CPI: Me Emmanuel Altit autorisé à faire appel de la décision de confirmation des charges dans le dossier Gbagbo

Par Le Nouveau Courrier - Me Emmanuel Altit autorisé à faire appel de la décision de confirmation des charges dans le dossier Gbagbo.

Me Emmanuel Altit, avocat du Président Laurent Gbagbo.

La juge unique a répondu favorablement à la requête de Me Emmanuel Altit qui a déposé le 18 juillet 2014 une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de confirmation des charges rendue le 12 juin dernier, tout en souhaitant une extension du nombre de pages de 20 à 50. Ainsi, dans sa décision rendue le même jour, le 18 juillet dernier, Silvia Fernandez de Gurmendi a accordé à la défense du président Laurent Gbagbo ces 50 pages, y compris les notes de sa demande pour autorisation d’interjeter appel de la décision de confirmation, au regard «de la complexité et de la longueur de la procédure» et «des circonstances exceptionnelles dans le sens de la règle 37 (2) du Règlement».
La Norme 37(2) du Règlement de la Cour prévoit qu’un participant à la procédure peut bénéficier d’une extension du nombre de pages au delà du nombre de pages autorisé (20 pages ici) «dans des circonstances exceptionnelles» ; donc en fonction de l’urgence et de l’importance de la requête. C’est le cas en l’espèce comme le démontre Me Altitdans son argumentation. «Il est indispensable que la défense puisse discuter chacun des points qu’elle estime problématiques de cette décision et qu’elle puisse expliquer à la Chambre pourquoi – de son point de vue – ces points constitueraient autant de questions d’appel. Pour pouvoir exprimer ses vues quant aux questions d’appel qu’elle compte soulever la défense a besoin de la place nécessaire, ici de 50 pages soit 30 pages supplémentaires par rapport à ce qui est prévu à la Norme 37 (1)», justifie l’avocat principal de Gbagbo.
La jurisprudence créée par les juges avec la confirmation des charges En effet, la défense avait 5 jours à compter de la date de confirmation des charges pour faire appel de cette décision. Mais le 13 juin dernier, Me Altita demandé que les délais pour déposer une demande d’interjeter appel ne courent qu’à partir de la notification de la version française de cette décision. Depuis le 18 juillet dernier, comme l’a indiqué hier lundi la Cour pénale internationale (CPI) dans un communiqué, la traduction française officielle de la confirmation des charges lui a été la notifiée. Me Altit a donc désormais 5 jours à compter du 18 juillet pour faire appel, soit jusqu’au jeudi 24 juillet prochain.Manifestement, l’avocat français est plus que jamais déterminé à sortir le grand jeu lors d’un appel probable qui se dessine à la lecture de sa requête du 18 juillet dernier ; son développement lève un coin de voile sur sa stratégie. L’avocat français soulève en effet le caractère inédit et la jurisprudence créée dans l’affaire Gbagbo par les juges avec la confirmation des charges le 12 juin dernier. « Les questions pour lesquelles la défense entend demander l’autorisation d’interjeter appel sont nouvelles et n’ont jamais été posées par une partie ni tranchées par les Juges de la Cour. La nouveauté des questions s’explique notamment parce que c’est la première fois que des Juges de la Cour confirment les charges à l’encontre d’un suspect après avoir, un an plus tôt, décidé d’ajourner l’audience de confirmation des charges sur le fondement de l’article 61(7)(c)(i) du Statut et demandé au Procureur d’envisager d’apporter des éléments de preuve supplémentaires sur l’ensemble des charges formulées », fait remarquer le conseil principal du président Gbagbo. Il va également attaquer en appel, dans le fond, cette décision longue de 132 pages, accompagnée de l’Opinion dissidente de la Juge Van den Wyngaert qui compte 9 pages ; soit un total de 141 pages à décortiquer. « Elle comprend de nombreux développements exposant les vues de deux des trois Juges sur nombre de points de droit ou de fait abordés et discutés lors de la phase de confirmation des charges. Il importe que la défense, non seulement puisse présenter aux Juges ce qu’elle compte discuter lors de l’appel mais encore qu’elle puisse leur expliquer pourquoi ces points méritent discussion. Elle doit donc pouvoir discuter les constatations factuelles et les motifs juridiques adoptés par les Juges d’une part, et présenter ses arguments de manière suffisamment claire d’autre part », explique-t-il.
Les arguments chocs de Me Altit
Ce qui est intéressant dans son argumentaire, Me Altit entend contester le mode de responsabilité qui a été retenu par les deux juges, Silvia Fernandez de Gurmendi et Hans-Peter Kaul (démissionnaire), qui ont confirmé les charges, selon la logique du Procureur FatouBensoudaqui a présenté de manière biaisée dans son document amendé de notification des charges le 13 janvier 2014. Un DDC qui lie le président Gbagbo aux crimes allégués pendant la crise postélectorale en agitant - sans fondement notamment les concepts « entourage » et « forces pro-Gbagbo ». Sur ce point,Me Altit conclut que les deux juges ont fait une lecture sélective du DDC de Bensouda, qui a de manière subtile et manifestement pour brouiller la vigilance de la Chambre, tenté de couvrir le camp Ouattara en isolant les crimes et exactions commis par les FRCI et les milices pro-Ouattara dans les annexes, sensés contenir les documents de subsidiaires, donc de moindre importance. Pourtant, ici, cela aurait pu être tout à fait important pour une meilleure appréciation de la Chambre préliminaire I et plus globalement de l’affaire le Procureur contre Laurent Gbagbo. « Toujours d’un point de vue factuel, la Décision distingue, même si ce n’est pas expressément formulé, entre le narratif retenu par le Procureur dans son DCC (groupes rebelles auto-constitués, etc.) et la narratif différent présenté par le Procureur aux annexes 6 et 7 de son DCC (groupes rebelles formés notamment de mercenaires, organisés de manière militaire dans le cadre d’une force armée quasi- conventionnelle, lourdement armés). Les Juges de la majorité ont décidé de privilégier le premier narratif et d’écarter le second narratif ce qui oblige la défense a abordé ces questions dans sa demande d’autorisation d’interjeter appel », souligne Altit.
La Chambre d’appel pour trancher
L’équipe de défense de Gbagbo entend également procéder à une analyse comparative de la décision des deux juges et de l’opinion dissidente de la Juge Van den Wyngaert, revenirsur la crédibilité des témoins mais aussi et surtout démontrer que l’argumentaire juridique soulevé par les deux juges pour confirmer les charges est spécieux. « Les questions que la défense entend soulever sont extrêmement complexes. Elles portent non seulement sur l’interprétation de règles juridiques mais sur leur application aux faits de l’espèce, qui sont eux- mêmes complexes. La défense devra, pour chacune de ces questions, expliquer en quoi le raisonnement et/ou la conclusion de la majorité sont erronés et ce qu’elle considère être la manière correcte d’interpréter et d’appliquer les dispositions du Statut, en quoi cette question essentielle serait de nature à affecter de manière appréciable le déroulement équitable et rapide de la procédure ou l’issue du procès, et en quoi le règlement immédiat de cette question par la Chambre d’appel pourrait faire sensiblement progresser la procédure », relève l’avocat de Gbagbo. Me Emmanuel Altit s’en remet d’ores et déjà à la Chambre d’appel afin que le droit soit dit dans l’affaire Gbagbo.

Par Anderson Diédri