalité en face, alors qu’elle est bien là.

Monsieur le secrétaire général, quelle est la finalité de cet accord?

La finalité de cet accord que nous avons signé consiste à créer les conditions de réconciliation et de paix afin que tout se déroule pacifiquement en Côte d’Ivoire( que les Ivoiriens s’asseyent pour définir ensemble les règles du jeu afin que les compétitions(électorales se déroulent pacifiquement.

Pour vous, quelles sont ces règles?

Nous allons les définir ensemble. C’est pourquoi nous appelons toujours le pouvoir à la négociation. Rien n’est préétabli. Par exemple,la Direction intérimaire du Fpi, du temps du camarade Miaka, a demandé depuis septembre 2011, qu’il faut une Cei consensuelle, un découpage électoral consensuel, une liste électorale consensuelle, jusqu’aujourd’hui, ce n’est pas fait.

On a vu dans ce pays, au temps du président Gbagbo, qu’on a établit et affiché un listing électoral consensuel. L’affichage de la liste électorale à cette époque a permis aux ivoiriens de vérifier leurs noms sur ce listing et d’exercer les droits recours quand les noms n’y étaient pas. On peut faire la même chose aujourd’hui pour mettre tout le monde d’accord sur les conditions d’organisations des élections à venir. Pour ce faire, il faut s’asseoir et discuter. Et puis, il faut qu’il y ait la paix pour éviter par exemple les affrontements intercommunautaires auxquels on assiste aujourd’hui de façon récurrente. Pour tout dire, les règles du jeu doivent être définies ensemble, dans un cadre de paix et de réconciliation.

Beaucoup de personnes s’étonnent qu’un parti de gauche et un parti de droite signent un accord. N’y a-t-il pas là un choc idéologique?

La paix n’a pas de couleur. Avant, quand il existait l’union soviétique et les Etats-Unis, il y avait également ce qu’on appelle le «téléphone rouge» qui existait entre le président des Etats Unis et celui de l’Union Soviétique pour éviter qu’il y ait une confrontation internationale. C’est la même chose. Ici en Côte d’Ivoire, il faut la paix. Que vous soyez du Pdci, du Fpi, du Rdr ou d’un autre parti, il faut la paix pour que vous puissiez réaliser vos projets.

A vous entendre parler, on dirait qu’il n’y a pas la paix en Côte d’Ivoire?

C’est exactement de cela qu’il s’agit, il n’y a pas la paix en Côte d’Ivoire. Où se trouve Soro guillaume? Soro guillaume était cadre du Rhdp, il est parti. Le Pdci lui-même était au Rhdp, mais il en est sorti. Il y a donc une situation qu’il faut régler. Mais, on ne peut régler cela qu’autour d’une table de négociation. On ne règle pas ça en achetant des armes et en formant des groupes «pour broyer» les autres.

La paix n’est pas seulement absence de guerre. Quand les citoyens ne peuvent pas s’exprimer librement, quand les responsables de l’opposition sont traqués, quand les médias d’Etat sont caporalisés par le parti au pouvoir, quand il n’y a pas de consensus autour de l’organisation des élections, quand les journalistes sont condamnés à longueur de journée pour leurs opinions, bref quand les conditions de l’exercice de la démocratie ne sont pas réunies, on ne peut pas dire qu’il y a la paix.

C’est pourquoi nous avons signé cet accord pour créer les conditions de la paix et de la réconciliation entre les ivoiriens, à travers la négociation et les discussions entre tous les acteurs sociopolitiques.

Pourtant, le gouvernement avait engagé le dialogue avec l’opposition qui a été sanctionné par un accord?

Les plateformes qui ont participé à ces rencontres, Eds, de notre côté, et Cdrp du côté du Pdci, vous diront que ce dialogue a été arrêté de manière brutale et unilatérale par le premier ministre Amadou Gon. Donc, il n’y a jamais eu d’accord.

Comment en êtes-vous arrivés à la signature de cet accord?

C’est sur les recommandations des Présidents Bédié et Gbagbo, que les deux partis politiques se sont mis à travailler depuis plus d’un an pour en arriver à cet accord.

Est-ce que cela a été facile?

Non, il fallait mettre tout sur la table pour se comprendre et on a mis tout sur la table. On est parti à l’essentiel et on a mis de côté, toutes les frustrations. Et nous sommes arrivés à un accord. Dès que nous avons fini, les deux présidents ont validé le document final. Pour nous la Côte d’Ivoire est au-dessus de tout.

Vous vous êtes compris?

Ah oui. Nous nous sommes bien compris.

Beaucoup d’observateurs ont été surpris de la signature de cet accord?

Pourquoi seraient-ils surpris de cet accord? Depuis janvier 2019, nous avons commencé à faire des tournées dans le pays pour faire la promotion de la paix et de la réconciliation en Côte d’Ivoire. Quand les présidents Bédié et Gbagbo se sont rencontrés à Bruxelles, nous avons été rejoints par nos frères du Pdci. Nous avons fait des meetings conjoints. A chaque fois, nous appelions les autres partis politiques à nous rejoindre. On constante toujours l’absence du Rdr et de ses alliés. Aujourd’hui encore, nous demandons au Rhdp unifié d’aller dans le sens de la paix.

Comment expliquez-vous leur absence?

C’est parce qu’ils sont toujours dans un esprit de belligérance, de violence.

Le Rhdp dit que cet accord est une escroquerie morale et politique?

On escroque qui? On veut que ton pays soit en paix et tu parles d’escroquerie. Donc toi tu ne veux pas que ton pays soit en paix. Je ne veux pas m’étaler longtemps sur cette sortie de route. Il faut aller à l’essentiel.

C’est quoi l’essentiel pour vous?

C’est la paix, c’est la réconciliation.

Mais vous n’êtes pas au pouvoir, comment allez-vous imposer cette paix et cette réconciliation, vu que c’est l’Etat qui en crée les conditions?

Ce n’est pas l’Etat qui crée les conditions de la paix et de la réconciliation. Ce sont les populations qui créent ces conditions. Lorsque nous avions commencé, des gens pensaient qu’on était isolé et que personne ne nous écouterait. A ce moment-là, le Pdci était encore dans le Rhdp. On s’est dit qu’il fallait continuer et expliquer. C’est ce que nous avons fait. Aujourd’hui, nous sommes heureux d’être avec le Pdci. C’est un parti qui est implanté dans toutes les régions du pays, tout comme le Fpi. Donc, nous pensons qu’on commence à gagner. Aujourd’hui, le fait que nous soyons ensemble avec nos alliés, constitue une force qui attire. Et je suis persuadé qu’au sein du Rhdp unifié, il y a des gens qui lorgnent de notre côté. Donc, on souhaite qu’ils aient le courage de nous rejoindre.

Pourquoi avez-vous choisi le 30 avril pour signer cet accord?

On n’a pas choisi le 30 avril de manière spéciale. C’est juste une coïncidence.

Certains de vos militants et sympathisants ne comprennent pas que vous soyez en train de toujours parler de paix et de réconciliation à cinq mois de l’élection présidentielle et que sur les questions électorales, on ne vous entend pas beaucoup?

La réconciliation englobe les questions électorales. L’un des points de la réconciliation, c’est de savoir comment nous allons aux élections, avec quelle liste électorale et avec quel découpage électoral allons-nous avoir? En même temps, la réconciliation englobe la libération des prisonniers politiques. Elle englobe le retour de tous nos exilés, notamment, Charles Blé Goudé, Soro Guillaume, Akossi Bendjo et le plus illustre d’entre eux(; le président Laurent Gbagbo.

En d’autres termes, votre accord avec le Pdci, c’est de créer les conditions d’élections libres, démocratiques et transparentes en 2020?

Au-delà des élections, c’est le retour de la démocratie dans ce pays, de l’Etat de droit, le respect du citoyen, le respect de la vie des ivoiriens, c’est ce que nous voulons.

La présidentielle c’est le 31 octobre prochain. Les préparatifs de ces élections font-ils partir de l’accord signé avec le Pdci?

Il y a un accord pour la quête de la réconciliation qui englobe toutes ces questions-là. Si on crée les conditions pour que les ivoiriens aillent aux élections en se tapant sur les épaules de façon amicale, c’est notre ambition au lieu d’aller aux élections en formant des coups de poings ou avec des machettes ou des gourdins cachés quelque part.

Doit-on s’attendre à un accord électoral avec le Pdci?

Nous n’en sommes pas encore là. Nous sommes en accord pour réconcilier les ivoiriens et créer les conditions d’une vie paisible en Côte d’Ivoire. Retenez qu’il ne faut pas tout ramener aux élections. Vous ne pouvez pas développer un pays dans lequel, les populations ne s’entendent pas. Ce n’est pas possible. Il faut construire un Etat démocratique, un Etat de droit. Cela est important, car il permettra aux ivoiriens de choisir librement leurs dirigeants, de les contester dans la paix et d’émettre leur avis sur ce qui se passe, sans avoir peur d’aller en prison. Il faut construire cet état démocratique pour que nos différents groupes ethniques puissent s’entendre pour fonder une nation. "

In Le Temps du lundi 11 mai 2020