Monde: Le Conseil de Sécurité se réunit après l'incursion russe en Ukraine

Par Liberation.fr - Le Conseil de Sécurité se réunit après l'incursion russe en Ukraine.

Un pro-Russe brandit un drapeau russe alors qu'une partie du convoi a franchi la frontière ukrainienne, vendredi. (Sergey Venyavsky. AFP).

Moscou a fait entrer des camions officiellement chargés d'aide humanitaire sans attendre leur inspection complète. L'Ukraine craint que cela ne serve de prétexte à une intervention russe.
Le Conseil de sécurité de l’ONU va se réunir vendredi à propos de l’entrée en Ukraine d’un convoi humanitaire russe sans l’accord de Kiev, qui l’a qualifiée «d’invasion». Le Conseil va se réunir à la demande de la Lituanie à 15 heures (22 heures en France) pour discuter de l’entrée dans l’est de l’Ukraine de camions russes, dénoncée par l’Union européenne comme une «claire violation» de la frontière entre les deux pays.
L’ambassadeur adjoint de l’Ukraine à l’ONU, Oleksandr Pavlichenko, a dénoncé lors d’une conférence de presse une «violation flagrante de (la) souveraineté» de l’Ukraine et redit que Kiev ne savait toujours pas ce qu’il y avait dans les camions. «L’inquiétude est grande car jusqu’à présent ni la partie ukrainienne ni la Croix-Rouge ne savent ce que contient ce convoi», a aussi affirmé le ministère ukrainien des Affaires étrangères dans un courrier aux membres du Conseil de sécurité.
Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, a «condamné» vendredi l’entrée du «prétendu» convoi humanitaire russe en Ukraine, jugeant que cette évolution «ne peut qu’approfondir la crise» dans la région. «Le mépris des principes humanitaires internationaux soulève de nouvelles questions quant à savoir si l’objectif réel de ce convoi est d’aider les civils ou d’apporter des fournitures aux séparatistes armés», a-t-il ajouté.
Illégalité
Le commandant en chef de l’Otan, le général Philip Breedlove, a lui aussi condamné «l’incursion illégale» de la Russie en Ukraine, dans un communiqué. «Une aide humanitaire légitime ne devrait pas être acheminée par la force en contrebande en franchissant des frontières internationales sans accord et sans l’implication des agences internationales d’aide humanitaire», a souligné le général. «Il faut s’occuper de la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine, mais pas par des méthodes qui risquent d’enflammer encore davantage le conflit», a-t-il ajouté.
Le Pentagone a exigé vendredi de la Russie qu’elle retire «immédiatement» le convoi humanitaire qui est arrivé dans le bastion prorusse de Lougansk en Ukraine, sous peine de nouvelles sanctions. L’envoi de ces camions «constitue une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Russie», a déclaré le contre-amiral John Kirby, porte-parole du Pentagone.
Une vingtaine de camions russes chargés d’aide humanitaire sont arrivés dans le centre-ville du bastion prorusse de Lougansk, leur destination, a indiqué à l’AFP un responsable local. «Une vingtaine de camions KamAZ sont entrés dans Lougansk ne provenance de la frontière russe. Ces camions ont été vus rue Oboronna» dans le centre-ville, a déclaré sous couvert de l’anonymat un responsable de l’administration régionale loyale au gouvernement de Kiev.
Les autorités ukrainiennes ont accusé vendredi la Russie d'«invasion directe» après la décision de Moscou de faire entrer son convoi humanitaire en Ukraine sans attendre son inspection complète. Après une semaine d’attente, la Russie a fait entrer en Ukraine vendredi matin ses camions chargés selon Moscou de 1 800 tonnes d’aide humanitaire, estimant que «tous les prétextes» avancés par Kiev pour «retarder la livraison» de son aide humanitaire aux populations de l’est de l’Ukraine avaient été épuisés.
«Invasion»
«Il s’agit d’une invasion directe», a lancé le chef des services de sécurité ukrainiens Valentin Nalivaïtchenko. Kiev a également affirmé que l'«entière responsabilité» de la sécurité du convoi incombait à la Russie. Les autorités ukrainiennes craignent que le convoi russe ne fasse l’objet d’une «provocation» de la part des insurgés et ne serve de prétexte à une intervention russe.
L’Union européenne a quant à elle «déploré» la «décision russe» de faire entrer son convoi humanitaire en Ukraine «sans escorte de la Croix-Rouge ni accord ukrainien», y voyant une «claire violation de la frontière ukrainienne». «Nous pressons la Russie de revenir sur sa décision», a déclaré un porte-parole du service diplomatique de l’UE, tout en «saluant pour leur retenue» les autorités ukrainiennes.
A midi, environ 70 des quelque 300 camions avaient franchi la frontière. Du côté ukrainien, des combattants rebelles dans des mini-fourgonnettes se sont joints au convoi. Selon un observateur de l’OSCE sur place, Paul Picard, seuls 34 camions ont été inspectés par les gardes-frontières et les douaniers ukrainiens, les autres passant sans aucun contrôle de leur cargaison. «Ni la partie ukrainienne, ni la Croix-Rouge ne savent ce qui se trouve dans ces camions, ce qui nous inquiète particulièrement», a indiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères. «Nous ne savons pas non plus quels sont les accords entre la partie russe et les combattants et ne n’excluons pas de provocations», ajoute le ministère.
Par ailleurs, un consul honoraire lituanien, Mykola Zelenets, a été kidnappé et tué à Lougansk, bastion des rebelles prorusses dans l’est de l’Ukraine, a affirmé le chef de la diplomatie lituanienne Linas Linkevicius sur son compte Twitter. «Je viens d’apprendre avec une profonde tristesse que le consul honoraire lituanien à Lougansk Mykola Zelenets avait été kidnappé et brutalement tué dans par des terroristes», a écrit le ministre, en visite à Kiev, qui a été accueilli dans la journée par le président ukrainien Petro Porochenko.
Situation humanitaire «critique»
Moscou a pour sa part estimé que «toutes les garanties indispensables» avaient été données et que «l’itinéraire» prévu pour le convoi avait été «vérifié» par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce dernier a indiqué qu’il n’escortait pas le convoi, faute de garantie de sécurité suffisante. «La responsabilité de possibles conséquences de provocations dirigées contre le convoi» revient «totalement» à Kiev, a ajouté la diplomatie russe.
Le convoi se dirige selon Moscou vers Lougansk, l’un des bastions des insurgés prorusses encerclé et assiégé par l’armée ukrainienne traversant une zone où d’intenses combats ont été signalés ces derniers jours. Les autorités locales de la ville ont à plusieurs reprises dénoncé une situation humanitaire «critique» alors que les habitants vivent sans eau courante, sans électricité et sans réseau téléphonique depuis bientôt trois semaines.
Pour parcourir les 63 kilomètres qui séparent la frontière de Lougansk, où une «grande bataille» est en cours selon Kiev entre insurgés prorusses et forces régulières - et où une petite équipe du CIRCR a également rapporté d’intenses bombardements dans la nuit -, le convoi russe doit passer par des zones contrôlées par les rebelles.

Sur le terrain, l’offensive des forces ukrainiennes se poursuivait vendredi dans plusieurs localités autour des fiefs insurgés de Donetsk et Lougansk. A Donetsk même, d’intenses bombardements ont de nouveau touché les faubourgs de la ville dans la nuit, endommageant plusieurs maisons et le réseau électrique, selon la mairie. L’eau courante, dont l’approvisionnement a été compromis par de précédents pilonnages, a été rétablie dans de larges secteurs de la ville et un camion de la municipalité a même été vu arrosant les espaces verts du centre-ville.
Dans le quartier d’Abakoumova, dans le sud-ouest de Donetsk, un barrage des rebelles a été bombardé au petit matin par l’armée ukrainienne, positionnée à quelques centaines de mètres de là. «Nous nous sommes cachés dans la cave, c’était vraiment effrayant. Ceux qui font ça seront jugés par Dieu», raconte Valentina en montrant les traces de shrapnel et les vitres brisées de sa petite maison. «Où puis-je aller ? Si seulement je savais où mettre mes enfants et mes petits-enfants à l’abri...», regrette-t-elle.
Sur le front diplomatique, le président ukrainien Petro Porochenko a promis de «parler de paix» avec son homologue russe Vladimir Poutine lors d’un sommet régional mardi à Minsk au Bélarus en présence des dirigeants de l’Union européenne. Porochenko veut notamment convaincre Poutine de «retirer les combattants» rebelles de l’est du pays, alors que les forces ukrainiennes ne parviennent pas à sceller hermétiquement la frontière russe, par où transite, selon Kiev et certains pays occidentaux, armes et mercenaires qui viennent renforcer les rangs des insurgés. Avant, il recevra samedi à Kiev la chancelière allemande Angela Merkel pour une visite hautement symbolique à la veille de la fête de l’indépendance de l’Ukraine qui doit être célébrée avec un défilé militaire à Kiev.
Libération avec AFP