Décryptage de la sortie du FPI de la CEI - En se retirant de la Cei, le Fpi formel : Gbagbo et ensuite…le reste

Par Notre Voie - Décryptage de la sortie du FPI de la CEI.

Alain Dogou, ex-représentant du FPI à la CEI, lors de sa prestation de serment.

A l’issue de la session ordinaire de son Comité central du samedi 13 septembre 2014, le Front populaire ivoirien (Fpi), le plus grand parti politique ivoirien (38% de l’électorat du premier tour de la présidentielle d’octobre 2010), a opté pour le retrait de son représentant à la Commission électorale indépendante (Cei), version polluée mise en place par Alassane Ouattara pour la présidentielle de 2015. Au-delà de toutes les spéculations possibles suite à cette décision, quel est le vrai message que l’on peut tirer de cette décision ?
Dans toute élection, les chiffres sont parlants. Il suffit donc de parcourir les chiffres du scrutin du Comité central du FPI, le samedi dernier, pour décrypter le message des militants du parti fondé par Laurent Gbagbo.
• Votants : 259 ; Nuls : 2 ; Suffrages exprimés : 257.
• Ont obtenu :
- Pour le maintien provisoire à la Cei : 119 voix (46%);
- Pour la sortie immédiate de la Cei : 138 voix (54%)
Par 54% contre 46%, les cadres membres de « l’Assemblée nationale », version interne au parti que constitue le Comité central du Fpi, ont décidé du retrait immédiat, du parti du président Gbagbo de la Commission électorale indépendante mise en place par le régime d’Alassane Dramane Ouattara, le vendredi 5 septembre 2014, en vue de la fraude électorale pour sa réélection en 2015 ( ?).
Comme il fallait s’y attendre, beaucoup ont perdu, encore une fois, leur latin suite au résultat de ce scrutin. Pour les partisans du régime « international » et illégitime imposé par les armes à la Côte d’Ivoire, « Le Fpi signe son arrêt de mort » ou « Le Fpi se met hors-jeu ». Leurs analystes prolongent, à coup sûr, les propos de François Hollande, prononcés pour, entre autres préoccupations, inciter des «sparring partners» qui valideraient la réélection programmée d’Alassane Dramane Ouattara.
En effet, lors de sa visite officielle en Côte d’Ivoire (17 et 18 juillet 2014), François Hollande a joué au charlatan pour les Ivoiriens : «Tout parti ivoirien qui ne prendra pas part à la présidentielle de 2015 en Côte d’Ivoire disparaîtra», a prophétisé Hollande. Alors, fort de cela, les hagiographes de Ouattara concluent depuis samedi : « En se retirant de la Cei, le FPI est perdu ». Quel raccourci ! Young Jin Choï, représentant du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, n’a pas fait pire. Le Sud-coréen avait décrété la mort du parti du président Gbagbo, en se retirant de notre pays après avoir certifié Ouattara «élu» et soutenu la guerre déclarée à Laurent Gbagbo. Trois ans après, le Fpi est toujours debout et on en est à la même prophétie. Quel arrêt de mort un parti déjà mort peut-il signer ?
En attendant la réponse à cette question, au Fpi, certains militants se réjouissent de leur «victoire» sur d’autres, alors que les vrais enjeux politiques de ce scrutin interne au Fpi et des enseignements essentiels à en tirer sont ailleurs.
Les vrais enjeux du vote interne au Fpi
Le Comité central du samedi dernier avait à se prononcer sur un point essentiel : la question de la Commission électorale indépendante. Deux opinions s’entrechoquaient au Fpi depuis le vote de la nouvelle loi sur la Cei, mais surtout depuis l’installation du nouveau bureau de cette commission qui a vu la reconduction de M. Youssouf Bakayoko à sa tête. Pour la première opinion conduite par le président du Fpi, Pascal Affi N’Guessan lui-même, le parti ayant été rejoint par d’autres forces sociales à l’intérieur de la Cei, le FPI devrait en tenir compte et retarder l’annonce de son retrait éventuel pour donner la preuve de sa bonne foi et ne pas abandonner ceux qui l’ont suivi. De toute évidence, pour le président Affi et ses partisans autour de cette opinion, Alassane Ouattara peut finir par se plier aux pressions de la Communauté internationale et faire avancer le pays vers la paix. Car, cette Communauté internationale qui a imposé Ouattara à la tête du pays par la guerre, «souhaite», visiblement, de nos jours «une Cei consensuelle, rassurante et garantissant des élections ouvertes et inclusives ». Trois signes de cette volonté de la nébuleuse internationale pour une Cei républicaine existent :
Primo, depuis l’incroyable reconduction de Youssouf Bakayoko à la tête de la Cei, aucune des organisations internationales qui ont mené la guerre pour installer Ouattara au pouvoir n’a produit la moindre déclaration pour féliciter ni le chef de l’Etat ni Youssouf Bakayoko le repêché. De ce côté, personne ne semble considérer cette Cei et la réinstallation de Youssouf Bakayoko à sa tête comme le signe d’une avancée vers la paix en Côte d’Ivoire ;
Secundo, par deux fois, avant et après l’installation de ce bureau de la Cei, Aïchatou Mindaoudou s’est précipitée chez Hamed Bakayoko, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et donc ministre de tutelle. A l’issue de chacune de ses visites expresses chez Hamed Bakayoko, la représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire a déclaré constamment à la presse qu’elle a réitéré sa «volonté d’une Cei consensuelle». Message à décrypter.
Tertio, enfin, les seules organisations nationales, soutiens traditionnels du régime Ouattara, qui ont osé se prononcer sur cette Cei déséquilibrée, ont toutes courageusement émis des réserves quand elles n’expriment pas de graves inquiétudes pour des «lendemains destructeurs de vies humaines».
Désormais, place au combat pour libérer Gbagbo
Pour la seconde opinion, qui a remporté le vote en interne institué par le président du Fpi, on ne peut espérer en une quelconque volonté de réconciliation des Ivoiriens chez Alassane Ouattara. Cette opinion a également ses arguments. D’abord, au niveau de la Cei, après avoir fabriqué une loi qui donne à cette institution une composition déséquilibrée à son propre profit, Ouattara a promis à l’opposition, via Hamed Bakayoko, «un bureau consensuel» pour corriger le déséquilibre décrié par tous, y compris la fameuse Communauté internationale. Or, le 5 septembre 2014, le déséquilibre a été davantage accentué avec la reconduction de Youssouf Bakayoko, l’homme par qui 3.000 Ivoiriens ont péri dans la crise postélectorale en 2011.
Ensuite, depuis 2011, Ouattara démontre que la réconciliation et la paix sont le cadet de ses soucis. A preuve, plus de 700 détenus politiques (civils et militaires) croupissent toujours en prison sans jugement. Quelque 100 mille ivoiriens vivent toujours en exil. Le 31 mai 2014, un décompte fait par Jeannot Kouadio Ahoussou, médiateur dans le dialogue avec l’opposition, indiquait 98 cadres pro-Gbagbo dont les comptes bancaires sont encore gelés. A ces chiffres, il faut ajouter des centaines de maisons et de terrains volés à des partisans du président Gbagbo et/ou illégalement occupés par des voleurs pro-Ouattara. Faut-il mentionner que malgré l’obligation par la loi, Alassane Ouattara refuse depuis trois ans de payer la part qui revient au Fpi au chapitre du financement public des partis politiques ? Faut-il mentionner que ses miliciens et dozos ont décrété certaines parties du pays zones interdites au Fpi ?
Enfin, alors que le président Gbagbo est pris en otage à la Cour pénale internationale (Cpi), avec Charles Blé Goudé, et que son épouse Simone Ehivet Gbagbo, enfermée à Odienné, fait l’objet d’un marchandage avec la Cpi, aucun tueur du clan Ouattara n’est l’objet d’aucune poursuite judiciaire en Côte d’Ivoire.

Comme on le voit, le refus du Comité central du Fpi de rester à la Cei n’exprime pas une opposition frontale à Affi N’Guessan. Au demeurant, le président du parti fondé par Laurent Gbagbo vient de vérifier, par lui-même, que ses militants refusent de laisser Alassane Ouattara se jouer de tout le monde, y compris le président de leur parti. Cette opinion qui déclare « Ouattara indigne de confiance » a remporté le scrutin interne au Fpi, par 54% contre 46%. Ironie du sort, c’est par ces mêmes chiffres que Ouattara a été proclamé élu par Youssouf Bakayoko, en décembre 2010, au Golf Hôtel, dans le QG de campagne du bénéficiaire du coup de force électoral.
Hier, dans la fraude, c’était 54% pour Ouattara contre 46% pour Gbagbo. Aujourd’hui, dans la réalité, les militants Fpi refusent, à 54% contre 46%, leur confiance en Ouattara. Le président Affi peut, quant à lui, se féliciter d’avoir instauré ce débat qui lui permet désormais de montrer à la Communauté internationale ce qui constitue la priorité des partisans du président Gbagbo : « Libérez Gbagbo et ensuite le reste ! ».Tel est leur slogan. Depuis samedi dernier, le président Affi N’Guessan a les cartes en main pour aller vite à la libération du président Laurent Gbagbo. La survie du FPI est, pour l’instant, à ce prix. L’espoir de millions d’Ivoiriens qui continuent de rester dignes et dans la prière, qui font toujours confiance au Fpi malgré les misères que ce régime illégitime et ses soutiens leur causent, est à ce prix.

Par César étou

cesaretou2002@yahoo.fr