Inéligibilité/ Dramane veut user de l’article 54 du code électoral. Un professeur d’université se prononce : « Alassane Ouattara est-il éligible selon le code électoral »

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Inéligibilité/ Dramane veut user de l’article 54 du code électoral. Un professeur d’université se prononce « Alassane Ouattara est-il éligible selon le code électoral ».

Alassane Dramane Ouattara, chef de l'Etat de Côte d'Ivoire.

Mettant manifestement sous le boisseau l’article 35 de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000 qui le disqualifie, mais en excipant, sans le moindre doute, des dispositions de l’article 54 nouveau du code électoral, Alassane Dramane Ouattara, candidat à sa succession, s’est empressé, aussitôt celle-ci ouverte, de faire acte de candidature.
« Je suis candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2015 ; conformément aux dispositions du code électoral, je suis venu déposer ma candidature », a-t-il annoncé, urbi et orbi, le 05 août 2015.
N’étant qu’une des solutions de sortie de crise, l’article 54 nouveau du code électoral ne peut, à bon droit, en être distrait pour s'appliquer isolément sans méconnaître l’esprit et la cohérence du bloc indissociable de la légalité de crise qui a justifié tous les accords politiques et des décisions qui s’en sont suivies à l’effet de résoudre la crise ivoirienne, savoir les articles 35, 48 et 75 de la Constitution du 1er août 2000.
A cet égard, en vertu de l’article 75 de la loi fondamentale, l’ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustement au code électoral pour les élections de sortie de crise en son alinéa 2, a pu modifier et compléter l’article 54 du code électoral , en dispensant, en son alinéa 2, « pour la présente élection présidentielle, savoir celle de 2010, les candidats issus des partis ou groupements politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis de la production de quelque pièce que ce soit, à l’exception de la déclaration personnelle de candidature »
Elle n’a été prise, à l’évidence, que « pour les élections de sortie de crise »comme en témoigne éloquemment le titre même qu’elle porte.
Au-delà de cette observation, l’ordonnance appelle des questions de droit au regard du dividende qu’Alassane Dramane Ouattara voudrait bien en tirer. Issues des pratiques françaises des décrets-lois de la IIIème et de la IVème République, les ordonnances, strictum jus, sont des actes ou mesures relevant normalement du domaine de la loi que le Président de la République prend, pour l’exécution de son programme.
L’article 75 de la Loi fondamentale ivoirienne, hérité de l’article 38 de la Constitution française du 04 octobre 1958, qui définit le régime juridique des ordonnances, n’admet cette délégation faite au Gouvernement de légiférer, qu’en vertu d’une loi d’habilitation.
Dispensé de tout accord de la Représentation nationale lorsqu’il use des pouvoirs exceptionnels que lui confère l’article 48 de la Constitution, l’exécutif ne peut ici intervenir dans le domaine réservé de la loi, en vertu de l’article 75 de la loi fondamentale, qu’avec l’autorisation préalable du Parlement.
De plus, au moyen d’une loi de ratification, l’Assemblée nationale accorde par la suite son onction à l’acte, lui donnant ainsi valeur de loi.
A contrario, lorsque la loi de ratification n’est pas intervenue, dans les délais prescrit par la loi d’habilitation, l’ordonnance, en ce qu’elle n’a pas acquis valeur législative, devient caduque, selon l’alinéa 2 de l’article 75 de la Constitution ivoirienne.
Il suit de l’examen des « visas » que l’ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustement au code électoral pour les élections de sortie de crise n’a pas été précédée d’une loi d’habilitation de l’Assemblée nationale.
Dès lors, ab initio, cette ordonnance n'existe pas comme norme législative dans l’ordonnancement juridique ivoirien.
En la scrutant, a posteriori, il est aisé de constater, sauf mauvaise foi, que cette ordonnance est caduque comme n’ayant pas été ratifiée par la Représentation nationale. Auteurs et juges considèrent qu’une ordonnance qui n’a pas été ratifiée par la Représentation nationale, dans le délai fixé par la loi d’habilitation, reste un acte administratif réglementaire.
En raisonnant même par l’absurde, pour continuer de l’examiner en dépit de la caducité qui la frappe, il sied de relever que selon Hans Kelsen, dans son classique, « La Théorie pure du Droit », qui fait d’ailleurs école pour tout juriste, « une norme de valeur inférieure n’est régulière, légale, que si elle est conforme à celle qui lui est hiérarchiquement supérieure dans la pyramide des normes juridiques. »
En l’espèce, l’alinéa 2 de l’article 54 nouveau du code électoral, norme de portée inférieure à la loi fondamentale, quoique d’origine référendaire, ne peut servir à affranchir le candidat Alassane Dramane Ouattara des conditions d’éligibilité telles que fixées par l’article 35 de la Constitution du 1er août 2000 qui est et demeure la norme suprême.
Au total, l’office du juge consistant à dire le droit, le Conseil constitutionnel ne devra, fort de son arrêt, rendu en date du 06 octobre 2000, passé en force de chose jugée irrévocable, que rejeter la candidature d’Alassane Dramane Ouattara pour cause d’inéligibilité.

Une Contribution de Absa Sare