Son fils est embastillé depuis un an et demi: La mère de Michel Gbagbo tire la sonnette d’alarme

Le 13 septembre 2012 par Le Gri-Gri international - Eprouvée mais digne et combative. C’est ainsi qu’est apparue, lors d’une rencontre à Paris, Jacqueline Chamois, la mère du fils aîné du président

Dame Jacqueline Chamois, mère de Michel Gbagbo.

Le 13 septembre 2012 par Le Gri-Gri international - Eprouvée mais digne et combative. C’est ainsi qu’est apparue, lors d’une rencontre à Paris, Jacqueline Chamois, la mère du fils aîné du président

Laurent Gbagbo, «arrêté parce qu’il était avec son père». Et embastillé dans un contexte digne d’un roman de Franz Kafka, dans l’indifférence coupable de certaines «bonnes âmes» qui regardent ailleurs. Jacqueline Chamois évoque notamment le type de collaboration qu’elle entretient avec les nouvelles autorités françaises. 'J'ai écrit à Fabius et à Hollande, et seul l’Élysée a répondu", révèle-t-elle par exemple. Sans pour autant en tirer des conclusions définitives. Elle appelle également à une prise de conscience sur le fait qu'il y a bel et bien des prisonniers politiques en Côte d'Ivoire. Interview.

Où en est aujourd’hui ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Michel Gbagbo ?

L’affaire de mon fils se prolonge démesurément, d’une manière anormale, choquante. Il a été arrêté le 11 avril 2011, retenu au Golf Hôtel, puis emmené à la prison de Bouna. Nous sommes maintenant en septembre 2012. Il aura quarante-trois ans le 24 septembre. Ce sera la deuxième fois qu’il passera son anniversaire en prison. Pour moi, c’est très triste de savoir qu’il est là-bas. Les choses traînent. Malgré les interventions, les recours que j’ai faits au niveau du gouvernement, pour l’instant, il n’y a pas eu d’acte concret allant dans le sens de la libération de Michel.

Avez-vous eu depuis le 11 avril 2011 un contact direct avec Michel ?

Je n’ai pas de contacts directs. J’ai des informations par l’intermédiaire des avocats. Dernièrement, fin juillet, Maître Ly, un avocat sénégalais qui s’occupe de Michel, est allé le voir à Bouna.

N’avez-vous pas eu la possibilité de lui parler au téléphone ne serait-ce qu’une fois ?

Il n’y a pas de communication téléphonique. Les communications téléphoniques sont interdites. Je n’ai donc que des informations indirectes.

Vous rappelez-vous le moment où après le 11 avril, vous avez été rassurée en tant que mère pour la première fois en ce qui concerne la vie et la santé de votre fils ?

Le premier soulagement, ça a été quand même la fin des bombardements. Il était sous les bombardements avec son épouse et ses deux garçons. Ça a duré plusieurs jours. Je regardais les images à la télévision. On avait des communications téléphoniques quand il était à la Résidence mais j’étais extrêmement inquiète. Des bombardements sur une résidence ! Il y avait un sous-sol. Ils ont pu s’y réfugier. Je crois que c’est ce qui les a sauvés. S'il n’y avait pas de sous-sol, ils ne seraient peut-être plus de ce monde.

Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a une évolution depuis l’alternance de mai 2012 en ce qui concerne l’intérêt que porte le gouvernement français au sort d’un de ses ressortissants, c’est-à-dire votre fils ?

A vrai dire, je ne sais pas ce que fait le gouvernement français. J’ai envoyé des courriers. J’ai reçu une lettre de la conseillère Afrique à Élysée, Hélène Le Gall, qui réaffirme que le gouvernement français assure la protection consulaire à l’égard de mon fils et suit de manière attentive sa situation. Mais au niveau des actes, je ne vois pas de changement. Il n’y a pas d’élément nouveau. Il est toujours enfermé là-bas, dans des conditions extrêmement difficiles. C’est une prison qui est infestée de serpents et de scorpions. En janvier 2012, il avait été piqué par un scorpion.

L’administration précédente vous répondait-elle ?

Oui, elle répondait. J’ai eu trois lettres du cabinet d’Alain Juppé. En revanche, je n’ai eu aucune lettre de Laurent Fabius. C’est directement la conseillère Afrique de la Présidence, de François Hollande, qui m’a répondu. J’ai écrit à la fois à Fabius et à Hollande, et seul l’Elysée a répondu.

On peut donc en conclure que c’est même pire que Sarkozy…

Ce n’est pas pire… C’est simplement que je n’ai pas d’information. Je ne sais pas ce qu’ils font. Ils se tiennent peut-être au courant, au niveau de l’ambassade. Il faut dire à leur décharge que c’est extrêmement difficile. Quand les avocats demandent à voir leur client, ils ont toutes les peines du monde à obtenir une date. On leur donne une date, puis on reporte… Je suppose que l’Ambassade est également dans la même situation.

Est-ce que les médias français sont plus attentifs au cas Michel Gbagbo ?

Il y a quelques articles, oui.

Est-ce que vous sentez une meilleure écoute ?

Oui, oui. Tout doucement. C’est lent mais tout doucement ça évolue. Il y a une meilleure écoute.

Êtes-vous entrée en contact avec l’administration ivoirienne ?

Non. Je suis Française, je vis en France. Michel est Français. Je considère que mes interventions doivent d’abord s’orienter vers le gouvernement français. Notamment parce que je souhaite que Michel soit rapatrié en France.

Les autorités ivoiriennes ont-elles essayé de vous contacter ?

Non. Jamais. Nous n’avons eu aucun contact.

Avez-vous subi des menaces ?

Non. Il y a eu sur Internet des courriers d’un niveau extrêmement bas me concernant. Mais ça reste au niveau des commentaires. Ce qui a déplu, c’est que d’autres personnes et moi fassions la conférence de presse du 31 mai. Le communiqué de presse diffusé lorsque Monsieur Bartolone a reçu Guillaume Soro alors qu’une plainte avait été lancée par Michel contre lui et certains «commandants de zone» a également irrité. Disons que ce ne sont pas des menaces. Ce sont des basses insultes sans intérêt aucun.

Des structures comme l’Union européenne peuvent-elles vous aider ?

Sans doute. J’ai toujours envoyé le double des lettres que j’envoyais au gouvernement français à la Commission européenne et à la Cour pénale internationale.

Et ils ont répondu ?

Non. En fait, j’envoie un double pour information. Peut-être répondraient-ils si je les interpellais dans un courrier particulier.

Sans entrer dans les détails, pouvez-vous nous dire si la famille de Michel se porte bien au regard de cette longue incarcération ?

C’est très difficile pour eux. Je suis en relation permanente avec eux et je peux dire qu’ils font preuve de beaucoup de courage, même si les enfants ont vécu quelque chose d’extrêmement difficile.

L’Union africaine, qui a désormais une nouvelle présidente de la Commission, pourrait-elle devenir pour vous un recours au même titre que l’Union européenne ?

Oui. Je n’y avais pas pensé. Mais pourquoi pas ?

Qu’attendez-vous de ces prochaines semaines ?

Que le gouvernement français défende un peu mieux un ressortissant français. De manière un peu plus nette. Qu’il apporte son poids dans la bataille pour le faire libérer et rapatrier. Il a besoin de soins. Et la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire est telle qu’il est important qu’il soit rapatrié en France. Quand je parle de Michel, je n’oublie jamais les autres détenus qui sont dans des conditions aussi difficiles que lui, parfois plus. J’interviens ici parce que je suis ici. D’autres personnes interviennent ailleurs. Et c’est important de les défendre tous. Ce sont des prisonniers politiques. Ce ne sont pas des prisonniers de droit commun.

Comment les gens qui vous lisent peuvent-ils vous aider ?

Il faut déjà qu’il y ait une prise de conscience qu’il y a des prisonniers politiques en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas un délit de droit commun que de faire partie de l’entourage familial ou politique de Laurent Gbagbo, ou d’être un de ses sympathisants.

Propos recueillis par Grégory Protche (Le Gri-Gri International) et Théophile Kouamouo