Débats et Opinions/ La leçon du Président Obama à ses « vieux » pairs africains: "La loi est la loi, et personne n'est au-dessus, pas même les présidents", par Joël Ettien

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Tournée africaine/ La leçon du Président Obama à ses « vieux » pairs africains: "La loi est la loi, et personne n'est au-dessus, pas même les présidents".

Barack Obama à la tribune de l'UA à Addis Abeba.

Nous avons suivi avec beaucoup d’attention la tournée du président américain, Barack Obama, en Afrique. De Naïrobi à Addis-Abeba, il a dit sa foi en l’Afrique de demain, à la condition que les tenants du pouvoir de ce « continent d’avenir », nos chefs d’Etat, accrocs au pouvoir, changent de mentalité en respectant les Constitutions de nos pays. "La loi est la loi, et personne n'est au-dessus, pas même les présidents" a-t-il réaffirmé à ses pairs, au siège de l’Union Africaine, à Addis-Abeba.

En visite au Bénin le 02 juillet 2015, le Président François Hollande avait déjà réaffirmé le principe du respect des constitutions en Afrique. " Les constitutions sont faites pour être respectées". C’est une leçon le Burkina Faso" avait-il dit.

L’on se rappelle que l’’Afrique avait célébré l’élection de son enfant prodigue à la maison blanche, et attendait, sans doute, beaucoup de ce dernier, oubliant même qu’il était avant tout le Président des Etats-Unis d’Amérique, donc des Américains avant tout. Difficile de nier que les Africains qui sont si prompt à parler de souveraineté, quand ça les arrange, en ont voulu à leur fils Obama lors de son premier mandat, à la tête de la première puissance mondiale.

Cependant, faut-il rappeler que Barack Obama avait effectué lors de son premier mandat une visite, mémorable, au Ghana, pour saluer les progrès démocratiques de ce voisin de la Côte d’Ivoire. C’est d’ailleurs devant le Congrès ghanéen en 2009, que le président Obama avait pointé du doigt le mal, principal, qui mine les pays africains en criant haut et fort que nos Etats avaient besoin d’institutions fortes et non d’hommes forts.

« Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la loi du plus fort et à la corruption. Ce n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie, même si de temps en temps on y sème une élection ça et là, et il est temps que ce style de gouvernement disparaisse. » Avait-il dit avant d’ajouter qu’ «en ce XXIe siècle, des institutions capables, fiables et transparentes sont la clé du succès - des parlements puissants et des forces de police honnêtes ; des juges et des journalistes indépendants ; un secteur privé et une société civile florissants, ainsi qu’une presse indépendante. Tels sont les éléments qui donnent vie à la démocratie, parce que c’est ce qui compte dans la vie quotidienne des gens. »

L’on se souvient que Blaise Compaoré (au pouvoir depuis 1987), alors doyen des chefs d’Etat de l’Afrique de l’ouest, en campagne pour faire modifier l’article 37 de la constitution de son pays, le Burkina Faso, à son profit, minimisant, sans doute, le diagnostic de l’homme le plus puissant du monde, s’était permis lors du sommet USA Afrique de Washington, en 2014,de répondre au président à Obama. A la question notre confrère Nicolas Champeaux, de RFI, de savoir si Blaise Compaoré était sensible aux arguments du président américains quant à la longévité, nuisible, voire nocive de dirigeants africains au pouvoir, le grand médiateur d’alors avait répondu en ces termes : « Barack Obama nous parle de l’histoire de l’Amérique. Nous, nous avons notre histoire du Burkina. L’histoire de chaque pays africain, c’est différent. Il n’y a pas d’institution forte s’il n’y a pas, bien sûr, d’homme fort. L’Amérique a dû traverser des épreuves. Je vois la ségrégation raciale, je vois l’esclavage… Pour la suppression de ces pratiques, il a fallu des hommes forts. Il n’y a pas, aussi, d’institutions fortes s’il n’y a pas une construction dans la durée. »

La suite nous la connaissons tous.

Au moment où notre pays la Côte d'Ivoire s’apprête à vivre des élections générales (présidentielle, législative, municipale,…) en cette année 2015, nous sommes tristes et inquiets du niveau de tension qui règne dans le pays. Comme si la crise postélectorale et ses corollaires n’avaient pas servi de leçon, le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, qui, en 2010, avait sollicité un seul mandat de cinq (5) ans, en promettant monts et merveilles aux Ivoiriens, montre déjà ses muscles dans ses discours.

En effet, Alassane Dramane Ouattara dont les prisons sont pleines d’opposants politiques, de journaliste,…comme hier, menace. Et pourtant, celui qui est en pleine campagne aux frais du contribuable, et qui affiche un certain mépris vis-à-vis de l’opposition sait qu’il est en totale violation de la constitution.

Non seulement la question de la Commission électorale indépendante, en réalité, à sa solde, avec Youssouf Bakayoko, qui est, aussi, comptable des milliers de morts de la crise postélectorale, se pose ; mais encore, l’on est tenté de demander au sieur Ouattara les raisons qui l’ont poussé à imposer Marcoussis à la Côte d’Ivoire.

Si notre mémoire est bonne, c’est bien l’article 35 la constitution qui a poussé certains à prendre les armes. Justement à propos de cet article 35, le médicament Marcoussis avait prescrit ceci :

« La Table Ronde considère que l’article 35 de la Constitution relatif à l’élection du Président de la République doit éviter de se référer à des concepts dépourvus de valeur juridique ou relevant de textes législatifs. Le gouvernement de réconciliation nationale proposera donc que les conditions d’éligibilité du Président de la République soient ainsi fixées

Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n ’est rééligible qu’ une fois.

Le candidat doit jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne né de père ou de mère Ivoirien d’origine »

Mais diantre, pourquoi Monsieur Ouattara n’a-t-il pas pris la peine de procéder à cette modification ?

A notre sens, la Communauté internationale devrait se saisir, le plus rapidement possible, de la question, car à n’en point douter, Monsieur Ouattara est en train de souffler sur des braises, qui pourraient conduire la Côte d’Ivoire vers l’irréparable.

La semaine dernière, nous avons été saisis par l’image de trois présidents (deux anciens et l’actuel) du Ghana voisin, assis, côte-à-côte, dans une tribune regardant un match de football, comme des frères. Une image quasi-similaire à celle que nous ont montrée, il y a quelques mois les dirigeants du Nigéria.

Il est grand temps que les chefs coutumiers, religieux, les partis politiques, candidats déclarés et la société civile interpellent M. Ouattara et nous formulons le vœu que celui-ci fasse preuve de sagesse, prenne la mesure des dangers qui nous guettent tous et prenne soit la décision, salutaire, de se retirer ou de s’asseoir pour discuter, au nom de la paix.

S’asseoir pour discuter, telle est la démarche de la Coalition Nationale pour le Changement (CNC), qui n’entend ni boycotter les élections, ni cautionner la forfaiture, mais qui est déterminée à faire bouger les lignes pour la paix dans notre pays et le bonheur du peuple de Côte d’Ivoire. N’est-ce pas ce que recommande le fils de l’Afrique Obama à ses « vieux » pairs africains, dont Alassane Dramane Ouattara ?

Joël ETTIEN

Coordinateur Général CNC-France, Représentant Politique de KKB France