Procès des pro-Gbagbo: La vérité que cache le report des assises

Par Le Nouveau Courrier - Procès des pro-Gbagbo. La vérité que cache le report des assises.

Simone Ehivet Gbagbo. Image d'archives.

Annoncé à grand renfort de publicité, le procès des personnalités proches du président Laurent Gbagbo aux assises n’a pu s’ouvrir mercredi au Plateau. Il se tiendra, selon la porte-parole adjointe du gouvernement, Affousy Bamba, à une date qui sera fixée ultérieurement.

Déjà avant-hier, les différents prévenus, selon une confidence proche de la défense, ont reçu des SMS leur indiquant de ne pas se présenter devant la cour le lendemain. Alors qu’au cours des actes préliminaires mardi dernier, ils s’étaient vus signifier individuellement la nécessité de se présenter ce mercredi 22 octobre 2014 au Plateau. Au final, ni les prévenus, ni la cour avec son président et ses deux accesseurs, ses jurés, etc. n’ont pris place dans une des salles du Palais de Justice. Aucune d'entre elles n'avait de toute façon été aménagée pour la circonstance. Le palais de justice du Plateau vivait au rythme de sa routine ordinaire.

Le régime pris au piège de sa précipitation à museler l’opposition

Au-delà de la violation des procédures dénoncée par la défense, à savoir que les dossiers sur lesquels les plaidoiries doivent fondamentalement se baser n’ont pas été communiqués, qu’il faut textuellement un délai de 15 jours entre la vérification d’identité et l’ouverture du procès, que le parquet ait été d’abord paré de drapeau à l’effigie de la Côte d’Ivoire, etc., la « justice des vainqueurs » n’a pas encore réuni toutes les conditions pour « l’ouverture des hostilités ». Selon le ministre de la Justice, « les choses ne sont pas encore fin prêtes même s’il y a la volonté de voir les assises se tenir plus vite ». Si Coulibaly Gnénéma ne le dit pas ouvertement, ces choses concernent essentiellement des problèmes de dispositions matérielles et financières dégagées par le gouvernement pour la tenue de ces assises.

La question des indemnités au cœur des assises

Selon une source proche du ministère de la Justice et des Liberté Publiques, dans un procès comme celui concernant les personnalités politiques de l’ex- régime ivoirien, sur lequel tous les projecteurs seront braqués, il faut dégager des moyens matériels et financiers. Référence faite aux jurés qui siégeront à la cour d’assises. Ces jurés doivent bénéficier d’une indemnité journalière en plus des frais de déplacement. Vu le nombre de prévenus et le nombre de jours que pourraient durer le procès de plus de 83 personnalités pro-Gbagbo, la justice doit disposer d’assez d’argent pour intéresser les différents membres du jury. Même un juré convoqué mais non retenu reçoit également une indemnité, a-t-on signifié au Nouveau Courrier.

Même pas d'enquêtes préliminaires pour certains accusés !

Avant qu’ait lieu l’audience de la cour d’assises, le procureur général rédige un acte d’accusation. Celui-ci contient, outre l’identité des accusés, le récit des événements ainsi que les moments les plus importants de l’instruction préparatoire (tels les rapports d’experts et le dossier personnel des accusés). Le type de délit y est également précisé. L’acte d’accusation doit être objectif, complet et impartial. Dans le cas des personnalités proches du président Laurent Gbagbo en attente de passer devant la cour d’assise, selon une indiscrétion proche du parquet, seule l’identité des accusés a été jusqu’à ce jour constatée. Ni le récit des événements ni les moments les plus importants de l’instruction préparatoire n’existent dans la plupart des cas. Certains prévenus arrêtés sur la base de dénonciations calomnieuses ou mis aux arrêts parce que simplement collaborateurs de Gbagbo n’ayant même pas fait cas d’enquêtes préliminaires. Autre couac, c’est qu’au cours d’une audience préalable au procès d’assises, le président de la cour d’assises dresse la liste des témoins à entendre et fixe l’ordre dans lequel ils seront entendus. Selon une source proche des assises, aucune démarche n’a encore été effectuée dans ce sens, ou du moins aucun témoin ne peut prouver la culpabilité des personnalités mis en accusation. Une indiscrétion révèle même que certains témoins présentés sont manifestement étrangers aux faits reprochés à certains accusés, à leur culpabilité, leur innocence, ou leur moralité. Dans d’autres cas où la cour avait besoin des interventions d’experts pour commenter des rapports, ceux-ci n’ont pas été approchés. Toutes ces dispositions n’ayant pas été prises, les juristes du régime Ouattara, conscients de la levée de boucliers qui les attend tant au niveau des médias nationaux et internationaux et des ONG de défense des droits de l’homme, tentent de faire traîner les choses. Ils veulent jouer une "crédibilité" plus que douteuse face aux objectifs des médias et à une défense qui cherche la moindre faille pour discréditer les magistrats cooptés par le régime Ouattara.

Par Gilles Naismon