Scandale - Faits divers/France: Séropositif, empoisonneur, récidiviste...

Par Leparisien.fr - Séropositif, empoisonneur, récidiviste...

Colmar (Haut-Rhin), janvier 2005. Christophe Morat quitte la cour d’appel après sa condamnation pour avoir sciemment contaminé des partenaires par le VIH. | (PhotoPQR/« l’Alsace»/Hervé Kielwasser.)

Justice. A peine sorti de prison après une première condamnation, Christophe Morat, 40 ans, a recommencé à cacher à ses conquêtes féminines qu'il était malade du sida.

Elle travaille comme animatrice auprès d'enfants dans la région de l'étang de Berre, lui comme chauffeur de bus. En ce printemps 2011, elle a 17 ans et tombe amoureuse de cet homme plus âgé, « séduisant et qui le sait ».

« A force de se voir, on a créé des liens, et puis... » Et puis quelques mois plus tard, lors d'une discussion, « un ancien collègue de boulot » de son amant l'alerte sur « le lourd passé » de ce dernier.
« Je suis allée voir sur Internet. J'ai découvert la vérité... Qu'il était porteur du virus du sida, qu'il ne m'avait rien dit, qu'il avait déjà été condamné pour l'avoir transmis... Ma vie s'est effondrée », relate Stéphanie*. Son test démontre qu'elle n'a pas été contaminée, mais elle fonce au commissariat. « Ce que Christophe Morat a fait, c'est une trahison. Si je n'avais pas porté plainte, d'autres femmes seraient encore dans l'ignorance. Il fallait que ce massacre cesse ! » souligne-t-elle. Stéphanie, 20 ans aujourd'hui, sera ce lundi à Aix-en-Provence sur les bancs des parties civiles de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône. Christophe Morat, 40 ans, porteur du VIH depuis fin 1997, malade depuis 2000, y comparaît pour « administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente, avec préméditation et en état de récidive légale ». L'homme, déjà condamné pour des faits similaires à six ans de prison en 2005 à Colmar (Haut-Rhin), est accusé d'avoir contaminé l'une de ses partenaires et encourt, pour ce crime, trente ans de réclusion.

Toutes ignoraient sa maladie et ses infidélités

Il répond aussi du délit d'« administration volontaire de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité psychique » pour cinq autres femmes qui n'ont pas été contaminées, malgré des rapports non protégés. Toutes ignoraient sa maladie et ses infidélités. Deux n'ont pas souhaité se constituer partie civile. Les autres, pour la plupart représentées par Me Eric Morain (lire ci-dessous), « souhaitent un procès public afin que la honte change de camp », dit-t-il.

« Ces femmes étaient amoureuses, en confiance, décrit l'avocat. A la façon des victimes d'escroquerie, elles ont été fracassées, brisées par son mensonge. » Lors de son procès en appel à Colmar, en 2005, Christophe Morat avait ainsi expliqué son comportement : « La séropositivité, c'est une tare. J'avais peur d'être rejeté. » Condamné à six ans de prison pour avoir transmis le virus à deux jeunes femmes, dont l'une s'était suicidée à la veille d'une audience, il avait été libéré en conditionnelle en 2008, avant de s'installer dans le Sud-Est. Les raisons pour lesquelles cet homme, incarcéré depuis la plainte de Stéphanie début 2012, a recommencé à se comporter de la même façon seront au coeur des débats. « Il a beaucoup de mal à verbaliser, à expliquer cette incapacité à dévoiler sa sérologie et à de nouveau sortir du silence. Il se présente avec un lourd sentiment de culpabilité », décrit son défenseur, M e Christophe Bass. Rappelant le débat que soulève la pénalisation de la transmission du VIH, son avocat contestera des aspects juridiques de l'accusation, dont la préméditation : « Christophe Morat n'avait ni l'intention ni la volonté de contaminer », avance-t-il. Verdict attendu jeudi soir.

* Le prénom a été modifié.
Pascale Égré