Monde: Kiev craint «une grande guerre» avec la Russie

Par Libération.fr - Kiev craint «une grande guerre» avec la Russie.

Des combattants prorusses sur un char à Starobesheve, dans l'est de l'Ukraine, le 31 août 3014. (Photo Francisco Leong. AFP).

Le ministre ukrainien de la Défense n'a pas hésité à comparer la situation avec la Seconde Guerre mondiale. Ban Ki-moon appelle à une solution politique, afin d'éviter des conséquences «régionales et mondiales».
Kiev a cédé aux séparatistes un aéroport stratégique dans l’est rebelle et accusé la Russie de déclencher «une grande guerre» en Ukraine, qui fera des dizaines de milliers de morts.
Le retrait des soldats de l’aéroport de Lougansk, après des tirs d’artillerie provenant selon Kiev de «troupes russes», s’ajoute à une série de revers pour l’armée ukrainienne. Celle-ci semble avoir abandonné sans vraiment combattre une vaste zone du sud-est de la région séparatiste entre le fief rebelle de Donetsk, la frontière russe à l’est et le port stratégique de Marioupol au sud, sur les bords de la mer d’Azov.
Parallèlement, «le groupe de contact», composé de représentants de l’Ukraine, de la Russie et de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), et les séparatistes se sont réunis à Minsk pour chercher une issue à la crise au lendemain de l’évocation pour la première fois par le président russe Vladimir Poutine de l’idée d’un «statut étatique» pour les régions rebelles ukrainiennes. Kiev et les Occidentaux accusent depuis une semaine - photos satellitaires à l’appui - la Russie d’avoir déployé des troupes régulières dans l’est de l’Ukraine, plus de mille hommes selon l’Otan, 1 600, selon Kiev. Moscou dément catégoriquement.
«Une grande guerre est arrivée dans notre maison, une guerre comme l’Europe n’en n’avait plus connue depuis la Deuxième Guerre mondiale. Dans une telle guerre, les pertes vont se calculer non par centaines, mais par milliers voire par dizaines de milliers de morts», a déclaré lundi le ministre ukrainien de la Défense, Valéri Guéleteï. Selon lui, la priorité est désormais d’organiser la défense afin d’empêcher la Russie d’avancer «sur d’autres territoires ukrainiens».
«Un nouveau conflit armé aux confins de l’Europe»
Ban Ki-moon a mis en garde mardi les Occidentaux sur l’absence de «solution militaire» en Ukraine. «L’Union européenne, les Américains et la plupart des pays occidentaux discutent très sérieusement entre eux de la façon de procéder» face à l’implication russe en Ukraine, a déclaré le secrétaire général des Nations unies. «Ils doivent comprendre qu’il n’y a pas de solution militaire. Un dialogue politique pour une solution politique est le chemin le plus sûr», a-t-il soutenu en déplorant une «situation chaotique et dangereuse» aux conséquences «régionales et mondiales».
A Bruxelles, la ministre italienne des Affaires étrangères, Federica Mogherini, future chef de la diplomatie de l’Union européenne, doit préciser mardi devant la commission des Affaires étrangères du Parlement européen sa vision de la politique étrangère de l’UE en Ukraine.
Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, choisi à la présidence du Conseil européen, a quant à lui mis en garde lundi contre les dangers d’une guerre «pas seulement dans l’est de l’Ukraine», dans un discours prononcé au cours des cérémonies du 75e anniversaire de l’agression de l’Allemagne nazie contre la Pologne qui déclencha la Deuxième Guerre mondiale. Et le président allemand Joachim Gauck, présent sur le territoire polonais pour ces commémorations, a parlé d'«un nouveau conflit armé aux confins de l’Europe», en Ukraine, estimant que la Russie a «de facto mis fin à son partenariat» avec l’Europe.
Le conflit dans l’est de l’Ukraine a fait près de 2 600 morts depuis la mi-avril, et des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés. Environ 700 soldats ukrainiens ont été faits prisonniers par les rebelles ces derniers jours dans la région de Donetsk, a annoncé lundi Volodymyr Rouban, responsable ukrainien qui négocie l’échange de prisonniers, qualifiant la situation de «catastrophique».
Sommet de l'Otan
Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier a jugé que la Russie pourrait chercher à créer «des couloirs terrestres» dans le sud de l’Ukraine pour ravitailler la Crimée, péninsule ukrainienne annexée en mars.
Autour de Donetsk, les signes d’un retrait des forces loyalistes ukrainiennes s’accumulent, selon un journaliste de l’AFP. Le barrage de l’armée à la hauteur de Mariïnka, à la sortie ouest, avait disparu lundi. Près de Berezové, au sud du fief séparatiste, un char de l’armée et deux véhicules de transport de troupes ont été abandonnés.
L’escalade intervient avant un sommet de l’Otan les 4 et 5 septembre au Royaume-Uni, où une rencontre est prévue entre les présidents ukrainien Petro Porochenko et américain Barack Obama. L’Ukraine, qui a relancé son projet d’adhésion à l’Otan, attend une «aide pratique» et des «décisions cruciales» de l’Alliance atlantique à l’issue du sommet.
Vladimir Poutine en a appelé lundi au «bon sens», disant espérer que ni la Russie, ni l’UE ne provoqueraient de «dégâts avec ces piques respectives». Face à cette menace, la monnaie russe a plongé lundi à un nouveau plus bas face au dollar (37,30 roubles).
Des milliers de soldats des armées de l’air, de terre, et de la marine, appuyées par des forces spéciales, pourront être déployés «en quelques jours» dans l’est de l’Europe, a promis lundi le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen.

Libération avec AFP