Transfèrement de Laurent Gbagbo et Blé Goudé à la CPI - Sassou N’guesso contre: « Même les chefs d’Etat en exercice son trainés devant la CPI. C’est inacceptable »

Par IVOIREBUSINESS avec EURONEWS - L'UA se révolte contre la CPI - Sassou N’guesso « Même les chefs d’Etat en exercice son trainés devant la CPI. C’est inacceptable ».
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En marge du sommet Europe-Afrique, le président du Congo/Brazzaville, Dénis Sassou-Nguesso, s’est confié à Euronews. Les relations entre Afrique-Europe, les rapports entre les Etats africains et la CPI, la protection du bassin du Congo, la prochaine présidentielle dans son pays, Dénis Sassous Nguesso n’a esquivé aucune question.
Sur la CPI, Denis Sassou N’guesso a été très clair : « Si l’Afrique observe, qu’alors que se produisent des drames ici et là dans le monde, et la Cour pénale internationale ne fait rien, et que chaque jour, on va trouver dans tel ou tel pays d’Afrique un poisson, quelqu’un à juger, nous trouvons cela inacceptable ».

Et le Président congolais de poursuivre : « Des drames et des choses graves se produisent dans le monde, je ne vais pas les citer, tout le monde le sait. Mais la Cour pénale internationale se tait. Personne ne dit rien. Et puis, c’est devenu la mode, une facilité comme cela : tous les deux mois, on apprend que telle autorité, même des chefs d‘États en exercice, sont traînés là-bas à la Cour pénale internationale. Cela devient inacceptable. C’est le point de vue des dirigeants africains aujourd’hui. Cela ne signifie pas que nous retirons à la Cour le droit d’exercer ses pouvoirs. Nous voulons que cela se fasse de la même manière avec tous les États, tous les dirigeants du monde ».

Nous livrons l’intégralité de l’Interview de Sassou N’guesso à Euronews.

Patrice Lecomte

Monsieur le président bonjour, merci d’avoir accepté de répondre à ces quelques questions d’Euronews alors que se tient le sommet Union européenne-Afrique. Un sommet qui intervient sept ans après le sommet de Lisbonne. Je vais en introduction me permettre de vous citer : vous avez écrit dans «Géopolitique Africaine» récemment que «l’Europe avait besoin de l’Afrique comme l’Afrique avait besoin de l’Europe» et vous plaidez pour une réadaptation des liens entre l’Afrique et l’Europe à l’aune des nouvelles réalités du XXIe siècle. Quittons Bruxelles et transposons-nous directement sur le terrain africain, un terrain frontalier, un terrain dramatique, un terrain tragique, celui de la République centrafricaine. Est-ce que l’Union Africaine s’est assez investie dans ce dossier ?»

En Centrafrique aujourd’hui, l’organisation de l‘État laisse à désirer. C’est un défi politique et institutionnel important…

L’Europe doit plus s’investir sur le terrain centrafricain, ou pensez-vous que les Africains doivent assurer eux-mêmes leur sécurité ?

Aujourd’hui, il y a 6 000 hommes de l’Afrique centrale qui sont en République centrafricaine, avec une prise de position des dirigeants d’Afrique centrale qui a stoppé quand même, à certains moments, des situations qui auraient pu tourner au désastre. Et puis, l’Union Africaine a pris le relai au travers de la MISCA et aussi avec le soutien de l’Union européenne et la prise de position du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Est-ce que ces forces africaines, Monsieur le Président, est-ce que ces forces européennes, est-ce que demain, un mandat de l’ONU, permettront de ne pas aller vers une scission de la République centrafricaine ?

Non. C’est, je pense, ce qu’il faut éviter. Parce qu’au moment où l’on parle, l’Europe est à 28, l’Afrique a longtemps été morcelée, nous parlons plus d’intégration, de grands ensembles sous-régionaux en Afrique. Je ne vois pas ce que pourrait donner un nouveau morcellement de petits États qui déjà avaient été coupés en petits morceaux en dépit du bon sens. Je pense qu’avec le soutien des partenaires et le renforcement – je parle de soutien logistique et financier à la MISCA, je parle aussi de soutien financier et technique aussi au gouvernement centrafricain, directement – on doit éviter la partition du pays et aller vers la normalisation de la situation sur l’ensemble du territoire et donc une certaine stabilisation et ouvrir la voie à un dialogue.

Glissons un petit peu sur le terrain intérieur Monsieur le Président. Vous avez compris ma question, serez-vous présent aux prochaines échéances électorales ?

Le débat est ouvert dans le pays, j‘écoute les forces politiques, sociales. Cela ne peut pas être une volonté de puissance, une volonté de rester…

Donc vous n’avez pas encore pris votre décision ?

Pas encore. Je préfère écouter le peuple parce que cela ne peut pas se faire sans le peuple.

Vous savez que certaines associations ont déposé plainte en France sur le dossier des Biens mal acquis…
En réalité, j’avais déjà décidé de ne plus parler de cette question…

Néanmoins, quelles réponses apportez-vous à ces associations, à ces magistrats qui enquêtent sur ces dossiers ?

Ceux qui pensent qu’ils peuvent marcher sur la souveraineté des autres États, des autres peuples… J‘étais déjà arrivé au point où j’observais pour voir jusqu’où ils pouvaient aller avec l’outrance et la provocation.

Restons sur ce terrain judiciaire. Récemment en Côte d’Ivoire, nous avons assisté à une extradition, la Cour pénale internationale a demandé une extradition. Certains pays africains, notamment certains membres de l’Union Africaine, se sont élevés contre une politique jugée, entre guillemets si vous me le permettez, raciste de la Cour pénale internationale. Pourtant, la procureure générale Fatou Bensouda est Africaine. Je voulais avoir votre sentiment sur cette politique de la Cour pénale internationale.

Si l’Afrique observe, qu’alors que se produisent des drames ici et là dans le monde, et la Cour pénale internationale ne fait rien, et que chaque jour, on va trouver dans tel ou tel pays d’Afrique un poisson, quelqu’un à juger, nous trouvons cela inacceptable.

Le Kenya s’est élevé il y a quelques mois contre cette politique, la jugez-vous outrancière également ou vous trouvez qu’elle est tout à fait légitime ?

Des drames et des choses graves se produisent dans le monde, je ne vais pas les citer, tout le monde le sait. Mais la Cour pénale internationale se tait. Personne ne dit rien. Et puis, c’est devenu la mode, une facilité comme cela : tous les deux mois, on apprend que telle autorité, même des chefs d‘États en exercice, sont traînés là-bas à la Cour pénale internationale. Cela devient inacceptable. C’est le point de vue des dirigeants africains aujourd’hui. Cela ne signifie pas que nous retirons à la Cour le droit d’exercer ses pouvoirs. Nous voulons que cela se fasse de la même manière avec tous les États, tous les dirigeants du monde.

Revenons sur le terrain économique. Onze millions de jeunes Africains arrivent sur le marché du travail chaque année en Afrique. Néanmoins, beaucoup de ces jeunes Africains retournent vers l‘économie informelle par manque de débouchés. Comment plaider pour un meilleur accompagnement, une meilleure intégration de cette jeunesse africaine ?

Si nous inversons les rapports actuels que nous avons avec les partenaires, je suis persuadé que l’Afrique a les moyens de faire travailler sa jeunesse en Afrique et ne pas forcément la voir dans le fond de la Méditerranée. La Méditerranée, qui devrait être un lien de coopération entre l’Europe et l’Afrique, la Méditerranée est devenue un cimetière. Il y a un drame autour de cette question et c’est un défi que l’Afrique doit relever.

Pensez-vous que pour l’Afrique maintenant, il soit temps de réadapter les relations Union européenne-Afrique à l’aune des perspectives de croissance de l’Afrique. Faut-il en résumé mettre en place un nouveau partenariat commercial entre l’Union européenne et l’Afrique avec les nouveaux taux de croissance africains ?

Créer de la valeur ajoutée, des emplois, former des hommes sur le continent, élever le niveau de développement de l’Afrique pour des échanges qui prendront des volumes plus importants, ce sera dans l’intérêt à la fois de l’Europe et de l’Afrique. Donc, je pense que déjà, à Lisbonne, ces problèmes avaient été discutés. Il reste la mise en œuvre.

À Lisbonne, on a assisté à beaucoup de déclarations d’intention. Ne faut-il pas maintenant abolir la distance entre les déclarations d’intention et les faits sur le terrain ?

L’Afrique ne peut pas seulement se contenter d’ouvrir ses marchés pour recevoir les produits sans être en mesure de vendre elle aussi…

Être donc dans des relations gagnant-gagnant, beaucoup plus que dans une relation unilatérale comme cela a été le cas…
… Comme cela a été le cas depuis la colonisation et peut-être jusqu‘à maintenant. Et donc obtenir que l’Europe s’engage à fournir à l’Afrique, à un partenaire qui en a besoin, un appui suffisant pour élever son niveau de développement et avoir donc un partenaire assez solide et crédible comme l’Europe a des partenaires ailleurs, en Asie et en Amérique par exemple.

La préservation de la biodiversité africaine qui est véritablement un combat demain, qui permettra aux générations futures de mieux vivre également sur le continent africain, mais également partout dans le monde.
Nous avons la responsabilité de protéger le bassin du Congo qui est l’autre poumon du monde après l’Amazonie. Donc, nous lançons plutôt un appel aux autres partenaires pour que les rencontres que nous avons autour de ce dossier ne soient pas toujours des échecs. Nous étions à Rio+20. Les pays riches s‘étaient réunis 24 heures avant le sommet de Rio à Mexico. Après leurs réunions, les dirigeants de ces pays sont tous repartis chez eux, comme si à Rio, c‘était la rencontre des pauvres. Nous étions là, alors que les riches, les principaux pollueurs, s’en étaient allés. Ce n‘était pas intéressant pour eux.

C’est aujourd’hui au wagon européen de raccrocher la locomotive africaine, c’est cela maintenant l’histoire, c’est cela maintenant l’avenir ?

Oui, on a eu la tendance…

Donc, c’est le wagon européen qui doit raccrocher la locomotive africaine, la locomotive est africaine maintenant ?

Je ne le dis pas ainsi, mais ce sont peut-être deux forces qui devraient se mettre ensemble pour avancer. Même entre nous en Afrique, la communication se fait dans les langues européennes et puis il y a les peuples qui se connaissent depuis longtemps et les continents sont les deux continents les plus proches. Nous pouvons aller de l’avant en engageant des actions plus concrètes au lieu de continuer seulement à faire de la rhétorique.

Euronews

SOURCE: Lepotentielonline.com

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=6914:denis-sassou-nguesso-nous-avons-la-responsabilite-de-proteger-le-bassin-du-congo&catid=85:a-la-une&Itemid=472
NB: Le titre est de la rédaction.