Sommet UE-UA/L’UA se révolte encore contre la CPI - Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de l’Union africaine : « C’est une Cour spécialisée dans le jugement des africains »

Par IVOIREBUSINESS avec EURONEWS - Sommet UE-UA/L’UA se révolte encore contre la CPI - Mohamed Ould Abdel Aziz « C’est une Cour spécialisée dans le jugement des africains ».

Mohamed Ould Abdel Aziz : ‘‘l’Europe et l’Afrique sont complémentaires’‘

Il est président de la République de Mauritanie et le président en exercice de l’Union africaine. Mohamed Ould Abdel Aziz s’est exprimé au micro d’euronews, en marge du sommet Union européenne-Afrique à Bruxelles.
Dans cette interview, il évoque formule ses critiques vis-à-vis de la Cour pénale internationale et la perception qu’ont les dirigeants africains vis-à-vis d’elle parce que les personnes présentées à la barre sont pour la plupart, des Africains : « C’est cela qui fait que les Africains pensent que c’est une cour spécialisée dans le jugement uniquement des Africains. Nous sommes en train de débattre de ce problème. Il est souhaitable quand même que les Africains, comme pour la sécurité, puissent se prendre en charge ».
Et Mohamed Ould Abdel Aziz de plaider pour la mis en place d'une Cour pénale africaine, car c’est son souhait le plus ardent et c’est le souhait selon lui d’autres pays de l’Union africaine également: « Je plaide pour une Cour… Je ne vois pas pourquoi on envoie nos ressortissants pour être jugés à l’extérieur. Nous avons la possibilité de les juger, nous avons la possibilité de les emprisonner, c’est un minimum quand même. Nous avons des magistrats très compétents qui peuvent le faire ».

Il a également évoqué l’importance d’un partenariat renforcé UE-UA, afin d’accélérer le développement du continent africain. Il souligne aussi la nécessité de régler les problèmes d’insécurité au Sahel ou encore la crise en Centrafrique. Des problèmes, parmi tant d’autres, qui constituent un frein aux investissements.
Voici l’intégralité de son interview à Euronews.

Eric Lassale

François Chignac, euronews : Monsieur le président, bonjour, merci d’accepter de répondre à ces quelques questions dans le cadre du sommet Union européenne-Afrique. Nous avons des taux de croissance pour les années à venir qui sont plutôt positifs sur le continent africain. La moyenne globale sur l’ensemble du continent est établie à 5 %. À partir de cette nouvelle réalité, au XXIème siècle, faut-il, d’après vous, mettre en place de nouveaux rapports avec l’Union européenne.

Mohamed Ould Abdel Aziz : Les rapports doivent continuer, mais nous devons les améliorer et les mettre dans un contexte qui nous permette d‘être gagnant-gagnant. Et je crois que c’est ce qui est utile pour les deux continents, je crois que l’on a besoin, toujours, l’un de l’autre. Vous savez, nous sommes des continents complémentaires.
euronews : Est-ce que l’Union européenne, ou le reste du monde, a compris qu’il y avait véritablement une émergence africaine, une émergence économique?
Mohamed Ould Abdel Aziz : Je crois que oui, ils sont en train de le comprendre parce que c’est visible, un taux de croissance avec une moyenne de 5 %, je crois que c’est visible. Nous devons accompagner un peu l‘évolution de ce monde. Et nous sommes en train de la faire, peut-être lentement, mais sûrement.

euronews : Il faut véritablement passer aux faits maintenant !

Mohamed Ould Abdel Aziz : Durant cette décennie, il y a eu énormément de problèmes, aussi bien en Europe qu’en Afrique… Problèmes d’instabilité, d’insécurité, des problèmes de crises économiques, des calamités naturelles, et qui n’ont pas, parfois ou souvent, laissé le choix aux dirigeants de mettre en pratique les décisions prises. Mais en tout cas, la volonté est là.

euronews : Le dossier centrafricain, un dossier très délicat. Pensez-vous que l’Union européenne doit augmenter le nombre de ses troupes sur place ou pensez-vous que l’Union africaine, et les Africains, eux même, doivent assurer et rétablir l’ordre dans ce pays.

Mohamed Ould Abdel Aziz : Les Africains se doivent d’assumer cette mission. C’est vrai que c’est notre mission. L’Afrique est en train de se préparer pour mettre en place des forces spéciales. Il y a un certain nombre de pays qui se sont portés volontaires…

euronews : Quels pays ?

Mohamed Ould Abdel Aziz : Il y a une dizaine de pays qui se sont portés volontaires…

euronews : La sécurité est-elle l’un des dossiers les plus importants que vous avez à traiter, vous en tant que président de l’Union africaine, et que vous avez à traiter dans vos relations avec l’Union européenne.

Mohamed Ould Abdel Aziz : Je crois que l’on ne peut pas parler de développement sans parler de sécurité. On ne peut pas investir dans une zone où il y a de l’insécurité. C’est vrai que, spécifiquement dans notre zone, le Sahel, nous avons connu énormément de problèmes d’insécurité. Ce n’est pas depuis quelques mois, c’est pratiquement depuis plus d’une décennie. Cette insécurité est due au fait qu’il y a une présence massive de terroristes qui se sont développés dans cette zone et qui continuent à se mouvoir impunément. Le terrorisme ne connait pas de frontières.

euronews : Onze millions de jeunes arrivent sur le marché du travail chaque année en Afrique. Ils ne trouvent pas en l’occurrence de travail, et très souvent ce problème les radicalise et les pousse vers une forme d’extrémisme.

Mohamed Ould Abdel Aziz : Tous les ingrédients sont là, effectivement, pour pousser les jeunes vers l’extrémisme, vers la désolation, c’est effectivement cela…

euronews : Au cours de votre présidence de l’Union africaine, vous allez insister sur ces points là?

Mohamed Ould Abdel Aziz : J’ai déjà insisté sur ce point. Le meilleur moyen pour éviter à la jeunesse de tomber, de verser dans le terrorisme, c’est éviter qu’elle ne soit continuellement exclue du développement en Afrique. Il faut les qualifier, donc il faut que le système éducatif puisse répondre à ces besoins-là. Et l’Afrique a énormément de possibilités. Nous exportons par exemple énormément de matières premières qui, transformées sur place en Afrique, nous permettrons de créer des emplois, de développer et de gagner plus et d’insérer ces jeunes.

euronews : L’Union européenne a souvent demandé aux pays africains, aux leaders africains, d’assumer et d’assurer une bonne gouvernance.
Mohamed Ould Abdel Aziz : Je crois que ce n’est pas à l’Union européenne de demander à l’Afrique d’assurer une bonne gouvernance, je crois que les Africains sont conscients de cela, sont conscients qu’un pays ne peut se développer sans une démocratie et sans une bonne gouvernance. Sans aussi un respect de tous et l’intégration de tous. Et on ne peut pas développer un pays tant qu’il y a des exclus dans ce pays et je crois que ce n’est pas à l’Union européenne de nous dicter, je crois que c’est un choix que nous devons faire nous-même, pour nous-même…

euronews : Sur ce dossier de gouvernance, Monsieur le Président, certaines personnes ont mis en cause votre accession au pouvoir. Que leur répondez-vous ?

Mohamed Ould Abdel Aziz : Il y avait dix candidats. Et la Mauritanie ne devait avoir qu’un seul élu. Donc les neuf candidats qui n’ont pas eu la chance, qui n’ont pas eu la dernière fois la chance de passer, se sont sentis frustrés et se sont dits que les élections n’ont pas été transparentes. Mais c’est toujours comme cela. On n’est pas satisfait. Mais à eux de se présenter aux prochaines élections en juin, qui seront des élections transparentes comme les élections passées.

euronews : Donc vous êtes plutôt optimistes pour les échéances électorales du mois de juin prochain dans votre pays ?

Mohamed Ould Abdel Aziz : Je suis optimiste pour mon pays. Dans mon pays, la démocratie est en train de s’ancrer aussi bien dans les esprits de gens que dans le pays.

euronews : On a pu entendre de la part de l’Union africaine, avant que vous en preniez la présidence, mais également de certains pays africains, des critiques vis-à-vis de la Cour pénale internationale”.

Mohamed Ould Abdel Aziz : C’est une perception que les Africains ont parce que les personnes présentées à la barre sont, pour la plupart, des Africains. C’est cela qui fait que les Africains pensent que c’est une cour spécialisée dans le jugement uniquement des Africains. Nous sommes en train de débattre de ce problème. Il est souhaitable quand même que les Africains, comme pour la sécurité, puissent se prendre en charge.

euronews : Vous plaidez donc pour une Cour pénale africaine?

Mohamed Ould Abdel Aziz : Je plaide pour une Cour… Je ne vois pas pourquoi on envoie nos ressortissants pour être jugés à l’extérieur. Nous avons la possibilité de les juger, nous avons la possibilité de les emprisonner, c’est un minimum quand même. Nous avons des magistrats très compétents qui peuvent le faire.

euronews : Nous verrons une Cour pénale africaine…

Mohamed Ould Abdel Aziz : C’est mon souhait le plus ardent…

euronews : C’est le souhait d’autres pays de l’Union africaine également…

Mohamed Ould Abdel Aziz : Effectivement…

euronews : Pensez-vous maintenant que l’Afrique est devenue la locomotive de l’Union européenne ou pourrait devenir la locomotive de l’Union européenne.

Mohamed Ould Abdel Aziz : Je le pense et je le souhaite. Nous en avons les moyens et surtout l’ambition. Je crois que c’est surtout l’ambition qui compte”.

euronews : Si vous aviez à résumer vos espoirs sur le continent africain pour les années à venir.

Mohamed Ould Abdel Aziz : L’Afrique pour moi, le futur de l’Afrique sera une Afrique prospère, stabilisée, sécurisée et une Afrique unie…

euronews : Et l’on verra cela….

Mohamed Ould Abdel Aziz : …et qui accompagne le développement dans le monde et qui tient aussi sur l‘échiquier international et qui a son rôle à jouer aussi bien politique que sécuritaire dans le monde.

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