Reportage - Côte d’Ivoire : le calvaire des pénuries d’eau à Abobo

Par Lemonde.fr - Reportage Côte d’Ivoire. Le calvaire des pénuries d’eau à Abobo.

Le calvaire des pénuries d’eau à Abobo. Par Alexis Adélé.

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Lorsqu’elle ne veille pas toute une nuit pour ne recueillir qu’un bidon d’eau de 20 litres, insuffisant pour sa famille de six membres, Edwige Kalou, doit parcourir une longue distance, avec des pots sur la tête pour trouver de quoi faire la cuisine, la lessive et le ménage à la maison.

Depuis cinq ans qu’elle réside à Abobo-Belleville, un des nombreux sous-quartiers d’Abobo (commune du nord d’Abidjan), Kalou a pris l’habitude de s’entourer de deux barriques et de dix bidons constamment remplis d’eau. « Une fois qu’il y a une coupure d’eau, nous avons une réserve de trois jours. Si au cours de cette période, le robinet est toujours à sec, la corvée commence à la fontaine », raconte-t-elle non sans humour.

La fontaine, située en bordure d’une voie principale, ravitaille plus une centaine de personnes par jour, dont certaines arrivent avec des charrettes ou dans des véhicules particuliers. « Mon mari attend pour prendre une douche et se rendre au travail. Alors, faites un peu vite », fulmine Martine Aké. Elle vient de remplir six bidons d’eau.

Entre le 9 et le 12 mars 2015, ce scénario vécu était le troisième en l’espace trois mois pour Kalou, Aké et de nombreux autres habitants de la commune dont certains demeuraient dans une pénurie continue depuis plusieurs semaines.

Des châteaux d’eau qui ne répondent pas aux besoins

Et pourtant, le 2 mars dernier, le président ivoirien Alassane Ouattara avait procédé à Bonoua (sud-est du pays) à la mise en service d’un château d’eau pour l’approvisionnement de prés de deux millions de personnes vivant à Abidjan et dans deux communes à proximité. Ce château d’eau est censé produire 80 000 m3/jour dans sa première phase pour atteindre 740 000 m3/jour en 2016.

« Le déficit d’eau dans tout le district d’Abidjan est estimé à environ 200 000 m3/jour. Par ailleurs, pendant de nombreuses années, il y a eu une absence d’entretien et d’investissements. Cela a entraîné un déficit important d’approvisionnement en eau potable aussi bien en milieu urbain que rural. Ce déficit était de 30 % à Abidjan, et d’environ 50 % à l’intérieur du pays », a justifié le président Ouattara, lors de l’inauguration du château d’eau de Bonoua.

Toutefois, il avait assuré que la mise en fonction de ce château d’eau, ainsi que de celui de Yopougon (inauguré en décembre 2014) devait résoudre le problème d’eau dans toute la ville d’Abidjan.

En outre, avant Bonoua, notamment en mars 2014, un autre château d’eau avait été inauguré à Cocody-Angré, à proximité de la commune d’Abobo. Celui-ci, d’une capacité de production de 20 000 m3/jour devait soulager une grande partie des populations d’Abobo. Mais il n’y parvient pas.

« A Abobo, il y a une mauvaise répartition de l’eau potable. A côté de cela, cette commune a fortement subi les affres de la crise post-électorale avec une destruction des installations de la Société de distribution d’eau qui sont en cours de réparation et cela prend du temps », expliquait déjà un technicien de la Société de distribution d’eau (Sodeci) à des femmes qui manifestaient violemment le 27 janvier dernier, devant les locaux de l’agence Sodeci de d’Abobo-Dokui pour réclamer le rétablissement de la fourniture d’eau.

Finalement, le plus souvent, pour répondre aux besoins des habitants, des camions-citernes de l’Office national de l’eau potable sont déployés dans les quartiers pour ravitailler les populations en eau.

Alexis Adélé

contributeur Le Monde Afrique, Abidjan

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